éflexion aux citoyens occi<strong>de</strong>ntaux pressés du XXIe siècle que nous sommes. La lenteur <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> domestication, <strong>les</strong> hésitations dont ils témoignent incitent à penser que <strong>les</strong>générations qui <strong>les</strong> ont menés n’avaient pas conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle, irrémédiable,el<strong>les</strong> engageaient l’humanité tout entière. »Mythe fondateurNous avons tous appris à l’école c<strong>et</strong>te phrase célèbre du duc <strong>de</strong> Sully : « Labourage <strong>et</strong>pâturage sont <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux mamel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. » Elle démontre toute l’importance d’unecivilisation agro-pastorale vieille <strong>de</strong> plusieurs millénaires qui a <strong>la</strong>rgement façonné <strong>la</strong> France <strong>et</strong>donc nos représentations menta<strong>les</strong>. Nous pourrions citer <strong>de</strong>s dizaines d’exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> Ronsardà Henri Vincenot en passant par Versail<strong>les</strong>. Notre pays est très jardiné, <strong>et</strong> même s’il comportequelques beaux écosystèmes il n’est pas un lieu idéal pour sentir <strong>et</strong> observer comment <strong>la</strong>nature s’exprime librement en Europe. Une très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> nos contemporains n’aqu’une faible connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> se nourrit du mythe, encore inoxydable, d’un milieubon à vivre parce que domestiqué <strong>et</strong> habité par l’homme.Voilà ce qu’on peut lire <strong>dans</strong> Le Courrier <strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong> l’Institut national <strong>de</strong>recherche agronomique à propos d’un recueil <strong>de</strong> textes <strong>et</strong> <strong>de</strong> peintures <strong>sur</strong> le thème du jardin,du paysage <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, paru en 1997 : « Dans <strong>les</strong> prés d’aujourd’hui, <strong>la</strong> nouvelle nature esten gestation. C’est le lieu du p<strong>la</strong>isir, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité, du bonheur. Un É<strong>de</strong>n <strong>de</strong> pur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong>beauté, d’arbres, <strong>de</strong> fleurs <strong>et</strong> d’eaux. À regar<strong>de</strong>r comme <strong>de</strong>s paysages idylliques <strong>de</strong>campagnes, <strong>de</strong> montagnes <strong>et</strong> <strong>de</strong> vallées champêtres ou sauvages. À façonner comme <strong>de</strong>sjardins. Artificiels, ces paysages, ces campagnes <strong>et</strong> ces jardins ? Certainement. La biodiversitéest proj<strong>et</strong> trop sérieux pour être <strong>la</strong>issé à <strong>la</strong> seule nature. "La nature est <strong>dans</strong> le pré. Cours yvite, cours y vite. La nature est <strong>dans</strong> le pré, cours y vite, elle va filer." »En France, une évi<strong>de</strong>nce : <strong>les</strong> questions relevant <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité,relèvent vite <strong>de</strong> l’idéologie.François Rama<strong>de</strong>, scientifique <strong>et</strong> naturaliste français <strong>de</strong> réputation internationale 63 , un<strong>de</strong>s meilleurs connaisseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, au fil d’une vie d’une vie <strong>de</strong>recherches <strong>et</strong> <strong>de</strong> voyages <strong>dans</strong> près <strong>de</strong> 54 pays <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> continents, évoque pour nous c<strong>et</strong>te« exception française » en matière <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ce véritable « discoursidéologique » qui va à l’encontre <strong>de</strong>s données scientifiques, s’en rem<strong>et</strong> à une « gestion » dontle but est, non <strong>de</strong> conserver <strong>la</strong> nature, mais <strong>de</strong>s pratiques <strong>et</strong> techniques soit disanttraditionnel<strong>les</strong>. Il serait grand temps <strong>de</strong> lire <strong>et</strong> d’écouter nos bril<strong>la</strong>nts chercheurs en <strong>la</strong> matière,plutôt que <strong>de</strong> se comp<strong>la</strong>ire <strong>dans</strong> une vision folklorisante <strong>et</strong> stérilisante.Dans <strong>la</strong> culture pyrénéenne, <strong>la</strong> pratique pastorale outre sa vocation nourricière estassociée aux paysages "créés" par <strong>les</strong> ancêtres <strong>et</strong> leurs troupeaux. Certains poussent mêmeplus loin : « Je voudrais que toutes <strong>les</strong> montagnes <strong>de</strong> France soient aussi bien entr<strong>et</strong>enues <strong>et</strong>vivantes qu’au Pays Basque. C’est un véritable gazon avec <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges fleuris <strong>et</strong> refaits àneuf. » Ainsi s’exprimait Jean Lassalle, il y a dix ans <strong>de</strong> ce<strong>la</strong> 64 , alors conseiller général <strong>de</strong> <strong>la</strong>vallée d’Aspe <strong>et</strong> prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Institution Patrimoniale du Haut-Béarn. Rappelons que c<strong>et</strong>te63 Il est notamment professeur émérite d’écologie <strong>et</strong> <strong>de</strong> zoologie à l’Université Paris -Sud, prési<strong>de</strong>nt honoraire <strong>de</strong><strong>la</strong> Société française d’écologie, prési<strong>de</strong>nt d’honneur <strong>et</strong> membre du bureau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société nationale <strong>de</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, membre d’honneur <strong>de</strong> l’Union mondiale pour <strong>la</strong> nature (U.I.C.N.). Il est l’auteur <strong>de</strong> très nombreuxouvrages d’écologie scientifique, dont Ecologie appliquée.64 « Béarn, faut-il suivre <strong>la</strong> piste basque… », Pyrénées Magazine n°57, mai-juin 1998.50
institution a été très impru<strong>de</strong>mment chargée par l’État <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>sPyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>.L’élevage pyrénéen est principalement celui <strong>de</strong>s ovins qu’on estime à 620 000 <strong>sur</strong> lemassif, dont 250 000 <strong>sur</strong> <strong>les</strong> territoires habités par l’ours. Si <strong>la</strong> filière ovine connaît un déclincontinu <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 20 ans, c<strong>et</strong>te chute concerne <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> ovins élevés pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>.Ainsi, en 2000, le ministère <strong>de</strong> l’Agriculture donnait le chiffre <strong>de</strong> 9,4 millions <strong>de</strong> têtes dont6,6 millions <strong>de</strong> brebis (2,3 millions en Midi-Pyrénées <strong>et</strong> 880 000 en Aquitaine). En 2006, <strong>la</strong>même source donne 8,9 millions d’ovins dont 5,9 millions <strong>de</strong> brebis. (Agreste :www.agriculture.gouv.fr). La filière <strong>la</strong>itière, elle, connaît un certain dynamisme lié à <strong>la</strong> bonnevalorisation <strong>de</strong>s produits fromagers, notamment <strong>dans</strong> <strong>la</strong> partie occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> vieille traditionfromagère. Le cheptel a même augmenté <strong>de</strong> 11% en dix ans 65 , au moins jusqu’en 2002.Une vallée qui se dépeuple ou qui n’est plus assez marquée par <strong>la</strong> présence humaine, perdpour certains son statut <strong>de</strong> « montagne vivante ». On r<strong>et</strong>rouve c<strong>et</strong>te pensée chez un grandnombre <strong>de</strong> personnes, quelle que soit leur origine ou leur formation, puisqu’elle estvéritablement un mythe fondateur. Prenons quelques exemp<strong>les</strong>. Les <strong>de</strong>ux grands promoteursdu reboisement du mont Aigoual en Lozère, le forestier Georges Fabre <strong>et</strong> le botaniste Char<strong>les</strong>F<strong>la</strong>haut, entre <strong>la</strong> fin du 19 ème siècle <strong>et</strong> le début du 20 ème , étaient animés par l’idée qu’un payssans hommes est un « désert ». Paradoxalement, ce « désert » avait été justement l’œuvre d’unélevage <strong>et</strong> d’un charbonnage intensifs, <strong>et</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> l’Aigoual abrite aujourd’hui une fouled’espèces… vivantes.Le fond du discours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong>s éleveurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bergers est i<strong>de</strong>ntique. On sent bienchez un berger béarnais comme Joseph Paroix, qui fut favorable à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>sPyrénées <strong>et</strong> qui s’oppose désormais aux lâchers d’ours d’origine slovène, toute <strong>la</strong> crainte d’unemontagne qui ne serait plus « vivante » selon ses critères 66 . Mais <strong>la</strong> montagne serait-elle moins« vivante » si elle était moins peuplée <strong>de</strong> bergers <strong>et</strong> d’animaux domestiques <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> bêtessauvages ? La montagne serait-elle morte si l’agriculture recu<strong>la</strong>it <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> ronce, le taillis puis<strong>la</strong> forêt ?65 L’avenir <strong>de</strong> l’élevage : territorial, enjeu économique, rapport du Sénat, Gérard Bailly, novembre 2002.66 Lire « Le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> désespérance » <strong>dans</strong> Laborari, journal <strong>de</strong> <strong>la</strong> Confédération paysanne du PaysBasque, août 2007. Publié aussi <strong>sur</strong> le blog La Buv<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s alpages.51
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