L’OURS ET LA CHASSE« Mes plus beaux souvenirs <strong>de</strong> chasse, c’est quand l’ours vivait <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne.Il était là comme <strong>les</strong> tempêtes en Br<strong>et</strong>agne. »Un chasseur aspoisLa chasse est très souvent regardée en France <strong>et</strong> ailleurs comme <strong>la</strong> cause majeure <strong>de</strong>disparition <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> bien d’autres espèces anima<strong>les</strong>. Pourtant. « Si <strong>les</strong> biotopes <strong>de</strong> l’ourssont très <strong>la</strong>rgement intacts <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> Rhodopes jusqu’aux Tatras <strong>et</strong> même jusqu’à l’Oural, cen’est pas seulement grâce à <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te espèce, c’est aussi grâce à <strong>la</strong> conception <strong>de</strong><strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te zone qui reconnaît à l’ours une p<strong>la</strong>ce privilégiée » écrivait RudolfRösler 131 .Au mois <strong>de</strong> mai <strong>de</strong>rnier, un chasseur <strong>de</strong> Kocevska Reka (Slovénie) faisait c<strong>et</strong>teremarque rapportée à nous qui avions "loué" un <strong>de</strong>s miradors qu’il gère : « Je ne comprendspas pourquoi <strong>les</strong> Français viennent voir <strong>les</strong> ours chez nous, leurs chasseurs <strong>les</strong> tuent. » Un<strong>et</strong>elle remarque démontre l’attachement, réel, qui est parfois une véritable fascination, <strong>de</strong>sSlovènes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> ce pays aux ours. Elle illustre aussi <strong>la</strong> puissance déformatrice <strong>de</strong>sinformations médiatisées qui empêchent toute compréhension d’un problème plus complexe.Les dangers <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse pour l’oursToutes <strong>les</strong> situations étrangères démontrent que <strong>les</strong> ours s’adaptent à <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>schasseurs, mais pas à tous <strong>les</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chasse ni quand ils ne connaissent aucune limite. EnSlovénie ou en Slovaquie, pour ne prendre que ces <strong>de</strong>ux exemp<strong>les</strong>, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours,aujourd’hui florissante, a été sauvée grâce aux efforts <strong>de</strong>s chasseurs. Dans ces <strong>de</strong>ux pays,cependant, <strong>la</strong> chasse à l’ours est pratiquée à l’affût <strong>de</strong>puis un mirador. C’est donc un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>chasse peu dérangeant pour l’ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune en général.Il n’en est pas <strong>de</strong> même avec <strong>la</strong> chasse en battue aux sangliers. Partout où elle estpratiquée, elle se révèle extrêmement dérangeante pour l’ours, lui-même soumis pendant <strong>les</strong><strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> à <strong>de</strong>s battues <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction. « La battue au chevreuil <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout au sanglier estcertainement le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse le plus perturbant, car son obj<strong>et</strong> même est <strong>de</strong> débusquerl’animal chassé », lit-on <strong>dans</strong> le bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> l’O.N.C. spécialement consacré à l’ours brun <strong>de</strong>sPyrénées en janvier 1990. Nous qui avons participé à <strong>de</strong>s battues aux cerfs <strong>et</strong> sangliers savonsquelle panique s’empare <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt.Pour mémoire, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 60 <strong>et</strong> 70 on chassait <strong>sur</strong>tout l’isard <strong>et</strong> le lièvre <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Les chiens courants utilisés avaient très peur <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> venaientalors, en cas <strong>de</strong> rencontre, se m<strong>et</strong>trent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> jambes <strong>de</strong>s hommes. Détail d’importance : onpartait <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges à pied à 3 ou 4 heures du matin <strong>et</strong> l’on chassait une fois par semaine. Or,<strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années 90, <strong>les</strong> sangliers (mais aussi <strong>les</strong> chevreuils) vivent en grandnombre <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> secteurs. Les accès routiers perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> chasser trois fois parsemaine : mercredi, samedi <strong>et</strong> dimanche. Les chiens courants utilisés sont plus p<strong>et</strong>its (Fox,Jack), car <strong>les</strong> chasseurs venant <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine veulent <strong>les</strong> récupérer <strong>les</strong>oir. Ils courent moins mais sont très agressifs même au ferme avec un sanglier. C’est <strong>de</strong>venuune culture, avec <strong>les</strong> congé<strong>la</strong>teurs (Conversations avec <strong>de</strong>ux chasseurs aspois). Parallèlement,<strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s fédéraux, très présents <strong>sur</strong> le terrain à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 70, a beaucoup131 « L’ours brun en Europe centrale <strong>et</strong> orientale » in Atelier <strong>sur</strong> <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours brun enEurope, Asturies, Conseil <strong>de</strong> l’Europe, mai 1988.94
diminué, alors qu’entre temps <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong>s chasseurs s’est accrue. (Commentaire <strong>de</strong>D.Boyer).Dans <strong>les</strong> Pyrénées navarraises <strong>et</strong> aragonaises, « <strong>la</strong> chasse au sanglier est considéréecomme une activité qui a une influence négative <strong>sur</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours (Herrero <strong>et</strong> Guiral,1994) » rapporte Olivier Patrimonio. Ce jugement est malheureusement va<strong>la</strong>ble pour toutes<strong>les</strong> Pyrénées. Dans <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, plusieurs gar<strong>de</strong>s du Parc national confient,qu’hormis <strong>la</strong> zone centrale du parc, il n’y a pas un secteur, « pas un mètre carré qui ne soitdérangé » par <strong>les</strong> battues aux sangliers. De nombreux naturalistes <strong>et</strong> gar<strong>de</strong>s se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntmême si <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées est encore possible sans qu’il ait pendant <strong>de</strong>s mois<strong>de</strong>s chiens aux trousses (D. Boyer notamment).Le sanglier fréquente <strong>les</strong> mêmes territoires que l’ours pour se nourrir ou se remiser.Tous <strong>les</strong> chasseurs <strong>et</strong> <strong>les</strong> bons connaisseurs <strong>de</strong> l’ours le savent, si bien que <strong>les</strong> risques <strong>de</strong>confusion entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux espèces sont bien réels. Encore une fois, tous <strong>les</strong> connaisseurs <strong>les</strong>avent, chasseurs ou naturalistes. Les naturalistes espagnols qui étudient c<strong>et</strong>te espèce ont ainsichoisi le terme <strong>de</strong> « jabaloso » (contraction <strong>de</strong> jabalí - sanglier - <strong>et</strong> oso) pour exprimer <strong>la</strong>difficulté d’i<strong>de</strong>ntification correcte <strong>de</strong> l’animal <strong>dans</strong> certaines situations 132 . Ils rappellent qu’i<strong>les</strong>t très facile <strong>de</strong> confondre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux espèces <strong>et</strong> tant le FAPAS (Fondo par <strong>la</strong> protecci?n <strong>de</strong> losanima<strong>les</strong> salvajes) que <strong>la</strong> Fundaci?n Oso Pardo ont chacun produit <strong>de</strong>s documentsphotographiques qui le démontrent parfaitement.Dans <strong>les</strong> Pyrénées, André Apiou, lors <strong>de</strong> son procès en décembre 1998 avait lui mêmeinvoqué c<strong>et</strong>te confusion. C<strong>et</strong> homme qui chassa toute sa vie, tuant officiellement 6 ours, savaittrès bien que <strong>la</strong> confusion est possible. Mais <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te affaire-là, il fut confondu, c’est le cas<strong>de</strong> le dire, par le juge d’instruction. Il lui avait déc<strong>la</strong>ré avoir visé le torse <strong>de</strong> l’animal, un termeque l’on peut utiliser pour désigner l’ours mais pas le sanglier.La chasse en battue a également <strong>de</strong>s conséquences indirectes <strong>et</strong> graves pour l’ours. Ellele dérange <strong>dans</strong> une pério<strong>de</strong> cruciale <strong>de</strong> l’année, pendant <strong>la</strong>quelle l’ours s’engraisse avantl’entrée en tanière. Pour une femelle qui a été fécondée au printemps, <strong>les</strong> conséquencespeuvent être graves. L’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> l’œuf est différée chez l’ourse jusqu’en novembre, peu<strong>de</strong> temps avant l’entrée en tanière. Des dérangements fréquents empêchant l’animal <strong>de</strong> senourrir correctement peuvent provoquer <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> l’œuf. S’il s’agit d’une femelle suitée, <strong>de</strong>sdérangements répétés peuvent affaiblir mère <strong>et</strong> oursons, <strong>et</strong> comprom<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> chances <strong>de</strong><strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.Olivier Patrimonio rapporte que <strong>la</strong> chasse au sanglier en battue est citée en Espagne, enItalie, en Grèce <strong>et</strong> en France, comme une <strong>de</strong>s sources majeures <strong>de</strong> dérangement, voire <strong>de</strong>mortalité <strong>de</strong> l’ours.En Grèce : « La fréquence <strong>de</strong> mortalité par <strong>de</strong>struction est concentrée <strong>sur</strong>tout durant <strong>la</strong>pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse (entre septembre <strong>et</strong> janvier) <strong>et</strong> plus spécialement durant <strong>les</strong> battues àsanglier qui sont <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> 27% <strong>de</strong>s cas recensés durant <strong>les</strong> années 1994-1995 (proj<strong>et</strong>Arctos, 1996). »En Italie : « À l’extérieur du Parc National <strong>de</strong>s Abruzzes, <strong>les</strong> chasseurs <strong>de</strong> sangliers sontresponsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> braconnage d’ours (Roth, 1995). »132 « Los cazadores asturianos y <strong>la</strong> conservaci?n <strong>de</strong>l oso. Manual para cazar en <strong>la</strong>s zonas oseras asturianas. » Fundaci?n OsoPardo <strong>et</strong> neuf sociétés <strong>de</strong> chasse, 2002 ( ?).95
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