CHRONIQUE DES MESURES DE PROTECTION DE L’OURSDANS LES PYRENEESPourquoi accor<strong>de</strong>r une aussi longue p<strong>la</strong>ce à c<strong>et</strong> <strong>historique</strong> ? Mais comment comprendrenotre présent si nous ignorons le passé ?La plus gran<strong>de</strong> histoireLa volonté <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours est très mo<strong>de</strong>rne. Si on peut <strong>la</strong> dater aux cinquante<strong>de</strong>rnières années, l’ancêtre <strong>de</strong> l’ours brun, lui, est présent <strong>sur</strong> Terre <strong>de</strong>puis 600 000 ans.L’ours brun apparaît en Europe il y a environ 100 000 ans. Pendant au moins trentemille ans (<strong>de</strong> - 40 000 à - 11 000 ans avant nous), <strong>les</strong> hommes <strong>de</strong>s cultures paléolithiques ontreprésenté l’ours sous diverses formes : une <strong>de</strong>s plus vieil<strong>les</strong> sculptures connues au mon<strong>de</strong> estcelle d’un ours - elle a été découverte <strong>dans</strong> <strong>la</strong> grotte <strong>de</strong> Montespan (Pyrénées commingeoises)-, l’ours a été gravé <strong>sur</strong> le bois <strong>de</strong> renne, peint à l’ocre rouge au Pont-d’Arc, <strong>et</strong>c. Il n’est passans intérêt <strong>de</strong> savoir que <strong>les</strong> estimations démographiques à l’époque magdalénienne sont <strong>de</strong>quinze mille ou vingt mille habitants pour le sud-ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France 14 . C’est-à-dire qu’une sifaible popu<strong>la</strong>tion qui possédait <strong>les</strong> mêmes capacités cérébra<strong>les</strong> que nous a créé une industri<strong>et</strong>rès ingénieuse 15 <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> pratiqué un art mystérieux qui <strong>sur</strong>prend par son grandraffinement. Un culte <strong>de</strong> l’ours semble avoir existé <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées <strong>et</strong> <strong>sur</strong> tout le continenteurasiatique, même s’il est contesté <strong>dans</strong> nos contrées par <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s chercheurs. Notonsqu’un culte <strong>de</strong> l’ours persiste aujourd’hui, <strong>de</strong> manière très affaiblie certes, en <strong>de</strong> très rareslieux <strong>de</strong> l’Eurasie, comme chez <strong>les</strong> Aïnous au Japon.Puis ce fut <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> rupture néolithique (nous n’employons pas le terme <strong>de</strong> révolutioncouramment usité, car étymologiquement une révolution est un r<strong>et</strong>our au point d’origine).Entre - 8 000 <strong>et</strong> - 5 000 ans, apparaissent <strong>dans</strong> nos pays européens, <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>les</strong>élevages <strong>de</strong>s animaux domestiques, en particulier ceux <strong>de</strong>s chèvres <strong>et</strong> moutons dont <strong>les</strong>souches proviennent d’Asie centrale. Une nouvelle vision, représentation du mon<strong>de</strong>, émerge,<strong>de</strong> plus en plus anthropocentrée. Avec l’avènement <strong>de</strong> l’agriculture <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’élevage, <strong>et</strong> doncl’accroissement démographique <strong>de</strong> l’espèce humaine, <strong>la</strong> situation se dégra<strong>de</strong> pour l’ours brun.Olivier <strong>de</strong> Marliave parle d’une véritable guerre au moment <strong>de</strong> l’apogée démographique <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées au XIXe siècle. Michel Pastoureau, grand connaisseur du symbolisme animal,parle <strong>de</strong> <strong>la</strong> chute du roi <strong>de</strong>s animaux que l’Eglise a combattu avec succès mille ans durant 16 .Le rapport <strong>de</strong> l’homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées a toujours été ambivalent. Ennemihéréditaire <strong>de</strong>s bergers <strong>et</strong> <strong>de</strong>s éleveurs, l’ours est aussi c<strong>et</strong> animal suffisamment considérépour être appelé Lou Moussu (le Monsieur). « L’animal détesté – il est le rival craint entr<strong>et</strong>ous, celui qui sème <strong>la</strong> mort <strong>dans</strong> <strong>les</strong> troupeaux – est aussi celui que l’on attend parce qu’i<strong>la</strong>nnonce le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie » écrit l’<strong>et</strong>hnologue Isaure Gratacos 17 . Pour l’historien Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>14 In Le Magdalénien. Apogée <strong>de</strong> l’art quaternaire. Dominique Saachi, La maison <strong>de</strong>s roches, 2003.15 Le célèbre mathématicien <strong>et</strong> philosophe <strong>de</strong>s sciences suisse Ferdinand Gons<strong>et</strong>h avait répondu à son amil’artiste Robert Hainard qu’il n’existait aucune différence essentielle entre un homme paléolithique empruntantl’é<strong>la</strong>sticité d’une branche pour réaliser une branche rectiligne <strong>et</strong> un physicien é<strong>la</strong>borant une horloge atomique.16 L’ours : histoire d’un roi déchu, au Seuil, 2007.17 Calendrier pyrénéen, Rites, coutumes <strong>et</strong> croyances calendaires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> tradition orale en Co mminges <strong>et</strong>Couserans, Privat, 1995.12
Bouch<strong>et</strong>, <strong>la</strong> principale raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> l’ours est qu’il était nuisible vivant pour unesociété agropastorale, <strong>et</strong> utile mort en ce qu’il rapportait <strong>de</strong>s ressources.L’histoire très mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’oursLes premières <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours sont cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> chasseurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> forestiers,tel le prince Albert <strong>de</strong> Monaco, venu chasser en Ariège <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 1915-1916, ouMonsieur Salvat, inspecteur <strong>de</strong>s Eaux <strong>et</strong> Forêts, qui lors du premier congrès international <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature tenu à Paris en 1923, attribuait <strong>la</strong> régression <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours à« l’ouverture <strong>de</strong>s routes, l’exploitation <strong>de</strong>s bois, le débroussaillement <strong>et</strong>… <strong>la</strong> chasse », <strong>et</strong><strong>de</strong>mandait l’arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>la</strong> création d’un parc national.Même si ce<strong>la</strong> regar<strong>de</strong> plutôt <strong>la</strong> Confédération helvétique, sachons que Boris III <strong>de</strong>Bulgarie s’engageait en 1938, auprès <strong>de</strong> Robert Hainard, à donner <strong>de</strong>s ours pour repeupler <strong>les</strong>Alpes suisses, préfigurant <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune européenne.1946, Jean-Émile Bénech, par ailleurs auteur d’ouvrages cynégétiques, écrit <strong>dans</strong>Fauves <strong>de</strong> France, chez Stock, collection <strong>les</strong> livres <strong>de</strong> nature : « Peut-être - il est bien tard ! -quelques me<strong>sur</strong>es draconiennes… Mais non ! Il n’est jamais trop tard. Seulement, il faudrait<strong>les</strong> prendre tout <strong>de</strong> suite. N’ont-el<strong>les</strong> pas sauvé <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>sur</strong>vivants <strong>de</strong>s républiques <strong>de</strong>castors ? N’assistons-nous pas aujourd’hui au miracle <strong>de</strong> leur <strong>sur</strong>vivance <strong>sur</strong> le Rhône. Quidéfendra <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours pyrénéens ? » Bénech oppose le loup « bandit <strong>de</strong> nos forêts »à l’ours ermite, épris <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>, causant si peu <strong>de</strong> dégâts, adroit, très circonspect, « le plusavisé sans doute après le singe <strong>et</strong> qui se joue <strong>de</strong>s embûches avec une rare facilité. »1954, le docteur Marcel Couturier, gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse française, membrecorrespondant du Muséum national d’histoire naturelle parmi quantité d’autres titres, faitparaître à compte d’auteur une volumineuse monographie : L’Ours brun. Au cours <strong>de</strong> sa vie,M. Couturier a publié d’autres travaux du même type <strong>sur</strong> le chamois ou <strong>les</strong> coqs <strong>de</strong> bruyère. I<strong>les</strong>t bon <strong>de</strong> savoir que M. Couturier a chassé l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées <strong>et</strong> qu’il a tué son premierours à Urdos grâce à André <strong>et</strong> Jean-Bernard Apiou, fils <strong>de</strong> Bernard Apiou, tous chasseursd’ours.Couturier évalue alors <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>de</strong>s Pyrénées françaises à 70 têtes. « Cenombre varie d’ailleurs beaucoup pendant <strong>la</strong> belle saison, en raison du va-<strong>et</strong>-vient <strong>de</strong>sanimaux entre <strong>la</strong> France <strong>et</strong> l’Espagne, <strong>et</strong> vice versa. » Pour <strong>les</strong> Pyrénées espagno<strong>les</strong>,justement, il estime que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours y serait inférieure à celle du versant nord. À titre<strong>de</strong> comparaison, il estime que <strong>la</strong> Slovénie abritait alors 75 ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> Croatie voisine (<strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions sont reliées), 200 individus. Il estime également <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Slovaquie à 200ours alors que l’effectif était d’une vingtaine d’individus en 1932.Quant aux réserves, il écrit : « Ainsi n’existe-t-il en France qu’une seule réserve d’ours,celle du Pic du Midi d’Ossau. Il est donc <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute utilité d’en créer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> dontl’obj<strong>et</strong> sera <strong>de</strong> protéger c<strong>et</strong>te espèce. » Et il évoque avec précision <strong>les</strong> secteurs en questionpour conclure : « La question <strong>de</strong>s réserves à ours en France est aussi importante que celle <strong>de</strong><strong>la</strong> réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au fauve. L’une ne vaut rien sans l’autre. Rien ne s’opposevraiment à ce qu’el<strong>les</strong> soient harmonieusement conjuguées <strong>et</strong> alliées pour <strong>la</strong> meilleure<strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’espèce. 18 »18 Chapitre « Nouvel<strong>les</strong> réserves à créer », pages 722-723 <strong>de</strong> L’Ours brun.13
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