LA POLITIQUE PASTORALE DES ASSOCIATIONS DANS LES PYRENEESOCCIDENTALESDe <strong>la</strong> révolution à <strong>la</strong> désillusionDominique Boyer nous raconte que le berger ou le paysan <strong>de</strong> Lescun <strong>de</strong>s années 1970qui avait rencontré l’ours <strong>de</strong> près re<strong>de</strong>scendait <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>les</strong> « cheveux hérissés, <strong>et</strong>s’enfermait mu<strong>et</strong> chez lui ». Cependant, il n’y avait nulle trace <strong>de</strong> haine comme on le constateaujourd’hui auprès d’éleveurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> bergers. François Merl<strong>et</strong>, en septembre 2005, lui qui avaitconnu <strong>les</strong> mêmes bergers <strong>et</strong> paysans <strong>les</strong>cunois à partir <strong>de</strong>s années 1960, nous disait <strong>la</strong> mêmechose.On l’a vu, c’est en 1975 que Joël Tanguy-Le-Gac, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> quelquesautres créent le Fonds d’intervention éco-pastoral (F.I.E.P.), première association <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours qui entend as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> coexistence du pastoralisme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours, <strong>et</strong> montreraux bergers qu’ils peuvent avoir intérêt à ce que l’ours fréquente leurs estives, alors qu’il estle gêneur voire l’ennemi héréditaire. On pense d’ailleurs que le berger peut <strong>de</strong>venir lemeilleur défenseur <strong>de</strong> l’ours par intérêt bien compris. La plupart <strong>de</strong>s bergers vivent alorspendant <strong>la</strong> saison d’estive au sein <strong>de</strong> cabanes assez voire très rustiques, sans liaison radio <strong>et</strong> leplus souvent sans accès routier. Il subsiste 25 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>la</strong> démarche estprésentée comme révolutionnaire <strong>et</strong> elle est justifiée par l’inaction presque totale du Parcnational en matière <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours.C<strong>et</strong>te politique est soutenue alors par l’ensemble <strong>de</strong>s associations nationa<strong>les</strong>, au premierp<strong>la</strong>n le W.W.F. France, Artus puis Ferus, <strong>et</strong> <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s fédérations régiona<strong>les</strong> tel<strong>les</strong> que <strong>la</strong>S.E.P.A.N.S.O. ou Nature Midi-Pyrénées. Le F.I.E.P. part du principe qu’on ne peut isoler unanimal <strong>de</strong> son milieu <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong>s paysages végétaux où il évolue, pas plus que du cadrehumain <strong>dans</strong> lequel il s’insère. Elle se veut une nouvelle approche que celle du simplepaiement <strong>de</strong>s dégâts organisé dès <strong>les</strong> années 50 par l’Association <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montagne,qui n’a malheureusement pas empêché <strong>la</strong> chute <strong>de</strong>s effectifs d’ours. Certains citent <strong>la</strong> créationdu Parc en 1967 comme source <strong>de</strong> crispation <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>de</strong>structions.Pourtant, dès l’origine, <strong>de</strong>s voix discordantes se font entendre. Ainsi, en 1976, à Pau,lors d’un colloque international <strong>sur</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune <strong>de</strong>s Pyrénées, le biologiste allemand P<strong>et</strong>erRöben estime que <strong>les</strong> Français se trompent à encourager le pastoralisme. « Le pacage ne<strong>de</strong>vrait pas être encouragé. Il faudrait même favoriser l'abandon <strong>de</strong>s fermes <strong>et</strong> exploitationsagrico<strong>les</strong> <strong>dans</strong> toute <strong>la</strong> zone fréquentée par <strong>l'ours</strong>. [...] Rabâcher que le pâturage estabsolument nécessaire au maintien du milieu <strong>et</strong> du paysage montagnard est une erreur <strong>et</strong> unecontrevérité fondamentale. [...] En conclusion, perm<strong>et</strong>tez-moi une remarque quelque peuamère : il serait bon que le Parc National ne s'occupe pas exclusivement <strong>de</strong> développer l<strong>et</strong>ourisme <strong>et</strong> d'as<strong>sur</strong>er le bien-être <strong>de</strong>s bergers, mais - il me semble que c'est même sa vocationprioritaire - qu’il s'occupe également <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s espèces anima<strong>les</strong> <strong>et</strong> végéta<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>leur milieu <strong>de</strong> vie. »C’est aussi <strong>la</strong> position <strong>de</strong> Robert Hainard notamment exprimée lors d’un colloqueanalogue au mois <strong>de</strong> novembre 1981, qui entraîna une discussion franche avec C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Louis Espinassous, ce <strong>de</strong>rnier alors agent du Parc. Voilà ce que pouvait écrireR. Hainard à Michel Terrasse <strong>de</strong>ux ans auparavant, au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s fiers montagnards quirefusent <strong>la</strong> réserve d’Indiens mais poussent au grand programme immobilier du Soussouéouen vallée d’Ossau : « Ces sont <strong>de</strong>s sous-développés <strong>et</strong> ils le restent en se précipitant (comme42
le Tiers-Mon<strong>de</strong>) <strong>sur</strong> ce "Progrès", ce "développement" auquel nous ne croyons plus. » Ouencore, alors que <strong>la</strong> tentation pastorale est forte chez <strong>les</strong> naturalistes : « Vas-tu abandonner <strong>la</strong>photo pour élever <strong>de</strong>s moutons, seule communion vraie avec <strong>la</strong> nature ? »Ces voix très singulières furent écoutées mais pas comprises, tant el<strong>les</strong> sont enopposition avec <strong>la</strong> culture pastorale <strong>de</strong>s Pyrénées. Il est vrai aussi qu’un pastoralisme bienconduit <strong>et</strong> plus limité <strong>dans</strong> l’espace est compatible avec <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> même duloup. Une telle réalité s’observe <strong>dans</strong> <strong>de</strong> nombreux pays dits mo<strong>de</strong>rnes.L’idée généreuse <strong>de</strong> venir en ai<strong>de</strong> aux bergers, fut celle <strong>de</strong> Joël Tanguy-Le-Gac,naturaliste pyrénéen très doué <strong>et</strong> créateur par ailleurs en 1979 avec Jean-François Terrassed’Organbi<strong>de</strong>xka Col Libre. Figure incontournable <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, décédé en 2006, Joël Tanguy-Le-Gac fut aussi un <strong>de</strong>s piliers <strong>de</strong> <strong>la</strong>première Société d’Etu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> Protection <strong>et</strong> d’Aménagement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature en Sud-Ouest,section du Béarn (S.E.P.A.N.S.O. Béarn), à l’occasion notamment du grand conflit autour <strong>de</strong>slourds proj<strong>et</strong>s immobiliers <strong>dans</strong> le Soussouéou (vallée d’Ossau). C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, qui futprési<strong>de</strong>nt du F.I.E.P. <strong>de</strong> sa création en 1975 jusqu’au 31 décembre 1985, constate aujourd’huique l’ « argent n’a pas suffit » <strong>et</strong> que ce concept était au fond très « urbain ».En 1979, le F.I.E.P. verse <strong>les</strong> premières in<strong>de</strong>mnités <strong>de</strong> dérangement aux bergers.L’argent provient du Fonds mondial pour <strong>la</strong> nature (W.W.F.) puis viendra <strong>de</strong> l’État. L<strong>et</strong>émoignage <strong>de</strong> Dominique Boyer, naturaliste <strong>et</strong> photographe alors membre du F.I.E.P., quisigna <strong>les</strong> premiers chèques aux bergers, illustre toute l’ambiguïté <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> cesnaturalistes sincères. Son grand-père, berger basque, à qui il explique leur démarche répond :« Ils vont se moquer mais ils te prendront l’argent. » Pour l’essentiel, c’est bien ce qui estarrivé.Une autre politique aurait pu voir le jour mais elle fut sans len<strong>de</strong>main. À <strong>la</strong> charnière <strong>de</strong>sannées 70 <strong>et</strong> 80, D. Boyer avait proposé à l’association d’ach<strong>et</strong>er une coupe <strong>de</strong> bois <strong>dans</strong> unsecteur <strong>de</strong> Lescun très favorable à l’ours qui y séjournait <strong>la</strong> journée (couches diurnes). Unemajorité <strong>de</strong>s membres ayant refusé c<strong>et</strong>te idée pour se consacrer à sa politique pastorale, ilquitta le F.I.E.P. Un <strong>de</strong>s rares proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> conservation directe <strong>de</strong> l’espace ursin fut mené en1985. Un proj<strong>et</strong> d’allongement d’une piste <strong>dans</strong> un secteur très favorable <strong>de</strong> <strong>la</strong> communed’Etsaut mobilise alors <strong>les</strong> associations. Une solution audacieuse est même imaginée <strong>et</strong> miseen pratique par <strong>la</strong> Fédération S.E.PA.N.S.O. qui, avec l’ai<strong>de</strong> d’associations nationa<strong>les</strong> <strong>et</strong>régiona<strong>les</strong>, achète une propriété qui perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> bloquer le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> piste. La piste ne vitpas le jour.Très tôt, <strong>les</strong> élus, <strong>et</strong> le tout jeune conseiller général <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe, Jean Lassalle,comprirent l’intérêt <strong>de</strong> récupérer ces actions, comme ils récupérèrent par exemple <strong>la</strong> station <strong>de</strong>ski <strong>de</strong> fond du Somport, d’abord <strong>de</strong> taille mo<strong>de</strong>ste <strong>et</strong> <strong>de</strong> fonctionnement associatif, pour enfaire ce que nous savons en parfaite vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s lois.Un héliportage du matériel <strong>de</strong>s bergers réalisé par le F.I.E.P. en début <strong>de</strong> saison d’estivele 2 juill<strong>et</strong> 1983 <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communes d’Etsaut <strong>et</strong> <strong>de</strong> C<strong>et</strong>te-Eygun avait fait grand bruit <strong>dans</strong> <strong>la</strong>vallée. Immédiatement, Jean Lassalle écrit au F.I.E.P., évoque un flot d’appels pressantsvenant <strong>de</strong> bergers <strong>de</strong>mandant à en bénéficier aussi, souhaite <strong>de</strong>s renseignements <strong>et</strong> remerciel’association <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te initiative tout en regr<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> ne pas avoir été informé avant 49 .Quid aujourd’hui ? Le quotidien Sud Ouest a fait paraître un article ce 5 juin 2008 :« L’hélico, le bâton <strong>de</strong>s bergers ». Les bergers qui répon<strong>de</strong>nt aux critères d’isolement <strong>et</strong> <strong>de</strong>49 Archives <strong>de</strong> C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che.43
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