Parmi <strong>les</strong> recherches <strong>de</strong> terrain qui démontrent que l’intégrité <strong>de</strong>s écosystèmes dépendsouvent <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong>s grands carnivores, on citera l’expérience du Parc national <strong>de</strong>Yellowstone. L’extermination <strong>de</strong>s loups <strong>sur</strong> ce territoire avait entraîné l’augmentationimportante <strong>de</strong>s é<strong>la</strong>ns. Ces <strong>de</strong>rniers exercèrent une telle pression <strong>sur</strong> <strong>la</strong> végétation que nombred’espèces disparurent ou régressèrent, dont <strong>les</strong> sau<strong>les</strong> le long <strong>de</strong>s cours d’eau. Depuis <strong>la</strong>réintroduction <strong>de</strong>s loups, <strong>la</strong> flore se porte bien mieux <strong>et</strong> l’on attend le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong>s castors. Demême, sans <strong>les</strong> loups <strong>et</strong> <strong>les</strong> ours grizzli, l’orignal avait un tel impact <strong>sur</strong> <strong>les</strong> sau<strong>les</strong> queplusieurs espèces d’oiseaux déclinèrent 101 .Relevons aussi le travail <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> Sylvain Allombert, dirigé par Jean-LouisMartin <strong>de</strong> l’Université Montpellier II, Centre d’Ecologie Fonctionnelle <strong>et</strong> Evolutive, C.N.R.S.La thèse <strong>de</strong> S. Allombert, thèse <strong>de</strong> doctorat en biologie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> écologie (EcoleNationale Supérieure d'Agronomie <strong>de</strong> Montpellier), soutenue en 2004, est intitulée Eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong>scervidés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communautés anima<strong>les</strong> en forêt tempérée : interactions complexes <strong>dans</strong> uneexpérience naturelle. Voici son résumé :« Un <strong>de</strong>s enjeux actuels pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité est d’acquérir unemeilleure compréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong> complexité <strong>de</strong>s interactions au sein <strong>de</strong>s écosystèmes afin <strong>de</strong>mieux p<strong>la</strong>nifier <strong>les</strong> stratégies <strong>de</strong> conservation. Du fait <strong>de</strong>s changements intervenus <strong>dans</strong> <strong>la</strong>gestion <strong>de</strong>s terres, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s grandsprédateurs, <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions d’ongulés forestiers sont aujourd'hui en forte augmentation <strong>dans</strong>une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s forêts tempérées. Ces fortes popu<strong>la</strong>tions ont <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s nombreux <strong>et</strong>complexes <strong>sur</strong> <strong>la</strong> végétation du sous-bois <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> strate arborée, mais également <strong>sur</strong> le sol.Néanmoins peu d'étu<strong>de</strong>s se sont appliquées à en décrypter <strong>les</strong> répercussions <strong>sur</strong> <strong>les</strong>communautés anima<strong>les</strong>.Nous avons utilisé une expérience naturelle <strong>dans</strong> l'archipel <strong>de</strong> Haida Gwaii au Canadaoù le cerf à queue noire a été introduit il y plus d’un siècle alors que ses principauxprédateurs, le loup <strong>et</strong> le puma, étaient absents. On y trouve aujourd’hui côte à côte <strong>de</strong>s î<strong>les</strong>sans cerfs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s î<strong>les</strong> colonisées par <strong>les</strong> cerfs mais variant <strong>dans</strong> <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> présence du cerf.Toutes ces î<strong>les</strong> sont couvertes du même type <strong>de</strong> forêt. L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s communautés d'oiseaux <strong>et</strong><strong>de</strong>s communautés d'insectes liées à <strong>la</strong> végétation du sous-bois a révélé <strong>de</strong> fortes diminutionsd'abondance <strong>et</strong> <strong>de</strong> diversité au sein <strong>de</strong> ces communautés lorsque <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> présence du cerfaugmente. Les popu<strong>la</strong>tions d'oiseaux montrent également une réduction du succèsreproducteur <strong>dans</strong> <strong>les</strong> î<strong>les</strong> affectées par le cerf, <strong>et</strong> certaines popu<strong>la</strong>tions disparaissentlocalement. Les résultats concernant <strong>les</strong> invertébrés <strong>de</strong> <strong>la</strong> litière sont plus contrastés maisindiquent également un eff<strong>et</strong> du cerf <strong>sur</strong> certains taxons. A travers l'ensemble <strong>de</strong>scommunautés étudiées, <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus affectées par le cerf sont cel<strong>les</strong> qui dépen<strong>de</strong>nt leplus <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation du sous-bois. Les consommateurs primaires sont <strong>les</strong> plus touchés, maisleur diminution se répercute <strong>sur</strong> <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> prédateurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> parasitoï<strong>de</strong>s. En l'absence<strong>de</strong> prédateurs, le cerf a donc d'importants eff<strong>et</strong>s indirects <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communautés anima<strong>les</strong> <strong>de</strong>sforêts.Ces résultats suggèrent fortement un rôle clef <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong>s grands prédateurs <strong>dans</strong> <strong>les</strong>forêts tempérées. Pour limiter <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s négatifs <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>popu<strong>la</strong>tionsd'ongulés forestiers, un maintien <strong>et</strong> une restauration <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> grands prédateursapparaît donc comme primordial. »En France, <strong>les</strong> recherches <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong> sont encore balbutiantes comme le concè<strong>de</strong>Laurent Tillon. Ce <strong>de</strong>rnier nous annonce cependant, comme d’autres naturalistes <strong>et</strong> biologistes101 Rewilding North America, « Large carnivore ecology » pp. 119-124.72
<strong>de</strong> terrain, que <strong>les</strong> observations montrent tout l’intérêt du r<strong>et</strong>our du loup pour <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>sécosystèmes. Les loups font éc<strong>la</strong>ter <strong>les</strong> troupeaux d’ongulés dont <strong>la</strong> pression <strong>sur</strong> <strong>la</strong> flore estmoins forte. À terme, c’est <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> guil<strong>de</strong>s complètes <strong>de</strong> prédateurs <strong>et</strong> d’onguléssauvages qui sera une excellente nouvelle pour nos écosystèmes appauvris.Le rôle clé <strong>de</strong>s ongulés sauvagesLes phrases qui suivent sont extraites d’un article 102 re<strong>la</strong>tif à l’Afrique tropicale ari<strong>de</strong>,mais s’appliquent aussi très bien à nos ongulés. « Il n’est pas possible d’imaginer une fauneplus adaptée au milieu. Elle est merveilleusement intégrée <strong>dans</strong> l’écosystème : chaque espèces’instal<strong>la</strong>nt <strong>dans</strong> sa niche écologique, façonnée pour elle. Animaux <strong>et</strong> p<strong>la</strong>ntes soumisensemble aux contraintes écologiques se sont développés en harmonie. » Tel est le constatd’Hubert Gill<strong>et</strong>, sous-directeur honoraire au M.N.H.N, qui ajoute que c<strong>et</strong>te faune endommagemoins l’habitat, est un facteur <strong>de</strong> dissémination d’espèces ligneuses, qu’elle consomme <strong>de</strong>sespèces normalement dé<strong>la</strong>issées par le bétail <strong>et</strong> résiste au manque d’eau.Dans nos Pyrénées, suite à l'instauration du p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> chasse, cerf <strong>et</strong> chevreuil ont connuune forte expansion, y compris en zone <strong>de</strong> montagne. Le chevreuil a ainsi colonisé l'ensemble<strong>de</strong>s milieux forestiers. Le cerf a connu <strong>de</strong>s fortunes diverses ces <strong>de</strong>rnières décennies.L’éradication <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion du Bager avait amené sa disparition <strong>de</strong>s vallées d'Aspe <strong>et</strong>Ossau, qui connaissent désormais une lente recolonisation. À l'est, l'espèce fut réintroduite enBarousse en 1957, d’où elle recolonise <strong>les</strong> vallées voisines. Le sanglier est abondant partout,<strong>et</strong> même c<strong>la</strong>ssé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s animaux dits nuisib<strong>les</strong> en raison <strong>de</strong>s dégâts causés aux estives.L’isard récupère lentement <strong>de</strong>s effectifs normaux, du moins <strong>dans</strong> le Parc national <strong>et</strong> <strong>les</strong>réserves <strong>de</strong> chasse. Espèce prestigieuse, le bouqu<strong>et</strong>in ibérique a été éradiqué du versantfrançais <strong>de</strong>s Pyrénées par <strong>la</strong> chasse, le <strong>de</strong>rnier individu étant abattu <strong>sur</strong> Cauter<strong>et</strong>s en 1910. La<strong>de</strong>rnière popu<strong>la</strong>tion pyrénéenne, réfugiée <strong>dans</strong> le Parc national d'Or<strong>de</strong>sa, est maintenantéteinte. Pourtant au XVIe siècle l'espèce était présente <strong>sur</strong> toute <strong>la</strong> chaîne <strong>et</strong> <strong>les</strong> restes osseuxindiquent qu'elle colonisait tous <strong>les</strong> milieux jusqu'au piémont. Depuis 1990, <strong>de</strong>s travaux sontconduits pour essayer <strong>de</strong> réintroduire l'espèce <strong>sur</strong> le versant français. Pour <strong>de</strong>s raisonsmanifestement administratives (comm. pers. <strong>de</strong> Jean-François Terrasse) ce beau proj<strong>et</strong> n’a pasencore abouti. Notons que le rôle du cheval tarpan, ou du moins <strong>de</strong> ce qu’il reste <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teespèce ancestrale, est envisagé <strong>dans</strong> nos milieux dits ouverts, comme un complément, voire<strong>dans</strong> certains cas, associé à d’autres espèces, comme une alternative au pastoralisme 103 . C’estmanifestement une voie à emprunter <strong>dans</strong> certains cas.Bien sûr, au regard <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions d’animaux domestiques, ces ongulés ne jouent pasencore un rôle majeur, d’autant que <strong>la</strong> guil<strong>de</strong> <strong>de</strong>s prédateurs est singulièrement appauvrie <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées. Outre <strong>les</strong> ours, p<strong>et</strong>its prédateurs, qui ne sont qu’une vingtaine à se partager <strong>les</strong>Pyrénées, on compte officiellement moins <strong>de</strong> 10 loups pour toute <strong>la</strong> chaîne, <strong>et</strong> le lynx estconsidéré comme éteint <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> 90 ans, même si certains naturalistes attestent <strong>de</strong> sa<strong>sur</strong>vivance <strong>dans</strong> plusieurs massifs pyrénéens.102 « La chèvre ou <strong>la</strong> gazelle. Exploitation comparée <strong>de</strong>s pâturages par <strong>la</strong> faune sauvage <strong>et</strong> le bétail en Afrique tropicaleari<strong>de</strong> », Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°90, mars-avril 1984.103 Marc Michelot, « Du tarpan au konik. La saga du cheval ancestral. » Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°207, juill<strong>et</strong>août2003/73
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