p<strong>et</strong>ites parcel<strong>les</strong> où ce cycle a été irrémédiablement amputé par l’homme mais où l’ons’efforce <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> nature r<strong>et</strong>rouver quand même un équilibre ? » s’interroge ChristianeRuffier-Reynie, journaliste <strong>et</strong> administratrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.N.P.N. 95 Nous posons <strong>la</strong> même question,si ce n’est que nous ne sommes pas d’accord avec le caractère irrémédiable <strong>de</strong> l’amputation<strong>de</strong>s équilibres naturels en Europe occi<strong>de</strong>ntale. Tout sera une question <strong>de</strong> temps <strong>et</strong> d’espace.L’extrême richesse <strong>de</strong>s forêts primaires orienta<strong>les</strong>, témoins vivants <strong>de</strong> ce qu’était <strong>la</strong>nature sauvage chez nous avant <strong>la</strong> rupture néolithique, vient contredire <strong>la</strong> fable d’unebiodiversité garantie par le pastoralisme. Par quel miracle une activité qui n’a que 5 ou 8 000ans d’âge (c’est si peu au regard <strong>de</strong>s grands cyc<strong>les</strong> naturels) peut prétendre sauver <strong>de</strong>s espècesapparues <strong>de</strong>s millénaires avant elle.En Slovénie, nous avons vu plus haut que certaines régions se sont reboisées après <strong>la</strong>secon<strong>de</strong> guerre mondiale, telle celle <strong>de</strong> Kocevska Reka dont le taux <strong>de</strong> boisement est <strong>de</strong> 92 à95%. Et il est très intéressant d’y constater que loin <strong>de</strong>s scénario catastrophiques décrits par<strong>les</strong> ultrapastoraux (l’embroussaillement, <strong>la</strong> forêt originelle qui ne reviendrait pas, <strong>et</strong>c.) <strong>la</strong> forêta recolonisé <strong>les</strong> versants à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> bouleversements <strong>historique</strong>s après <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>d’occupation humaine. C<strong>et</strong>te forêt abrite une foule <strong>de</strong> mammifères dont l’ours, le lynx, leloup, le cerf, le chevreuil, le sanglier, le chat sauvage, <strong>la</strong> martre, le renard, le b<strong>la</strong>ireau, le loir(très abondant), <strong>de</strong>s chauves-souris rares, <strong>et</strong>c. Chose intéressante, le chamois est bienreprésenté <strong>dans</strong> ce milieu. Il vit <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pentes calcaires <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt, sans l’ai<strong>de</strong> du moutonpour « améliorer <strong>la</strong> valeur nutritive <strong>de</strong>s pâturages ». Une myria<strong>de</strong> d’espèces <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes,d’insectes, <strong>de</strong> champignons, <strong>de</strong> repti<strong>les</strong> <strong>et</strong> amphibiens vit ici. Les oiseaux sont bienreprésentés, y compris l’aigle royal qu’on dit ne pas aimer <strong>la</strong> forêt (c’est bien sûr faux), unefoultitu<strong>de</strong> d’espèces forestières, <strong>et</strong> dès que le milieu s’ouvre un peu, naturellement (corniches,fa<strong>la</strong>ises), il est colonisé par <strong>de</strong>s espèces non forestières comme le bruant fou. Preuve qu’unenature primaire (certaines parcel<strong>les</strong> ne sont plus exploitées <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>) comporte samosaïque <strong>de</strong> milieux en fonction <strong>de</strong>s sols, <strong>de</strong>s expositions, du climat, <strong>et</strong>c. Un cauchemar pour<strong>les</strong> ultrapastoraux. Découvrir <strong>de</strong> tels milieux est as<strong>sur</strong>ément un vaccin contre <strong>les</strong> dogmesd’inspiration néolithique.Dirigeons nous vers <strong>la</strong> Roumanie pour constater que <strong>les</strong> forestiers roumains, trèsaudacieux, <strong>de</strong> certains parcs nationaux ont subverti, au moyen d’une affiche, le concept <strong>de</strong>Natura 2000 puisqu’ils enten<strong>de</strong>nt restaurer <strong>la</strong> nature (natura en <strong>la</strong>ngue roumaine) d’il y a2 000 ans 96 ! As<strong>sur</strong>ément une belle leçon pour nos forestiers <strong>et</strong> gestionnaires français.Revenons en France, <strong>dans</strong> le sud-est, entre Diois <strong>et</strong> Baronnies. Gil<strong>les</strong> Rayé, professeuragrégé <strong>de</strong> biologie <strong>et</strong> naturaliste, prend l’exemple d’un massif qui a connu <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>l’élevage <strong>et</strong> compare l’impact du pastoralisme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité entre <strong>de</strong>ux pério<strong>de</strong>s, l’une où<strong>les</strong> troupeaux, nombreux <strong>et</strong> <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ite taille, étaient <strong>la</strong> règle ; l’autre, actuelle, où seuls quelquesgros troupeaux subsistent 97 . Laissons lui <strong>la</strong> parole : « En ce début <strong>de</strong> 21 e siècle, <strong>la</strong> région est<strong>dans</strong> une situation intermédiaire. Tous <strong>les</strong> versants nord sont boisés, certaines forêts âgées <strong>de</strong>plus <strong>de</strong> 50 ans sont <strong>de</strong> belle tenue. (…) Pour un écologiste scientifique, c’est évolution n’estni a<strong>la</strong>rmante, ni réjouissante. C’est un processus naturel intéressant à étudier ! (…) Auchapitre <strong>de</strong>s regr<strong>et</strong>s figure <strong>la</strong> quasi-disparition du traqu<strong>et</strong> oreil<strong>la</strong>rd <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pie-griècheméridionale, <strong>la</strong> régression <strong>de</strong> <strong>la</strong> chevêche, du hibou p<strong>et</strong>it-duc, <strong>de</strong>s prairies sèches riches enorchidées, <strong>et</strong>c. Mais le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt signe le formidable r<strong>et</strong>our d’une faune <strong>et</strong> d’une flore95 « Naturalité <strong>et</strong> forêts européennes », Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°170, mars-avril 1998.96 J.-Cl. Génot, L. Duchamp <strong>et</strong> Ph. Coch<strong>et</strong>, « La réserve naturelle <strong>de</strong> Géménélé » in Naturalité n°4, avril 2008.97 « Pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité : <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> confusion », La Voie du loup, op.cit. Un article passionnant.70
diversifiées : cerf, chevreuil, chamois, loup <strong>et</strong> lynx, pic noir, gélinotte, grive musicienne,chou<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Tengmalm, sabot <strong>de</strong> Vénus, bugrane… Les vieux arbres, <strong>les</strong> arbres mortsforcément plus nombreux, <strong>les</strong> arbres à cavités abritent maintenant une formidable diversitéd’insectes <strong>et</strong> autres vertébrés, <strong>de</strong> champignons, tous méconnus du grand public. Par exemple,<strong>la</strong> rosalie <strong>de</strong>s Alpes, espèce « patrimoniale » était absente <strong>de</strong> ces terres érodées <strong>et</strong> <strong>sur</strong>pâturées.Elle est maintenant présente <strong>dans</strong> <strong>les</strong> hêtraies qui se sont reconstituées. »Gil<strong>les</strong> Rayé observe que <strong>la</strong> mosaïque actuelle <strong>de</strong>s milieux étudiés présente une plusgran<strong>de</strong> biodiversité qu’à l’époque <strong>de</strong> l’élevage prédominant. Il nous rappelle <strong>la</strong> seule réalité,loin <strong>de</strong>s fantasmes : <strong>la</strong> biodiversité varie au cours du temps, en fonction <strong>de</strong>s changementsclimatiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités humaines. Regr<strong>et</strong>ter <strong>les</strong> milieux pacagés par <strong>les</strong> moutons <strong>et</strong> <strong>les</strong>chèvres, « ce<strong>la</strong> s’appelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> nostalgie ». La biodiversité n’est pas ici en jeu. Il ne s’agit que<strong>de</strong> conserver, à grand prix, <strong>de</strong>s paysages.« Il ne faudrait pas croire que <strong>la</strong> forêt est un milieu pauvre en biodiversité. Au contraire.Une gestion adaptée peut favoriser <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s espèces. Par exemple, <strong>sur</strong> le versant nord<strong>de</strong> l’Aigoual, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser vieillir naturellement <strong>la</strong> hêtraie par endroits a suffi à fairerevenir le pic noir, le plus grand pic d’Europe. C<strong>et</strong> oiseau a en eff<strong>et</strong> besoin <strong>de</strong> troncs <strong>de</strong> plus<strong>de</strong> trente centimètres <strong>de</strong> diamètre pour construire son nid. Et il n’a pas été le seul à revenir. Lachou<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Tengmalm, plutôt septentrionale, a elle aussi fait sa réapparition <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Cévennes. » Ainsi parle Rémi Noël, chef du service découverte <strong>et</strong> communication au ParcNational <strong>de</strong>s Cévennes, pourtant fervent partisan <strong>de</strong> l’agriculture comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong><strong>la</strong> nature 98 .Le rôle clé <strong>de</strong>s grands prédateursIl sera <strong>sur</strong>tout évoqué ici le rôle du loup qui est un véritable grand prédateur, quandl’ours n’est qu’un p<strong>et</strong>it prédateur, capable cependant <strong>de</strong> tuer <strong>de</strong>s animaux sauvages aussigrands que le cerf 99 .Aldo Leopold figure parmi <strong>les</strong> précurseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense <strong>de</strong>s grands prédateurs. Commele souligne Dave Foreman <strong>dans</strong> son stimu<strong>la</strong>nt Rewilding North America 100 , Leopold avaitreconnu dès <strong>les</strong> années 40 le rôle clé <strong>de</strong> ces animaux. Voici ce qu’il écrivait <strong>dans</strong> sonAlmanach d’un comté <strong>de</strong>s sab<strong>les</strong> : « C<strong>et</strong> état <strong>de</strong> doute où nous sommes réduits, concernant <strong>les</strong>fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> notre propre conduite, confère un intérêt <strong>et</strong> une valeur exceptionnels aux seulsanalogues que nous ayons à notre disposition : <strong>les</strong> mammifères supérieurs. Errington, entreautres a mis en avant <strong>la</strong> valeur culturelle <strong>de</strong> ces analogues animaux. Pendant <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>, c<strong>et</strong>teprodigieuse bibliothèque nous est restée inaccessible parce que nous ne savions pas où nicomment chercher. L’écologie nous apprend maintenant à trouver auprès <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tionsanima<strong>les</strong> <strong>de</strong>s analogies avec nos propres problèmes. En apprenant comment fonctionne tellep<strong>et</strong>ite partie du biote, nous pouvons <strong>de</strong>viner le fonctionnement <strong>de</strong> l’ensemble. La faculté <strong>de</strong>percevoir ces significations profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>les</strong> apprécier <strong>de</strong> façon critique, voilà l’art forestierdu futur. »98 « Prairies, <strong>la</strong> biodiversité ça se cultive ! » La Montagne <strong>et</strong> Alpinisme, 3-2006.99 Le naturaliste <strong>et</strong> photographe suisse Jacques Ios<strong>et</strong> a reconstitué en 1993 une scène <strong>de</strong> chasse d’un cerf tué parun ours en Slovénie (Archives <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondation Hainard). Une photographie peu banale d’un ours dévorant uncerf capturé par lui-même figure <strong>dans</strong> Les prédateurs en action, Manuel <strong>sur</strong> l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s proies <strong>de</strong> grandsprédateurs <strong>et</strong> d’autres signes <strong>de</strong> présence, <strong>de</strong> Paolo Molinari <strong>et</strong> al., Parc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, Parc national duGrand Paradis, 2000.100 Sous titré « A vision for conservation in the 21st Century », c’est également un ouvrage fondamental pour <strong>les</strong>Européens. Son auteur est un <strong>de</strong>s écologistes <strong>les</strong> plus étonnants d’Amérique du Nord. Is<strong>la</strong>nd Press, 2004.71
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Bouchet, la principale raison de la
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Le Parc ne sait que faire pour prot
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