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Communiquer pour résister (1940-1945) - Le Musée de la ...

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2.4Manifesteret protesterDès leur instal<strong>la</strong>tion en France, les occupantsallemands et italiens interdisent toutrassemblement et toute forme <strong>de</strong> manifestationsnon autorisés. Il s’agit d’éviter touteaction collective d’opposition au nom dumaintien <strong>de</strong> l’ordre. L’État français adopteune position simi<strong>la</strong>ire, mais il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enoutre <strong>de</strong> ne pas célébrer les anniversairesà caractère patriotique considérés commerépublicain (le 14 Juillet) ou anti-allemand(le 11 novembre).Manifester, qui est une <strong>de</strong>s libertés fondamentales,<strong>de</strong>vient donc un <strong>de</strong>s premiersactes <strong>de</strong> résistance. C’est aussi une forme<strong>de</strong> contestation inscrite dans <strong>la</strong> culture politiqueet sociale <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, <strong>de</strong> l’extrêmegauche à l’extrême-droite. Pour les résistants,c’est le moyen <strong>de</strong> défier les autorités enp<strong>la</strong>ce et <strong>de</strong> mobiliser <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Encorefaut-il être en mesure <strong>de</strong> faire connaître etcirculer l’appel à se rassembler et trouver unmoment et un lieu adaptés.La première manifestation importante estcelle du 11 novembre <strong>1940</strong> à Paris. Un appelest <strong>la</strong>ncé sur Radio Londres et par les organisations<strong>de</strong> lycéens et d’étudiants qui commencentà se constituer. Plusieurs milliers<strong>de</strong> personnes, principalement <strong>de</strong>s jeunes, seretrouvent sur les Champs-Élysées et sur <strong>la</strong>p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’Étoile <strong>pour</strong> rendre hommage auSoldat inconnu. Près <strong>de</strong> 150 personnes sontarrêtées. Jusqu’à <strong>la</strong> Libération, <strong>de</strong>s groupes<strong>de</strong> plus en plus importants convergent versles monuments aux morts, d’abord dans lesvilles puis dans les vil<strong>la</strong>ges.<strong>Le</strong> 14 juillet ne faisant l’objet d’aucune célébrationofficielle, il <strong>de</strong>vient évi<strong>de</strong>mmentun moment fort <strong>de</strong> <strong>la</strong> mobilisation, car lesFrançais vivent comme une humiliationl’effacement <strong>de</strong> leur Fête nationale. Si le14 juillet <strong>1940</strong> subit le contrecoup immédiat<strong>de</strong> <strong>la</strong> défaite, en revanche, <strong>la</strong> Résistance communisteappelle à faire du 14 juillet 1941 uneprotestation patriotique au rythme <strong>de</strong> LaMarseil<strong>la</strong>ise et du Chant du départ. En 1942,<strong>la</strong> Résistance intérieure dans son ensembleet <strong>la</strong> France libre appellent à manifester <strong>pour</strong>célébrer <strong>la</strong> Fête nationale. Partout en France,<strong>la</strong> foule se rassemble dans <strong>de</strong>s lieux symboliques: à Lyon, <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> <strong>la</strong> République; à Toulouse, rue d’Alsace-Lorraine ; àMarseille, <strong>de</strong>vant le monument <strong>de</strong>s Mobiles<strong>de</strong> 1870 ; ailleurs, <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> mairie ou le monumentaux morts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Guerre.Toutes les occasions sont bonnes <strong>pour</strong> manifester.Certaines organisations <strong>de</strong> résistancecherchent à perturber le déroulement <strong>de</strong>smanifestations officielles, comme les visites<strong>de</strong> Pétain dans les gran<strong>de</strong>s villes, malgré <strong>la</strong>Jeunes manifestants groupés autour dudrapeau tricolore à Villeneuve-<strong>la</strong>-Garenne le14 juillet 1943 (coll. Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Résistancenationale/Champigny).présence d’un service d’ordre imposant. <strong>Le</strong>scélébrations interdites sont évi<strong>de</strong>mmentprivilégiées. Outre le 14 juillet ou le 11 novembre,ce sont d’autres commémorationsà caractère patriotique, tel l’anniversaire <strong>de</strong><strong>la</strong> bataille <strong>de</strong> Valmy en septembre, dont oncélèbre le cent cinquantenaire en 1942 (Valmyest une victoire française face à une coalitionaustro-prussienne, <strong>la</strong> veille <strong>de</strong> l’instauration<strong>de</strong> <strong>la</strong> République) ou <strong>la</strong> fête <strong>de</strong> Jeanned’Arc en mai (afin <strong>de</strong> ne pas <strong>la</strong>isser au régime<strong>de</strong> Vichy l’utilisation <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> figurenationale, intégrée par l’école <strong>de</strong> <strong>la</strong> TroisièmeRépublique dans le Panthéon républicain).<strong>Le</strong>s enterrements d’aviateurs alliés abattusen vol sont également suivis par une assistancenombreuse qui profite du respect <strong>de</strong>slois <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>pour</strong> rendre un hommageostentatoire aux adversaires <strong>de</strong> l’Allemagne.<strong>Le</strong>s manifestations liées au mouvementsocial ne disparaissent pas, malgré <strong>la</strong> pressionpermanente qui s’exerce sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionen général et le mon<strong>de</strong> du travail enparticulier. <strong>Le</strong> Parti communiste organisedès l’hiver <strong>1940</strong> <strong>de</strong>s manifestations <strong>de</strong> ménagères<strong>pour</strong> dénoncer les problèmes <strong>de</strong> ravitaillement.Initiées par <strong>de</strong>s militant (e) s, cesprotestations réunissent <strong>de</strong>s dizaines, maissouvent aussi <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> personnes,essentiellement <strong>de</strong>s femmes, et parfois <strong>de</strong>senfants, car elles sont en phase avec les ressentiments<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion confrontée auxdifficultés <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie quotidienne. Des manifestations<strong>de</strong> ménagères sont organiséesjusqu’en 1944. <strong>Le</strong>s mères <strong>de</strong> famille sontégalement nombreuses dans les rassemblementsqui dénoncent <strong>la</strong> réquisition <strong>de</strong>sjeunes <strong>pour</strong> aller travailler en Allemagne àpartir <strong>de</strong> l’automne 1942. La mise en p<strong>la</strong>ce duService du travail obligatoire (STO) renforcel’opposition à <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> col<strong>la</strong>borationavec l’Allemagne. Partout en France, commeà Romans le 10 mars 1943, <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>sfemmes tentent d’empêcher les convois <strong>de</strong>partir, sans réel succès.<strong>Le</strong>s résistants issus du mouvement socia<strong>la</strong>ccor<strong>de</strong>nt une importance particulière au1 er mai. En 1942, ils obtiennent du général <strong>de</strong>Gaulle qu’il appelle à manifester le jour <strong>de</strong><strong>la</strong> Fête <strong>de</strong>s travailleurs. <strong>Le</strong>s rassemblementsdu 1 er mai prennent inévitablement unetournure patriotique. C’est le cas égalementdurant toute <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mouvements<strong>de</strong> grèves. D’ailleurs l’appel à manifester les14 juillet 1942, 11 novembre 1943, 1 er mai 1944se double d’un appel à <strong>la</strong> grève. De manièregénérale, jusqu’à <strong>la</strong> Libération, les revendicationséconomiques et sociales se mêlentétroitement à contestation <strong>de</strong>s pouvoirs enp<strong>la</strong>ce et au soutien <strong>de</strong> <strong>la</strong> Résistance.<strong>Le</strong>s manifestations sont les occasions <strong>de</strong> testerl’efficacité <strong>de</strong> <strong>la</strong> mobilisation par <strong>la</strong> Résistanceet <strong>de</strong> rendre visible son influence.Elles sont donc un enjeu <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Résistancecomme <strong>pour</strong> ses adversaires.L’objectif n’est cependant pas <strong>de</strong> donner priseà <strong>la</strong> répression et d’affaiblir inutilement lesforces qui soutiennent <strong>la</strong> Résistance. <strong>Le</strong>sformes <strong>de</strong>s manifestations adoptées visentdonc rarement <strong>la</strong> confrontation directe :simple rassemblement à un endroit donnéavec dispersion rapi<strong>de</strong>, port <strong>de</strong> signes reconnaissables(notamment les trois couleurs dudrapeau français, déclinées en vêtement ouinsignes, portés par une ou trois personnes)ou <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> rester chez soi comme le1 er janvier 1941. Certaines manifestationsvisent <strong>pour</strong>tant à établir un rapport <strong>de</strong> forceen montrant <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Résistance àmobiliser malgré les interdictions. Y participersignifie accepter <strong>de</strong> prendre le risque <strong>de</strong>l’arrestation et, à mesure que <strong>la</strong> répressions’intensifie, ne pas savoir ce qu’il se passeraensuite.À partir <strong>de</strong> 1942, les manifestations <strong>de</strong>viennentl’occasion <strong>de</strong> montrer l’ampleurdu ralliement à <strong>la</strong> Résistance. <strong>Le</strong>s rassemblementssont plus nombreux, les soutiens sontplus démonstratifs, malgré <strong>la</strong> répression quise durcit encore. En 1943, les manifestationsparticipent à l’expression du refus du Servicedu travail obligatoire. En 1944, elles préparentl’insurrection nationale, notammentcelles du 14 juillet, particulièrement suivies.Au total, entre <strong>1940</strong> et 1944, près d’un millier<strong>de</strong> manifestations <strong>de</strong> toute nature et <strong>de</strong> touteampleur sont organisées par <strong>la</strong> Résistance.Devant vous,je proteste <strong>de</strong> toutesmes forces15RÉSISTANCE 12/13

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