10.07.2015 Views

Communiquer pour résister (1940-1945) - Le Musée de la ...

Communiquer pour résister (1940-1945) - Le Musée de la ...

Communiquer pour résister (1940-1945) - Le Musée de la ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Communiquer</strong> dans l’internementPour l’immense majorité <strong>de</strong>s résistants arrêtés et internésdans les prisons et les camps d’internement(sous contrôle <strong>de</strong>s occupants allemands et italiensou <strong>de</strong> l’État français) en métropole, en Corse et enAfrique du nord, <strong>la</strong> privation <strong>de</strong> liberté n’entameen rien leur engagement en résistance. Aussi,dans <strong>de</strong>s conditions encore plus difficiles (sousalimentation,mauvais traitements, etc.) chaquefois que ce<strong>la</strong> est possible – les évolutions du cours<strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre modifient régulièrement les conditionsd’internement et le sort réservé aux résistants détenus– ils continuent <strong>de</strong> résister.Dans ces lieux, isolés et dans <strong>la</strong> main <strong>de</strong> l’ennemi,résister signifie conserver sa dignité et refuser <strong>de</strong> sesoumettre, conserver le moral et rester optimiste,avec l’espoir <strong>de</strong> reprendre sa p<strong>la</strong>ce dans le combat.Cette attitu<strong>de</strong> emprunte les mêmes voies, lesmêmes expressions et les mêmes formes d’action.Passé le choc <strong>de</strong> l’arrivée dans l’univers carcéral, ilscherchent à trouver d’autres résistants, à se lier solidairementà eux (une évi<strong>de</strong>nce <strong>pour</strong> conserver le moral),à communiquer (une nécessité <strong>pour</strong> s’organiseret agir). À cette fin, ils emploient tous les moyensà leur disposition : coups portés sur <strong>la</strong> tuyauterie,paroles répercutées par les canalisations, brefssignes ou mots échangés sur une coursive, dans unpréau, au réfectoire, etc. Cependant, plus encore qu’àl’extérieur, <strong>pour</strong> <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> sécurité, ils doiventtaire tout ce qui <strong>pour</strong>rait être utilisé par <strong>la</strong> policecontre eux ou les camara<strong>de</strong>s qui continuent <strong>la</strong> lutteà l’extérieur (<strong>de</strong>s mouchards truffent les prisons etles camps d’internement).Comme à l’extérieur, les résistants internés se regroupentet s’organisent, ils s’expriment, ils communiquent<strong>pour</strong> agir, ils s’informent, se formentet s’éduquent. Comme à l’extérieur, presque <strong>de</strong>manière spontanée, ils saisissent <strong>la</strong> moindre occasion<strong>pour</strong> transmettre une parole <strong>de</strong> refus, personnelle,essentiellement sous <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> graffitis. <strong>Le</strong>smurs et les portes <strong>de</strong>s différents lieux <strong>de</strong> détentionen conservent encore aujourd’hui les traces commeles casemates du fort <strong>de</strong> Romainville, près <strong>de</strong> Paris.Ces inscriptions sont l’expression symbolique <strong>de</strong> <strong>la</strong>liberté <strong>de</strong> penser, <strong>la</strong> négation <strong>de</strong> l’oppression subie,un défi à l’oppresseur. Par ces messages, les résistants,incertains sur leur sort, à <strong>la</strong> manière d’un testament,prodiguent aux camara<strong>de</strong>s qui connaîtrontà leur tour <strong>la</strong> prison réconfort et encouragement(ce que le photographe Brassaï saisit « Sur les murs<strong>de</strong> Fresnes » à <strong>la</strong> Libération). S’adressant à ceux quivivront dans <strong>la</strong> liberté retrouvée, ils transmettentune leçon <strong>de</strong> vie : ce que signifie si fortement l’inscription<strong>de</strong> Guy Môquet, tracée au crayon sur unep<strong>la</strong>nche <strong>de</strong> <strong>la</strong> baraque <strong>de</strong>s condamnés, peu avant sonexécution le 22 octobre 1941 : « Vous qui restez soyezdignes <strong>de</strong> nous les 27 qui vont mourir ».À <strong>la</strong> forteresse Bossuet, en Algérie, le 31 octobre1941, tous les détenus se rassemblent dans <strong>la</strong> couret s’immobilisent au gar<strong>de</strong> à vous en hommage aux48 otages fusillés à Châteaubriant, Nantes et Parisle 22 octobre. Malgré l’enfermement, les détenusont appris les exécutions, ont eu connaissance <strong>de</strong>sconsignes du PCF c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stin et <strong>de</strong> celles du général<strong>de</strong> Gaulle, diffusées par <strong>la</strong> BBC. Dans tous les lieux <strong>de</strong>détention, les informations parviennent <strong>de</strong> l’extérieurpar <strong>de</strong> nombreux canaux : familles, avocats,personnels pénitentiaires, prêtres, voire par poste<strong>de</strong> radio c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stin comme au camp <strong>de</strong> Choisel àChâteaubriant (le poste est introduit dans le campen pièces détachées). <strong>Le</strong>s informations (les bonnescomme les mauvaises) sont analysées puis colportées<strong>de</strong> mille manières. Aux Baumettes à Marseille,à Châlons-sur-Marne, à <strong>la</strong> Roquette à Paris, au camp<strong>de</strong> Saint-Sulpice-<strong>la</strong>-Pointe, les détenus fabriquent à<strong>la</strong> main <strong>de</strong> petits journaux c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stins à l’image <strong>de</strong>ceux qu’ils éditaient et diffusaient avant leur arrestation.Cette activité est souvent complétée par l’organisation<strong>de</strong> cours, <strong>de</strong> conférences, <strong>de</strong> séances <strong>de</strong> lectureressemb<strong>la</strong>nt à <strong>de</strong> véritables universités popu<strong>la</strong>iresc<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stines comme aux camps d’internement <strong>de</strong>Rouillé, <strong>de</strong> Voves et <strong>de</strong> Saint-Sulpice-<strong>la</strong>-Pointe oudans les prisons <strong>de</strong> Rennes, <strong>de</strong> Villeneuve-sur-Lot et<strong>de</strong> La Santé à Paris. Là naissent <strong>de</strong>s revues littéraireset scientifiques, <strong>de</strong>s œuvres artistiques comme lescréations p<strong>la</strong>stiques <strong>de</strong> France Hamelin, Boris Taslitzkyou Roger Payen, conservées et exposées, <strong>de</strong>puis,dans <strong>de</strong>s musées.Certaines <strong>de</strong> ces productions intellectuelles sortentc<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stinement et participent aux combats <strong>pour</strong>suivisà l’extérieur comme <strong>la</strong> contribution <strong>de</strong> JeanZay <strong>pour</strong> une réforme <strong>de</strong> l’enseignement à <strong>la</strong> Libération,produite à <strong>la</strong> prison <strong>de</strong> Riom et intégrée auxCahiers <strong>de</strong> l’OCM ; les 33 sonnets composés au secret <strong>de</strong>Jean Cassou et publiés par les éditions <strong>de</strong> Minuit ;les cartes illustrées <strong>de</strong> France Hamelin et ses camara<strong>de</strong>sréalisées au camp <strong>de</strong>s Tourelles à Paris et venduessous le manteau au profit <strong>de</strong>s Francs-tireurs etpartisans ; les <strong>de</strong>rnières lettres <strong>de</strong>s fusillés publiéespar <strong>la</strong> presse c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stine ou lues au micro <strong>de</strong> <strong>la</strong> BBC.Ces formes <strong>de</strong> résistance entretiennent <strong>la</strong> combativitéet préparent chaque fois que les conditionssont réunies l’organisation d’évasion <strong>de</strong> résistantsdécidés à reprendre le combat comme à <strong>la</strong> centraled’Eysses à Villeneuve-sur-Lot le 19 février 1944.La Patriote enchaînée, 1 er janvier 1944 (coll. Musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Résistance nationale/Champigny)Journal c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stin, « édité par les femmes patriotes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Roquette », prison <strong>pour</strong> femmes à Paris.Sous le titre, figure une proc<strong>la</strong>mation inspirée par celle <strong>de</strong> Mirabeau en juin 1789 : « Nous sommes icipar <strong>la</strong> force <strong>de</strong>s baïonnettes, nous en sortirons par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> notre peuple ».25RÉSISTANCE 12/13

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!