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L'Iran, derrière le miroir - La pensée de midi

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&<strong>La</strong> pensée<strong>de</strong> <strong>midi</strong>Ces extraits <strong>de</strong> l’artic<strong>le</strong> <strong>de</strong> Christian Bromberger, coordinateur dunuméro 27 <strong>de</strong> <strong>La</strong> pensée <strong>de</strong> <strong>midi</strong> consacré à l’Iran, ont été publiéssur <strong>le</strong> site <strong>de</strong> Médiapart <strong>le</strong> 15/03/2009, en partenariat avec notrerevue.Site internet <strong>de</strong> Médiapart : http://www.mediapart.frSUR LE TERRAINBrèves <strong>de</strong> taxis à Téhéran : Wittgenstein, pâtes et shoahPar Christian Bromberger | <strong>La</strong> pensée <strong>de</strong> <strong>midi</strong><strong>L'Iran</strong> d'aujourd'hui et ses paradoxes au travers d'un bref échantillon <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong> conversation au milieu <strong>de</strong>s encombrements <strong>de</strong> la capita<strong>le</strong>iranienne…A Téhéran, il y a plusieurs façons <strong>de</strong> se déplacer quand on n'a pas <strong>de</strong> voiture : dans <strong>de</strong>s autobus bondés, séparés en <strong>de</strong>ux compartiments(à l'avant pour <strong>le</strong>s hommes, à l'arrière pour <strong>le</strong>s femmes) ; en métro (avec <strong>de</strong>s wagons pour <strong>le</strong>s hommes et d'autrespour <strong>le</strong>s femmes), mais <strong>le</strong> réseau est récent et <strong>le</strong>s stations, peu nombreuses. C'est surtout en taxi que l'on se rend d'un point àun autre <strong>de</strong> l'immense agglomération, taxis col<strong>le</strong>ctifs (pour <strong>de</strong>s itinéraires fixes) ou privatifs (dâr bast, « porte fermée », dit-on). Jepréfère ce <strong>de</strong>rnier mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport, plus confortab<strong>le</strong>, quand il s'agit <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> longs trajets (une heure à une heure et <strong>de</strong>miepour al<strong>le</strong>r du centre-vil<strong>le</strong> au nord rési<strong>de</strong>ntiel) et qui permet une conversation suivie, parfois intime, avec <strong>le</strong> chauffeur. On se confieplus faci<strong>le</strong>ment à un étranger dans un pays où plane <strong>le</strong> risque <strong>de</strong> la dénonciation. (...)Voici un bref échantillon <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong> conversation au milieu <strong>de</strong>s encombrements.AOÛT 2006Je me rends à un meeting féministe qui doit avoir lieu, sous la hou<strong>le</strong>tte <strong>de</strong> Shirin Ebadi, dans un bâtiment situé au nord-ouest <strong>de</strong>Téhéran. Une centaine <strong>de</strong> personnes atten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>hors que la prix Nobel arrive ; pour éviter <strong>de</strong> prévisib<strong>le</strong>s ennuis, pour el<strong>le</strong> et pour<strong>le</strong>s participants, el<strong>le</strong> ne viendra pas, et <strong>le</strong> meeting n'aura pas lieu. L'ordre <strong>de</strong> dispersion est rapi<strong>de</strong>ment donné. Je fais quelquescentaines <strong>de</strong> mètres à pied pour m'écarter du groupe et hè<strong>le</strong> une voiture. Le chauffeur est un Kur<strong>de</strong> <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Kermanchah.Il me par<strong>le</strong> <strong>de</strong> son village, <strong>de</strong> ses champs <strong>de</strong> blé et d'orge, <strong>de</strong> ses vergers, <strong>de</strong> ses troupeaux <strong>de</strong> moutons. Il voudrait y retourner,mais seu<strong>le</strong>ment après avoir réuni 2 millions <strong>de</strong> tomans (alors, à peu près 2 000 euros ). (...) Pour y arriver, il fait <strong>le</strong> taxi et dépense<strong>le</strong> moins possib<strong>le</strong> ; quand il évoque son retour au village son regard s'illumine.SEPTEMBRE 2006Au volant <strong>de</strong> sa vieil<strong>le</strong> Peykân (« la Flèche », une voiture iranienne fabriquée à partir <strong>de</strong> pièces britanniques qui n'est plus produiteaujourd'hui), Hassan fait <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s journées. Quand il rentre chez lui, il se douche, puis dîne et lit pendant <strong>de</strong>ux heures ; sesauteurs <strong>de</strong> prédi<strong>le</strong>ction : Abdolkarim Sorouch, dont <strong>le</strong>s réf<strong>le</strong>xions sur la politique et la religion l'intéressent, et LudwigWittgenstein…OCTOBRE 2006« Pourquoi avez-vous <strong>le</strong> droit à l'énergie nucléaire et pas nous ? Pourquoi persécutez-vous monsieur Garaudy et empêchez-vous<strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s <strong>de</strong> porter <strong>le</strong> hijâb ? » <strong>La</strong> discussion s'anime. Avant qu'el<strong>le</strong> ne s'enflamme, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au taxi <strong>de</strong> s'arrêter. On nesait jamais.NOVEMBRE 2006Lui est taxi dans une agence où, au volant <strong>de</strong> sa Pri<strong>de</strong>, la voiture coréenne <strong>de</strong> Monsieur Tout-<strong>le</strong>-Mon<strong>de</strong>, il essaie <strong>de</strong> se refaire unesanté financière. Il s'est ruiné dans une affaire <strong>de</strong> fabrique <strong>de</strong> spaghettis qui a mal tourné, s'est brouillé avec son associé, qui luidoit, me dit-il, 75 millions <strong>de</strong> tomans et n'a aucune confiance en la justice pour recouvrer la somme qui lui est due. Il doit pourvoiraux frais (très é<strong>le</strong>vés) <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux enfants étudiants dans <strong>de</strong>s universités âzâd (libres, c'est-à-dire privées) et n'a pas émigréaux Etats-Unis comme sa sœur et ses <strong>de</strong>ux frères ; il est l'aîné et doit prendre soin <strong>de</strong> ses vieux parents.Les déboires qu'il a connus en tant que chef d'entreprise ne se reproduiraient plus aujourd'hui. Si <strong>le</strong>s pâtes qu'il fabriquait s'effilochaientà la cuisson, c'est que la farine (loca<strong>le</strong>) qu'il utilisait n'était pas appropriée. Aujourd'hui, Tak mâkâron importe <strong>de</strong> Suisseet d'Al<strong>le</strong>magne <strong>de</strong> la farine préparée comme il faut ; <strong>le</strong>s spaghettis ne s'effilochent plus.Les pâtes et la pizza (dans sa variante américaine) sont <strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s plats très populaires, surtout auprès <strong>de</strong>s jeunes générations.

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