d. Regards sur l’archéologie en IranAli Mousavi, archéologue, et Na<strong>de</strong>r Nasiri-Moghaddam brossent pour ce dossier Iran <strong>le</strong>s gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong>l’histoire <strong>de</strong> l’archéologie. Au terme <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur parcours, l’un et l’autre concluent en soulignant <strong>le</strong>s divergences d’objectifset d’enjeux poursuivis par <strong>le</strong>s archéologues occi<strong>de</strong>ntaux et iraniens. Aux visées culturel<strong>le</strong>s, commercia<strong>le</strong>s etpatrimonia<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s uns répon<strong>de</strong>nt <strong>le</strong>s visées nationalistes <strong>de</strong>s autres. Redécouvrir <strong>le</strong> passé alimente la fierté du peup<strong>le</strong>et permet <strong>de</strong> dénoncer l’ingérence <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s puissances dans <strong>le</strong> patrimoine iranien.C’est en 1941, au moment où Mohammad Reza (1941-1979) prend la place <strong>de</strong> son père, que l’archéologie iranienneamorce un tournant important <strong>de</strong> son histoire. C’est la première fois en effet que travail<strong>le</strong>nt côte à côte, sur <strong>le</strong>ssites antiques, équipes archéologiques iraniennes et missions étrangères. Fereydoun Tavallali, « premier diplôméd’archéologie <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Téhéran » entreprend <strong>de</strong>s fouil<strong>le</strong>s dans la région du Fârs. Mohammad TaqiMostafavi prend la tête <strong>de</strong> la Direction généra<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’archéologie et Ali Sâmi entreprend <strong>de</strong>s fouil<strong>le</strong>s à Persépolis età Pasarga<strong>de</strong>s dès 1949. Vient ensuite Ezatollâh Negahbân à qui l’on doit la « réorganisation et l’essor <strong>de</strong> l’enseignement<strong>de</strong> l’archéologie en Iran » et la fondation <strong>de</strong> l’Institut archéologique <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Téhéran.« À la veil<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Révolution islamique <strong>de</strong> 1978, on comptait plus <strong>de</strong> cinquante missions iraniennes et internationa<strong>le</strong>stravaillant sur différents sites du pays. » <strong>La</strong> République islamique a mis fin à cette coopération ainsi qu’àtoute activité <strong>de</strong> recherche dans ce domaine, considéré par <strong>le</strong>s révolutionnaires comme une appartenance au passémonarchique <strong>de</strong> l’Iran.Aujourd’hui, « <strong>le</strong> régime protège et valorise <strong>le</strong>s antiquités préislamiques iraniennes ». L’archéologie est aucœur <strong>de</strong>s défis iraniens <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité.e. Ahmad Châmlou, poèteDernier personnage <strong>de</strong> ce dossier Iran, <strong>le</strong> poète Ahmad Châmlou (1925-2000) nous est présenté par l’interprèteet traductrice Azita Hempartian, « membre du corps académique iranien ».Genre littéraire majeur hérité du passé, figée dans <strong>le</strong>s contraintes formel<strong>le</strong>s imposées par la tradition, la poésieétait intouchab<strong>le</strong> en Iran. Et <strong>de</strong> ce fait, considérée comme impropre à accueillir <strong>de</strong>s idées neuves. Pourtant, après<strong>le</strong>s graves crises qui ont bou<strong>le</strong>versé l’Iran au début du XXe sièc<strong>le</strong>, <strong>de</strong>ux noms ont émergé dans <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> poétique :celui <strong>de</strong> Nimâ, dont <strong>le</strong> recueil Afsâne, publié en 1921, marque un tournant dans la poésie persane. Celui ensuite <strong>de</strong>Châmlou, « qui incarne mieux que quiconque <strong>le</strong>s passions et <strong>le</strong>s paradoxes iraniens. Les passions, car <strong>le</strong> rêve premier<strong>de</strong> tout Iranien n’est pas d’être ingénieur, professeur ou diplomate, mais poète. Les paradoxes, car cette passionse doub<strong>le</strong> d’une vénération pour la métrique et la prosodie persane classiques, cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Hâfez et <strong>de</strong> Saadi. »Or Châmlou, dont l’histoire personnel<strong>le</strong> a été traversée par <strong>de</strong>s engagements contradictoires et mouvementés? sympathisant nazi au temps <strong>de</strong> son ado<strong>le</strong>scence, puis plus tard adhérant au parti Tou<strong>de</strong>, « principa<strong>le</strong> formation<strong>de</strong> la gauche iranienne » ?, balaye ces règ<strong>le</strong>s classiques et fait <strong>de</strong> la rue et <strong>de</strong> l’usine <strong>le</strong> décor <strong>de</strong> sa poésie.Engagé dans <strong>le</strong>s combats contre la dictature et l’oppression du peup<strong>le</strong>, Châmlou invente une « poésie socia<strong>le</strong> etavant-gardiste », dont témoigne <strong>le</strong> recueil L’Air frais. Certains poèmes <strong>de</strong> ce recueil, écrits en prison, expriment lacolère <strong>de</strong> Châmlou à l’encontre d’une tradition millénaire et archaïque, qui impose son hégémonie jusque dans laforme poétique. En rupture perpétuel<strong>le</strong> avec la société iranienne dont <strong>le</strong> vi<strong>de</strong> culturel lui paraît vertigineux, Châmlouopte pour <strong>le</strong> journalisme et <strong>le</strong>s médias. Des armes peu appréciées <strong>de</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels, qui offrent cependant au poèteun vaste tremplin pour diffuser ses idées. Éga<strong>le</strong>ment en rupture avec Nimâ, son maître en poésie, Châmlou, trèsmarqué par la fréquentation constante <strong>de</strong>s grands poètes occi<strong>de</strong>ntaux (<strong>La</strong>ngston Hughes, Yannis Ritsos, ZoltanZe<strong>le</strong>k, Jacques Prévert, Paul Éluard, Jean Cocteau, Alain <strong>La</strong>nce, Pierre Reverdy, Paul Fort, Bertolt Brecht, Fe<strong>de</strong>ricoGarcía Lorca… ) crée <strong>le</strong> vers blanc.Décidé à évoluer ? Les Mélodies oubliées, publiées après la guerre, sont marquées par un lyrisme romantiquemais Déclaration est d’inspiration socia<strong>le</strong> ?, Châmlou se veut « résolument mo<strong>de</strong>rne ». Une mo<strong>de</strong>rnité qui passepar la lutte contre l’oppression asphyxiante <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s tabous. Jusqu’au cœur <strong>de</strong> sa création.<strong>La</strong> poésie, qui a changé en profon<strong>de</strong>ur et <strong>le</strong> poète et la vie du poète, changera-t-el<strong>le</strong> aussi, progressivement,<strong>le</strong> mon<strong>de</strong> iranien ? C’est sur cet espoir que se termine ma <strong>le</strong>cture, toujours brûlante, <strong>de</strong> ce dossier.
SITE INTERNET IRIS (http://www.iris-france.org/informez-vous/archive_artic<strong>le</strong>s/note.php?numero=6))L’Iran, <strong>de</strong>rrière <strong>le</strong> <strong>miroir</strong>Christian Bromberger (sous la dir.),Actes Sud, <strong>La</strong> pensée <strong>de</strong> <strong>midi</strong>, Revue n° 27, 2009, 241 p.Cette série <strong>de</strong> portraits <strong>de</strong> personnages actuels ou disparus est, selon Christian Bromberger qui a dirigé cette publication,un aperçu « du dynamisme et <strong>de</strong>s aspérités multiformes d’une société tiraillée entre modè<strong>le</strong>s contradictoires ». Cesont <strong>le</strong>s « paradoxes persans », ainsi nommés par Jean Colosimo. <strong>La</strong> présentation successive d’un pasdaran, d’un chauffeur<strong>de</strong> taxi, d’un ayatollah, d’un peintre contemporain, d’un cinéaste révolutionnaire, d’un fonctionnaire opportuniste,d’un <strong>le</strong>a<strong>de</strong>r autonomiste turc, d’un chef spirituel sunnite, d’un grand poète, d’un jeune musicien, d’une féministe, d’unealpiniste… aurait pu produire une image brouillée. En fait nous visitons la réalité iranienne riche et comp<strong>le</strong>xe.Ceci se retrouve, comme <strong>le</strong> souligne C. Bromberger, dans <strong>le</strong> statut <strong>de</strong>s femmes, victimes d’une criante inégalité <strong>de</strong> droitsmais si présentes dans la société. El<strong>le</strong>s ont conquis une place enviab<strong>le</strong> à l’université, affichent un militantisme actif etun fort intérêt pour <strong>le</strong> sport. El<strong>le</strong>s sont contraintes à une « doub<strong>le</strong>-vie » : l’austérité extérieure, et un épanouissement(parfois débridé) à l’intérieur. Un véritab<strong>le</strong> dédoub<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> personnalité, mais aussi bien <strong>de</strong>s frustrations pour <strong>le</strong>sIraniens… <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes.D’autres dimensions sont abordées : nationalisme teinté <strong>de</strong> xénophobie, avec un attachement à une iranité qui transcen<strong>de</strong>l’islam ; <strong>le</strong> défi du multiethnisme, via <strong>le</strong>s revendications i<strong>de</strong>ntitaires azéries, kur<strong>de</strong>s, baloutches, tout comme lapratique religieuse sunnite, aveuglément réprimées par <strong>le</strong> pouvoir central. C. Bromberger montre que traditions etmo<strong>de</strong>rnité s’entrecroisent dans une société en mouvement où se mê<strong>le</strong>nt « fierté patriotique, références religieuses chiites,poussée individualiste et traditions familia<strong>le</strong>s, occi<strong>de</strong>ntalisation <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie.L’Iran ne manque pas <strong>de</strong> femmes qui « font bouger » <strong>le</strong>s quartiers, par <strong>le</strong>ur engagement social et économique, anticipant<strong>le</strong>s « politiques <strong>de</strong> la vil<strong>le</strong> », suppléant <strong>le</strong>s carences <strong>de</strong> l’administration, à l’instar <strong>de</strong> Shahla Sherkatt et MassouméEbtekar, ces « dames <strong>de</strong> Téhéran », dont J. Colosimo décrit <strong>le</strong> parcours. Ou Mme Gohari, dont Masserat Amir-Ebrahimimontre l’action en faveur <strong>de</strong> l’hygiène dans <strong>le</strong>s quartiers Sud <strong>de</strong> Téhéran. On y découvre <strong>de</strong>s personnalités engagéesdans la restauration <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s démunis, à l’instar <strong>de</strong> Rassoul et Fatemeh, ces « nouveaux chevaliers (pahlavan)du quartier Cyrus évoqués par Mina Saidi-Shahrouz et Parvine Ghassem ; <strong>le</strong>s jeunes coup<strong>le</strong>s « mo<strong>de</strong>rnes », eux,cherchent l’évasion dans <strong>de</strong>s pratiques sportives comme l’alpinisme.Tout changement <strong>de</strong> régime suscite ses opportunistes, comme Sâ<strong>de</strong>gh qui, mo<strong>de</strong>rniste avant la révolution, adhéraensuite sans scrupu<strong>le</strong> au régime islamisant. Ce régime cultive ad nauseam un culte <strong>de</strong>s martyrs, comme Shahid MortezaAvini, cinéaste qui a mis sa caméra et son savoir occi<strong>de</strong>ntalisé au service <strong>de</strong> l’exaltation <strong>de</strong>s combattants sur <strong>le</strong> frontd’Irak. Le théâtre, incarné ici par <strong>le</strong> jeune Amir Reza Koohestani, ruse avec la censure et oscil<strong>le</strong> entre poésie et réalisme.Alice Bombardier montre que peintres et artistes réinventent une synthèse entre tradition et mo<strong>de</strong>rnité tandis que ArianeZevaco décrit comment <strong>le</strong> répertoire musical traditionnel s’adapte à travers <strong>de</strong> jeunes musiciens comme MortezaGodzari.Le régime se raidit face au « péril » du séparatisme ethnique. Stéphane Dudoignon analyse fort bien que <strong>le</strong>s pousséesi<strong>de</strong>ntitaires baloutches réprimées dans <strong>le</strong> sang reflètent en réalité une revendication sunnite, d’inspiration indo-pakistanaiseen voie <strong>de</strong> radicalisation salafite. Gil<strong>le</strong>s Riaux, pour sa part, retrace l’itinéraire du nationaliste azéri MahmoudAli Chehregani, dont <strong>le</strong> pouvoir a bloqué l’ascension politique en 1996, initiant une répression systématique qui transformeen revendication i<strong>de</strong>ntitaire ce qui serait une aspiration culturel<strong>le</strong>. <strong>La</strong> contestation passe aussi par <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé, à l’image<strong>de</strong> Motjahed Shabestari dont Yann Richard rappel<strong>le</strong> la mise à la retraite sous Mahmoud Ahmadinejad.À côté <strong>de</strong> cela, on assiste à l’ascension d’ex-officiers pasdarans, tels « Reza », décrit par Bernard Hourca<strong>de</strong>, <strong>de</strong>venuscomme Qalibaf et Rezai, responsab<strong>le</strong>s politiques ou hauts fonctionnaires. Une nouvel<strong>le</strong> élite qui a réussi sa reconversion.Ceci contraste avec la fin <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s anciens, comme l’univers noma<strong>de</strong> incarné par Â. J’afar Qoli RostamiBakhtiyâri, gran<strong>de</strong> figure triba<strong>le</strong> évoquée par J.-P. Digard. Au total, nous avons ici une clé d’entrée du jardin persan.Note rédigée par : Michel Makinsky - Chargé d’enseignement à l’Éco<strong>le</strong> supérieure <strong>de</strong> commerce et <strong>de</strong> management <strong>de</strong>Poitiers - Conseil<strong>le</strong>r scientifique, Université <strong>de</strong> Liège (Belgique) / Automne 2009
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