Littérature étrangèreNouveautésD’abord connu pour ses récits depassions plus grandes que la vieelle-même, alambiquées ou pathétiques(pourtant souvent trèsréussies), Philippe Besson allieintrigue amoureuse et intriguecriminelle le temps d’un roman àpropos de deux personnages quetout sépare, mais dont les destinsse croisent dans le cadre d’uneenquête sur la mort d’un homme. <strong>Le</strong> premier estun policier de L.A., marié et heureux. L’autre, unestar de cinéma et un… suspect. Rien ne semblevouloir les rapprocher. Or voilà, chacun a sa partd’ombre et, dans l’atmosphère particulière deHollywood, ville de toutes les démesures, les deuxprotagonistes vont céder aux charmes de ce monstrenommé passion. Une romance noire etconvaincante.UN HOMME ACCIDENTELPhilippe Besson, Julliard, 252 p., 29,95$On a pu découvrir Matt Ruffgrâce à La Proie des âmes, uneplongée fascinante dans les tréfondsde l’âme d’une victime dusyndrome de la personnalitémultiple. Avec Bad Monkeys,Ruff nous présente encore unpersonnage complexe dont toutel’inquiétante ampleur se dévoileau fil des pages. Elle se nommeJane Charlotte et a été arrêtée pour meurtre. Loinde nier sa culpabilité, elle avoue agir pour lecompte d’une organisation secrète chargée de sedébarrasser d’une bande de malfrats appelés les« Bad Monkeys ». En soulevant habilement un àun les multiples voiles recouvrant la « vraie »Jane, Ruff orchestre un formidable roman à chevalentre plusieurs genres etz doit beaucoup à ThomasPynchon et Philip K. Dick.BAD MONKEYSMatt Rufff, 10/18, 308 p., 18,95$Peu d’écrivains parviennent à tisserune histoire où s’entrelacent subtilementla tendresse et l’étrangetécomme Yoko Ogawa qui, avec LaMarche de Mina, signe un de sesromans les plus touchants depuisLa Formule préférée du professeur.Développant les thèmes dela mort et de l’incommunicabilité àla base de son œuvre, Ogawaprésente le destin de Tomoko, unejeune fille de 12 ans hébergée pendant une annéechez son oncle et sa tante. Dans cette maison oùtout semble fabuleux, elle découvrira un mondeétranger à travers la retransmission des Jeuxolympiques de Munich et les récits de sa tante, d’origineallemande. Un joli roman d’initiation, sucréjuste à point, sur la vie et la rencontre de l’Autre.LA MARCHE DE MINAYoko Ogawa, Actes Sud, 320 p., 36,95$En lisant le journal de son frèreRachel, Malrich découvre avechorreur et stupéfaction ce qui apoussé ce dernier à s’enlever lavie. Né d’une mère algérienne etd’un père allemand massacrés en1994 en Algérie, Rachel, quijusqu’à ce jour avait mené unevie tranquille et aisée en France,avait commencé à fouiller dansson passé familial, intrigué par le silenceentourant la mort de ses parents. Il a ainsi découvertque son père était un SS. L’auteur du Sermentdes barbares met ici sa prose teintée d’humournoir au service d’une dénonciation des mensongesde l’histoire officielle et des dérives de l’immigrationen France. Censuré en Algérie, ce livre réussiet très fort a reçu le prix RTL-Lire 2008.LE VILLAGE DE L’ALLEMAND OU LEJOURNAL DES FRÈRES SCHILLERBOUALEM SANSALGallimard, coll. Blanche, 272 p., 31,95$Considéré comme l’une desfresques les plus ambitieuses desdernières décennies, <strong>Le</strong> Tempsdes cendres relate avec briocinquante ans de communismeet de relations Est-Ouest à traversle parcours exceptionnel defigures de l’Histoire (Staline,Gorbatchev) et certainestragédies marquantes (Tchernobyl).Mais surtout, le livreraconte la vie des femmes qui, dans l’ombre, ontfaçonné cette époque. Elles sont russes, américainesou hongroises et, chacune à leur manière,elles ont cherché à paver la voie vers un mondemeilleur. Porté par une narration riche et précise,<strong>Le</strong> Temps des cendres n’a rien à envier aux grandsromans d’espionnage ou d’histoire en ce qu’ilrésume adroitement un demi-siècle d’illusions enun peu plus de cinq cents pages.LE TEMPS DES CENDRESJorge Volpi, Seuil, coll. Cadre vert, 544 p., 34,95$Katherine Pancol renoue avec lesuccès avec son nouvel opus LaValse lente des tortues. Lors desa sortie en mars, tout le mondelisait ce pavé dans le métroparisien! <strong>Le</strong>s lecteurs suiventavec ferveur les tribulations de latimide Joséphine Cortès, qui aacquis son indépendance financièregrâce à la vente de sonroman Une si humble reine. Pour ce qui est del’indépendance sentimentale et de son estimed’elle-même, c’est une autre histoire. À 43 ans, ellevient de déménager dans le XVI e arrondissementde Paris après avoir vécu longtemps en banlieue.Flanquée de ses deux ados, Hortense et Zoé, elledevra encore une fois faire face à des événementsqui la pousseront à se dépasser de nouveau.LA VALSE DES TORTUESKatherine Pancol, Éditions Albin Michel,688 p., 32,95$A V R I L - M A I 2 0 0 814
Littérature françaiseA NNAG AVALDAUn baume au cœurEn moins d’une décennie, Anna Gavalda est passée de l’anonymat à la célébrité. De son premier recueil denouvelles J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part à son dernier roman fleuve, La Consolante,les lecteurs se sont multipliés, avides de cet « espoir » que distillent tous les livres de l’écrivaine.Par Anne-Josée CameronD’abord, des chiffres: La Consolante est le cinquièmelivre et quatrième roman d’Anna Gavalda. Traduite entrente-huit langues, l’œuvre de l’écrivaine françaisetotalise 5 000 000 d’exemplaires vendus. Forte de cesuccès, la maison d’édition <strong>Le</strong> Dilettante lance le nouveauroman de son écrivain phare avec un premiertirage exceptionnel de 300 000 exemplaires, dont 230000 auraient déjà été réservés par les <strong>libraire</strong>s, premiersfans de Gavalda. Celle-ci considère d’ailleurs leur devoirbeaucoup: « Je suis un pur produit du bouche à oreilleet […] quand ils arriveront au paradis, on les enverradans une immense bibliothèque pour les remercier. »Ajoutez à cela la grande discrétion de l’auteure — ellea fait savoir qu’elle n’accorderait d’entrevues que par letruchement d’Internet —, et vous avez là tous lesingrédients nécessaires à une véritable frénésie médiatique.Un engouement qui l’ennuie plus qu’autre chose,avoue-t-elle: « Ma vie, ce sont les mots. <strong>Le</strong>s chiffres, aucontraire, me laissent totalement indifférente. Ce quime pèse, c’est d’être devenue une sorte de phénomèneet un personnage public. Si c’était à refaire, je joueraisla carte “ Salinger ” depuis le début. »Sous cette popularité un peu délirante se cache en faitl’affection que ses livres comme sa personne ont suscitéeau fil des années. En effet, depuis presque unedécennie, Anna Gavalda raconte le quotidien des gensordinaires et, à sa manière unique, les magnifie: femmede ménage, vétérinaire, cuisinier, architecte, infirmière,tous, sous sa plume, deviennent à un moment ou à unautre dignes d’intérêt, de tendresse. Ses textes constituentde véritables antidotes à la solitude, un étatinhérent de la condition humaine. « La solitude estprésente dans tous les textes. Toute histoire est une histoired’amour, pas forcément entre deux êtres d’ailleurs,et l’amour est intrinsèquement lié à la solitude. L’un neva jamais sans l’autre. Nous naissons et mourons seuls,ce n’est pas une malédiction, c’est ce qu’on appelle lasensibilité », constate la romancière vedette.L’art du réconfortLa Consolante, c’est l’histoire de Charles Balanda, 47ans, architecte de renom dont la vie n’a plus beaucoupde sens. Un jour, il reçoit une lettre qui lui apprend ledécès d’une femme ayant marqué sa vie, la mèred’Alexis, son ami d’enfance. C’est le choc. « <strong>Le</strong> verniscraque, les charnières cèdent, les boulons sautent »,explique Gavalda à propos de l’état mental de sonhéros. Dès lors, ce dernier va plonger en lui-même etpartir à la recherche de son enfance, de ses rêves, de sajoie de vivre. Cette introspection s’effectuera sous l’influenced’Anouk, de ce qu’elle aurait dit, pensé, aimé.« J’avais envie de faire le portrait d’une femme“ trop grande ” pour ce monde, trop pure, tropentière, trop généreuse, trop fragile, avec toutes lesfailles qui vont de pair avec ce mauvais voltage. Et puis,j’avais envie de la raconter à travers les yeux d’unpetit garçon attentif, qui grandit et vieillitavec/contre/par/pour elle. D’où le personnage deCharles, le narrateur. <strong>Le</strong> reste est venu au fil de laplume. Tous les personnages de ce livre, d’une façon oud’une autre, ont été inventés pour lui rendre hommage...», souligne l’auteure française. Tous seronttouchés par l’urgence de vivre de cette femme. Elle seracelle par qui arrivent la vie et la mort.© <strong>Le</strong> DilettanteBien que présente dans pratiquement tous les livresd’Anna Gavalda, la mort se fait plus sordide, plus désespéréedans La Consolante. Suicide, assassinat et accidentcruel donnent à ce roman une saveur un peu plusâcre, accentuant d’autant plus la nécessité d’êtreheureux maintenant, ce que confirme l’auteure: « Ilme semble que toute la démarche de Charles, et il mettraplus de six cents pages à le réaliser, c’est de comprendreque le simple fait d’être vivant est un privilègeen soi. »La fin des chagrinsLa Consolante tire son titre d’une expression issue dumonde de la pétanque: c’est la partie qu’on joue quandtout est fini, juste pour le plaisir de s’amuser entre amis.Justement, on aurait aimé avoir un peu plus…de plaisir. Il faut l’avouer, seuls les plus obstinéspasseront au travers des 250 premières pages duroman. Effets de style, juxtapositions intempestives,ellipses, énumérations à profusion, verbes alignés sanssujet, amour excessif des points de suspension: on aimeou on n’aime pas. Interrogée à ce sujet, la romancièreaffirme simplement avoir été portée par les personnages:« Je n’ai rien “ choisi ” vraiment. J’ai justeretranscrit ce que j’entendais dans mon oreille. Audébut, Charles dit “ je ”, puis il apprend la mortd’Anouk et commence à perdre les pédales. Du coup, jeprends la suite avec “ il ”, mais quand il se souvient demoments heureux, le “ je ” revient. J’ai presque enviede dire “ il revient ”, comme s’il ne me faisait plus confianceet préférait s’exprimer à ma place. Rien de toutcela n’a été anticipé ou prévu, et j’ai été la première surprisede ces allées et venues. Peu à peu, et au fur et àmesure qu’il se “ fantômise ”, le pronom même disparaît.Lui, en tant que sujet, se dilue dans sa proprevie. Il subit les actions, ne réagit plus, se nourrit peu,dort mal, glisse, et tombe. »<strong>Le</strong>s réactions ici seront diverses: les uns se lasseront dela longue chute de Charles, les autres s’identifierontcomplètement au personnage. En fait, l’intrigue de LaConsolante débute véritablement avec le récit de la vied’Anouk. Là, tout à coup, l’action se met en branle avecses coups du sort et ses joies inespérées. On renouealors avec cette Gavalda dont l’univers a séduit des milliersde lecteurs, ici comme ailleurs. <strong>Le</strong> côté réconfortantde son écriture, ses personnages qui témoignent,envers et contre tous, que la vie vaut la peine d’êtrevécue, que quelqu’un quelque part saura vous voir etvous aimer tel que vous êtes.<strong>Le</strong>s amateurs d’Anna Gavalda se délecteront enfin deces dialogues savoureux dont elle a fait sa signature,retrouveront avec joie ses personnages attachants etson humour pétillant; autant de petites pierres blanchesqui leur permettront de trouver le chemin de cetteconsolation et du plaisir, un peu longuet à venir, qui enémane.La romancière, elle, est déjà ailleurs : « Je meressource en laissant venir une nouvelle histoire.J’y pense déjà et ça commence à s’agiter là-haut…J’aimerais bien refaire un livre mince et dense. Mais jeme dis aussi qu’il faudrait écrire pour les plus jeunes.Roald Dahl et les frères Grimm me laissent bienrêveuse… »La Consolante<strong>Le</strong> Dilettante,640 p., 44,95$En librairievers le 7 maiEnsemble, c’est tout, Je l’aimais et Je voudraisque quelqu’un m’attende quelque part sont paruschez J’ai lu. Entre 160 p., et 576 p., prix variantentre 10,95$ et 17,95$. 35 kilos d’espoir estpublié chez Bayard Jeunesse (110 p., 15,75$).A V R I L - M A I 2 0 0 815