Québec en mots et en imagespelle que nous habitons une ville exceptionnellequi, un jour, fut une île, ville de toutes les époquesgéologiques, ville carrefour des relations. Un livrequi nous rapproche du ciel!En accéléréCamille Lapointe est historienne et archéologue.Un passé plus-que-parfait témoigne de cette doublepréoccupation. S’appuyant sur les fouillesarchéologiques qui ont accompagné la transformationde l’îlot Hunt en auberge, l’auteur fait l’historiqueen six temps des activités commerciales etportuaires qui ont caractérisé ce quartier situé aubord du fleuve et trace les portraits des principauxpersonnages qui ont fait son succès économique.<strong>Le</strong>s nombreuses photos de l’actuelle Auberge Saint-Antoine, mises en scène dans un style qui faitpenser aux revues Byzance et Côté Sud, font plutôtde ce livre un excellent outil de promotion institutionnelle.Pierre Caron, lui, est romancier, journaliste et amant deQuébec. Il aime les mots et ceux-ci lui viennent aisémentpour parler de sa maîtresse, sa « véritable patrie ». <strong>Le</strong>scinquante courts textes qui composentson livre Promenades à Québec, d’abordparus dans un quotidien de la VieilleCapitale en 2006 et 2007, inspirerontplus d’une rêverie au promeneur solitairesur les lieux et personnages qui fontde Québec ce « mélange intime d’hieret d’aujourd’hui ».Champlain ou <strong>Le</strong>s Portes du Nouveau Monde, sousla direction de Mickaël Augeron et DominiqueGuillemet, est accompagné d’un sous-titre qui, enréalité, est le véritable objet de ce livre: Cinq sièclesd’échanges entre le Centre-Ouest français etl’Amérique du Nord, XVI e -XX e siècles. Tous les motssont importants, car ils annoncent les grands axesde développement de l’ouvrage. Il y est donc questiondu et de Québec, mais aussi de toutel’Amérique du Nord. On regarde le passé, mais aussile présent. Un livre aux vastes ambitions. Mais quitrop embrasse…Avec son Chercher fortune en Nouvelle-France, Jean-Pierre Hardy signe un livre qu’on aurait pu aussiappeler « Chronique de la vie quotidienne enNouvelle-France ». Ici, point de fresques historiquesni analyses sociopolitiques. Au fil des jours et de sesrencontres avec les différents groupes amérindiens,l’exilé des vieux pays se transforme en aventurierdu Nouveau Monde pour finalement en devenirl’héritier. Une nouvelle culture se développe. Unrécit passionnant dont on peut comparer le proposà celui d’une recherche sur le terrain.<strong>Le</strong>s Escaliers publics en fer de la ville deQuébec, de Marie-Ève Bonenfant, propose unnouveau regard sur Québec en observant lesescaliers publics qui relient la Basse-Ville à laHaute-Ville. L’escalier de fer modifie considérablementle paysage urbain: c’est l’arrivée de la modernitépromue par la bourgeoisie. Cette symbolisationde l’escalier de fer est une idée originale qui mériteinfiniment mieux que la facture modeste du livrequi la présente. Quelque chose qui ressembleraitpar exemple à la présentation visuelle du livre deJacques de Blois, <strong>Le</strong> Rêve du Petit-Champlain,dont le formathorizontal, la miseen page, l’audacedes documentsvisuels retenus,l’éclectisme despropos pourraientdérouter le lecteur.Mais non!On y croit. Voilà un livre qui se lit comme un vieuxscrapbook et qui témoigne de l’intelligence de l’éditeur.Bon printemps tout en lectures sur Québec !Québec plein la vueJohn R. Porter, Publicationsdu Québec, 298 p., 49,95$Pays et MensongesLuc Bureau, Boréal,402 p., 29,95$L’Histoire spectacle.<strong>Le</strong> Cas du tricentenairede QuébecHenry Vivian Nelles, Boréal,428 p., 29,95$<strong>Le</strong>s Anglos. La Face cachéede Québec (2 tomes)Louisa Blair, ÉditionsSylvain Harvey,130 p. et 132 p., 69,95$L’Âme de QuébecClaudel Huot (photos) etPierre Caron et Michel<strong>Le</strong>ssard (textes),De l’Homme,210 p., 49,95$L’Hôtel du Parlement.Mémoire du QuébecGaston Deschênes (texte) etFrancesco Bellomo (photo),Stromboli, 264 p., 57,95$Empreintes & Mémoire.L’Arrondissement historiquedu Vieux-QuébecSuzel Brunel (dir.),Publications du Québec,238 p., 37,95$Québec, ville militaire1608-2008Serge Bernier et al., ArtGlobal, 352 p., 39,95$L’Histoire du Vieux-Québecà travers son patrimoineJean Provencher, Publicationsdu Québec, 278 p., 39,95$Vu du Château…(coffret 4 DVD)Imavision avec l’Officenational du film, 49,95$Québec. Une capitalevue du cielPierre Lahoud (photo) etHenri Dorion (texte), Del’Homme, 208 p., 49,95$Un passé plus-que-parfaitCamille Lapointe, ÉditionsSylvain Harvey, 144 p., <strong>46</strong>,95$Promenades à QuébecPierre Caron, VLB éditeur,216 p., 24,95$Champlain ou<strong>Le</strong>s Portesdu Nouveau Monde.Mickaël Augeron etDominique Guillemet (dir.),Geste éditions, 414 p., 89,95$Chercher fortune enNouvelle-FranceJean-Pierre Hardy, LibreExpression,208 p., 39,95$<strong>Le</strong>s Escaliers publicsen fer de la ville de QuébecMarie-Ève Bonenfant,Septentrion,156 p., 24,95$<strong>Le</strong> Rêve du Petit-ChamplainJacques de Blois, Septentrion,144 p., 34,95$A V R I L - M A I 2 0 0 830
QuébecTerre promiseS UZANNE A UBRYIl est de ces ouvrages dont on sait, intuitivement, presque immédiatement, qu’ils recèlent entre leurspages encore quasiment vierges de lecture toutes les qualités nécessaires pour devenir ce que l’onappelle familièrement des best-sellers, en fait, des ouvrages de littérature grand public réussiset qui rencontreront le succès.Par Florence MeneyÀ la conquête de la haute ville, premier volume de la fresque intitulée Fanette,de l’auteure et scénariste québécoise Suzanne Aubry, compte sans doute parmide tels livres. Pourquoi? Comment? C’est un peu le secret, le mystère, que l’onespère bien ne jamais dévoiler totalement ni pouvoir jamais rationaliser surpapier; mais il s’agit certainement, entre autres, de ce mélange complexe etlimpide, cet élixir composé d’une intrigue vive, menée de main experte, de personnagescrédibles, assez incarnés pour être attachants et nous ressembler, etd’émotions humaines fortes. Avec en sus la touche nostalgique de notre passéfinalement pas si lointain, celui d’un Québec encore jeune, mais déjà de plainpieddans la maturité, la prospérité, et l’âge de raison.Québec, cette héroïneFanette, en gros, a deux héroïnes, comme le confirmeen entrevue l’auteure Suzanne Aubry, dont l’enthousiasmevis-à-vis de son sujet est plus que communicatif.Il y a la ville de Québec, le Québec du XIX e siècle,au premier chef. Passion et méticuleuse recherche,dans les moindres détails, permettent à l’écrivaine denous dépeindre très cinématographiquement une villefoisonnante, en plein essor, forte de sa populationlocale, mais aussi du sang nouveau de ses immigrantsde toutes origines. Québec, ville parfois dure, toujoursbelle, encore imprégnée du passé, coincée dans sescarcans sociaux et très trempée dans la religion, maisdéjà tournée vers la modernité par biens des aspects.Suzanne Aubry explique avoir arpenté Québec pour ensentir les lieux, soucieuse de donner vie aux mursanciens, aux vieilles rues, à la Haute-Ville. Dans certainscas, dit-elle, quelques lignes à peine sont nées detout un pan de travail de documentation, une étapenécessaire, ajoute-t-elle, pour que son œuvre aitl’étoffe qu’elle lui souhaitait. Ainsi Suzanne Aubrydécrit-elle le quotidien et les origines du bourreau,véritable lépreux sur le plan social, ou encore lajournée type d’une carmélite.Et puis Fanette…La deuxième héroïne du livre en est Fanette, qui fait partiede ce lot d’immigrants plein d’espoirs: enfant de la faminedes pommes de terre qui a décimé les Irlandais au XIX e siècle,Fanette a fui avec sa famille vers ce qu’on leur promettaitcomme des cieux plus cléments, pour se heurter à uneréalité tout autre: celle de l’exploitation des voyageurs indigents par des passeursrapaces, celle des vaisseaux insalubres, bourrés de passagers décédant de malnutritionpar centaines; et, pour les survivants, au terme de l’infernal voyage, non pas ladélivrance attendue, le premier pas en sol libre, mais plutôt l’horreur de la quarantaine,de longues semaines isolés sur une île où la promiscuité épouse la maladie pourmieux décimer encore les arrivants. Seuls les survivants, véritables miraculés de lafamine et des fléaux, pourront finalement goûter à la terre promise, et entamer leurnouvelle vie dans un Québec où ils devront une fois encore lutter pour se tailler uneplace. Fanette suivra avec les siens ce chemin de croix.Suzanne Aubry raconte qu’elle a voulu remonter à ses origines irlandaises, sepencher sur les tribulations de ce peuple affligé par un destin cruel, mais fier dans© Robert EtcheverryÀ la conquête de lahaute ville:Fanette (t. 1)Libre Expression,472 p., 29,95$l’adversité. Fanette partira comme tant d’autres vers cette Amérique mythique, maisses parents seront décimés en chemin. « Il fallait voir les conditions de voyage et dequarantaine des gens, raconte Suzanne Aubry, les seuls qui s’occupaient d’euxétaient des prêtres et des médecins, dont beaucoup mouraient au contactdes arrivants malades. » Une réalité que la scénariste et écrivaine rend de façonsaisissante.À la conquête de QuébecFanette est donc orpheline quand elle foule pour la première fois le sol duQuébec en compagnie de sa sœur. Exploitée commeaide de ferme par des paysans misérables, l’enfant fuiraet se retrouvera fin 1849 sur le Chemin du Roy, à uncheveu de se faire écraser bar le boghei d’une bourgeoiseaussi sympathique que déterminée, la dameEmma Portelance, qui la prendra bien vite sous son ailebienveillante. Alors que le danger rôde et que la sociétédes bien-pensants règne, avec ses codes et ses interdits.À travers les yeux de la fillette tout d’abord craintivepuis de plus en plus épanouie au contact de sa bienfaitriceet de la société foisonnante qui lui ouvrent lesbras, le lecteur découvrira la belle société de Québec,tant dans ses bas-fonds (ses malfrats, sa justice imparfaite,ses petits métiers précaires), sa ruralité, sa soif desavoir et d’élévation, sa spiritualité que sa générosité.Fanette (rebaptisée de petite Fionnualà qu’elle était)grandira en vertus, en intelligence, en sensibilité. Ellegravira aussi les échelons sociaux, pour se lancer, malgréelle et par pur amour, à la conquête de la hauteville. Romanesque, sentimental? Certes, mais tellementétayé d’histoire et de vie, que chacun se plaira àse laisser prendre au jeu des sentiments tels que nousles offre Suzanne Aubry.<strong>Le</strong>s personnages sont variés, colorés et nombreux dansce roman de pas tout à fait 500 pages. Et ils ne sontjamais noirs ou blancs, confirme aussi la romancière,qui explique que même le plus abject des vilains recèleun coin d’humanité. Par ailleurs, quand on souligne àl’auteure que les femmes de ce premier épisode sontdominantes dans l’intrigue, très modernes, très fortes,et que la bienfaitrice, Emma Portelance, fleure leféminisme moderne, Suzanne Aubry ne nie pas. Ellepense que pour bien écrire sur le passé et en communiquer la passion, il nefaut pas avoir peur de dépoussiérer les personnages, de les rapprocher denous, « ou alors l’on court le risque de ne pas réussir à faire entrer sonunivers romanesque en contact réel avec le lecteur. ».L’auteure compte livrer les cinq prochains tomes de sa fresque, à raison, bonan mal an, d’un volume par année. <strong>Le</strong>s personnages évolueront, certainsferont face à un destin contraire, explique celle qui a écrit pour le théâtre etcosigné trois téléromans populaires (À nous deux, Sauve qui peut!, Monmeilleur ennemi). Mais si tous gardent ce même degré de vie et de véritédans les volumes à venir, les lecteurs auront des heures de grands plaisirs enperspective.A V R I L - M A I 2 0 0 831