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Numéro 30 - Le libraire

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Rentrée littéraireDames de cœurM YLÈNEG ILBERT-DUMASSous la plume de Mylène Gilbert-Dumas, le crépuscule de la Nouvelle-France, la Conquête et l’aube de la révolutionaméricaine prennent des airs de road novel. Parce que l’existence de nos ancêtres, quoique rude, n’avaitrien de sombre, parce que sous les bombes l’amour était encore plus fort que la mort, <strong>Le</strong>s Dames de Beauchêne,captivante trilogie qui fait la part belle aux femmes fortes de l’époque, donne un visage humain à notre histoire.Elle en a noirci, des pages, Mylène Gilbert-Dumas, depuis que nous nous sommes rencontréesun soir de novembre 2002 pourdiscuter, sur les ondes d’une radio deQuébec, des Dames de Beauchêne, prixRobert-Cliche du premier roman. Toutsourire et volubile, la nouvelle auteure m’entretintde ses héroïnes, l’augustine Marie-Antoinette, sa belle-sœur Marie et sa filleOdélie, qui subissent guerre et famine,affrontent soldats ennemis et hivers québécois.Un an plus tard, la Sherbrookoisetroquait son boulot d’enseignante pourl’écriture à plein temps. Un changement decap fécond : en plus des deuxième ettroisième volets de sa trilogie, elle a signédeux livres jeunesse (Mystique, La courteéchelle, 2003 ; Rhapsodie bohémienne,Soulières, 2004), et planche actuellement surune fiction pour jeunes et deux pour adultes(l’une se déroulant à Sherbrooke en 1704 ;l’autre, au Klondike). Nous voilà loin de lagenèse des Dames de Beauchêne, qui devait serésumer à un livre. Mais pour l’auteure, ilétait évident que l’histoire de ces troisfemmes n’était pas finie. Ainsi, après avoirraconté les mois précédant la bataille desplaines d’Abraham puis les premières heuresde la suprématie britannique dans la Provinceof Quebec, il importait à Mylène Gilbert-Dumas de « présenter un point de vue canadienet féminin du début de la révolutionaméricaine. »<strong>Le</strong>s feux de l’amourOn se souvient que Marie, mi-anglaise, mifrançaise,veuve du capitaine Charles deBeauchêne, s’est éprise du Métis JeanRousselle, fils de Daniel, commerçant deLouisbourg, où vit sa belle-sœur religieuse.Son père malade, la jeune mère s’embarquepour la Martinique avec Jean, chargé del’escorter pendant la traversée. Mais le navireest la proie des corsaires : prisonnière àBoston, Marie assure sa liberté et l’avenird’Odélie, restée au couvent avec sa tante, enépousant un lieutenant britannique,Frederick Winters, qui se révèle violent.C’est Jean qui guidera Marie dans sa fugue àtravers bois et rivières, une équipée arduequi, toutefois, accorde à la bourgeoise et auSauvage une intimité bienvenue…Rousselle est l’homme aux mille visages,l’éternel adolescent : à la fois sang-mêlé (saPar Hélène Simardmère était une Micmac), canadien et français ;coureur des bois, marchand et espion pour leministre Vergennes. « Jean est fort, mais pleinde faiblesses. Je le trouve adorable, confessel’écrivaine au sujet de son personnage favori. Ila énormément de courage, car il n’a pas suiviles traces de son père. Il aurait pu rester àLouisbourg, mais il a voulu voir le monde, fairede grandes choses. Il a payé pour chacune deses erreurs. C’est un personnage à qui j’aidonné beaucoup de troubles, mais le fait qu’ilsoit métis l’a toujours sauvé des mauvais pas :être français ne l’a jamais servi. » Marie et Jeansuccombent finalement à leur attirancemutuelle. Enceinte du petit François, Mariedoit sauver son honneur et de nouveau protégersa famille ; Jean présumé mort pendantl’affrontement entre les armées de Wolfe etMontcalm, elle épouse Daniel Rousselle, à quielle donne plus tard un garçon, Louis. De soncôté, Antoinette, après avoir vu l’homme de savie déchiqueté par un boulet de canon,prodigue ses soins aux blessés et malades del’Hôpital-Général, sur le bord de la Saint-Charles.D’abord campée pendant laguerre de Sept Ans (1756-1763), la trilogie fait un bonden 1775, où l’on assiste auxpremières offensives descolonies américaines. Lacible : Québec. Aprèsquinze ans de paix, le peuplene veut plus d’hostilités : pasune famille qui ne comptepas un ami, un frère ou unpère, parfois même unefemme, mort le 13 septembre1759. Sous le régime britannique,la ville fortifiée estdevenue prospère : le règnede Bigot, où seule l’élite s’enrichissait, estrévolu. Malgré quelques rudesses, le quotidienapporte son lot de largesses : les Roussellevivent bien grâce au travail de Daniel, qui tientboutique dans la maison de la rue Saint-Louis.Mais toute bonne chose a une fin. Dès les premièreslignes du dernier tome, on voit Odélie,25 ans, travestie en soldat anglais, qui fuit lademeure familiale. La fillette qui tirait au fusilsur les Habits rouges refuse l’époux que sonpère adoptif lui destine. Sous ses atours masculins,elle se met au service de Nathanael© Studio Etchemin inc.Wellington. Aux côtés de ce militaire mandatépour contrer l’invasion des Américains, la jeunerebelle se faufile parmi l’ennemi. Remontant larivière Kennebec à partir du Massachusetts, uneépreuve physique atroce, Odélie tue de sang-froidet, au passage, trouve l’amour fou dans les bras deson employeur. Quant à Jean, de retour d’Europeoù il s’est exilé pour panser son corps et son cœur(l’union de sa fiancée est un pilule dure à avaler), ilest également impliqué dans le conflit. Plusieursannées et un mari fidèle séparent Marie de sonancien amant : le clan Rousselle survivra-t-il à laréapparition du beau Métis ?Je me souviensComme les hommes, pas même un pays n’échappeà son destin : les Bostoniens sont au pied des rempartsen décembre 1775. Dans leurs rangs, desespions à la solde de la France, qui désire ravoir sonancienne colonie. <strong>Le</strong> siège sera cruel ; ce n’estqu’au printemps, avec l’arrivée de la flotte anglaise,que l’horreur prend fin. <strong>Le</strong>s huit derniers moisn’ont été que maladie, découragement et disette :« Aux États-Unis, ils ont tendance à occulterl’échec de 1775, pour ne commencer l’histoire deleur révolution qu’en 1776 ou 1778, là où ils ont eudes victoires. <strong>Le</strong> siège a pourtant été un écheclamentable ; on ne monte pas à l’assaut d’une villeen plein hiver », explique la romancière,soucieuse de l’authenticité deses propos (90 % des scènes sontauthentiques), et qui a peaufiné sesrecherches, entre autres, grâce à desécrits laissés par des miliciens américainset anglais.En filigrane, Mylène Gilbert-Dumasmontre que les femmes du XVIII esiècle jouissaient d’une grande libertéde pensée et d’action : « Elles pouvaientpratiquer des métiers, prendrela relève de leurs maris. Dans lesannées 1800 et 1900, on les a mises àla maison, on leur a fait faire despetits. Elles étaient tellementoccupées qu’elles n’avaient pas le temps de faireautre chose ou même d’y penser! C’est après larévolte des Patriotes que le clergé est devenuextrêmement dominant : on faisait un frère parfamille. Notre histoire est pleine de grandsmoments qui ne sont pas nécessairement sombres,estime-t-elle. Quand elle est présentée au niveauhumain, il y a de quoi la faire aimer à n’importe qui.Ce sont de vraies personnes qui l’ont vécue : lesbombardements de Québec, sur papier, c’est bienbeau, mais le vivre, c’est autrement plus difficile. »Mylène Gilbert-Dumas<strong>Le</strong>s Damesde Beauchêne(t. 1-2-3),VLB éditeur, <strong>30</strong>0 p.,472 p. et 528 p.,24,95 $, 26,95 $et 29,95 $(également offerts souscoffret à 81,85 $)S E P T E M B R E - O C T O B R E 2 0 0 533

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