<strong>le</strong>s filme en très gros plans (on en retrouvera certains au cours du film). Un crayon (qui <strong>de</strong>ssine <strong>de</strong>straits et griffonne <strong>le</strong> titre du film puis un oiseau) une montre à gousset (et son tic-tac), une éping<strong>le</strong><strong>de</strong> nourrice, <strong>de</strong>ux pièces <strong>de</strong> monnaie, <strong>de</strong>ux figurines sculptées, une bil<strong>le</strong> (qui rou<strong>le</strong> pour en cognerune autre), un collier <strong>de</strong> per<strong>le</strong>s, un harmonica, un siff<strong>le</strong>t… Et <strong>le</strong> <strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> l’oiseau se déchire, <strong>le</strong>film peut commencer et l’héroïne Scout Finch (en voix off) raconter son histoire : « Maycomb étaitune vil<strong>le</strong> fatiguée même en 1932, quand je la connus… »Générique <strong>de</strong> Stephen FrankfurtScout, fascinée d’imaginer <strong>le</strong>s pires horreurs sur son voisin Boo Rad<strong>le</strong>y et curieuse <strong>de</strong> suivre <strong>le</strong>procès <strong>de</strong> Tom Robinson, jeune Noir accusé à tort <strong>de</strong> viol et défendu par son père, va finir parcomprendre qu’ils sont tous <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux, <strong>de</strong>s « oiseaux moqueurs ». Victimes innocentes <strong>de</strong>s adultes,du racisme et <strong>de</strong> la société. S’il est un péché <strong>de</strong> tuer un oiseau moqueur, il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong>malmener <strong>le</strong>s innocents que sont Tom Robinson ou Boo Rad<strong>le</strong>y.Derrière <strong>le</strong>s apparences d’une peinture mélancolique <strong>de</strong> l’enfance, <strong>le</strong> film (et <strong>le</strong> roman) est aussi unpamph<strong>le</strong>t contre l’intolérance. Sans doute moins caricatural que La Porte s’ouvre (JosephL.Mankiewicz 1950), moins didactique que Graine <strong>de</strong> vio<strong>le</strong>nce (Richard Brooks 1955) et La Chaîne(Stan<strong>le</strong>y Kramer 1958) et moins philosophique que <strong>Le</strong> Mon<strong>de</strong>, la chair et <strong>le</strong> diab<strong>le</strong> (RanaldMacDougall 1959), Du si<strong>le</strong>nce et <strong>de</strong>s ombres abor<strong>de</strong> la question du racisme aux Etats-Unis <strong>de</strong>façon réaliste.Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur paraît au début <strong>de</strong>s années 60, en p<strong>le</strong>in mouvement pour <strong>le</strong>sCivil Rights (au moment <strong>de</strong>s rassemb<strong>le</strong>ments pacifiques autour <strong>de</strong> Martin Luther King et <strong>de</strong>sboycots <strong>de</strong>s bus par <strong>le</strong>s Noirs). <strong>Le</strong> roman se dérou<strong>le</strong> trente ans auparavant et la ségrégationracia<strong>le</strong> y est très présente.À l’éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> Scout, aucun enfant noir n’est scolarisé. <strong>Le</strong>s Noirs habitent <strong>de</strong>s quartiers en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>Maycomb, ils ont <strong>le</strong>ur église et <strong>le</strong>ur ga<strong>le</strong>rie au tribunal pour assister au procès. Ils ne se mélangentpas aux Blancs, pourtant Scout et Jem vont s’introduire dans ces lieux réservés (<strong>le</strong> film ne reprendpas la scène où <strong>le</strong>s enfants accompagnent Calpurnia pour la messe à l’église noire).Calpurnia, la gouvernante noire d’Atticus, fait partie intégrante <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> est respectée parAtticus et fait autorité auprès <strong>de</strong>s enfants. Dans <strong>le</strong> film, el<strong>le</strong> est sans doute <strong>le</strong> personnage féminin <strong>le</strong>plus important (Mrs Dubose, Miss Maudie Atkinson ou la tante <strong>de</strong> Dill sont moins présentes et <strong>le</strong>personnage <strong>de</strong> tante A<strong>le</strong>xandra, la sœur d’Atticus est complètement absente).Roman et film reprennent <strong>le</strong> vocabulaire en pratique à l’époque pour décrire <strong>le</strong>s noirs : ils sontappelés « nègres et négresses » (nigger ou negro en anglais). Dans <strong>le</strong> roman, l’accusé noir TomRobinson <strong>le</strong> dit lui-même : « Mr Finch, si vous étiez un nèg’ comme moi, vous au’iez eu peu’ vousaussi ». Atticus Finch est qualifié <strong>de</strong> « défenseur » ou « d’ami <strong>de</strong>s nègres » (nigger lover). Iln’hésite pas à reprendre Scout lorsqu’el<strong>le</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’il défend <strong>de</strong>s nègres, en répondant « Nedis pas nègre Scout, c’est vulgaire. Tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> dit ça à l’éco<strong>le</strong> », rétorque-t-el<strong>le</strong>. « Désormais cesera tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> sauf toi… ». Ce passage (du livre et) du film et surtout la longue plaidoiried’Atticus ne laissent aucun doute sur la dénonciation du racisme et <strong>de</strong>s préjugés alors courants.6
HARPER LEE L’AUTEUR D’UN SEUL ROMANHARPER LEEREPÈRES BIOGRAPHIQUES PARIsabel<strong>le</strong> Hausser (<strong>Livre</strong> <strong>de</strong> <strong>Poche</strong>)1926 Naissance <strong>le</strong> 28 avril, à Monroevil<strong>le</strong> (petitevil<strong>le</strong> d’Alabama, prototype <strong>de</strong> Maycomb) <strong>de</strong>Nel<strong>le</strong> Harper <strong>Le</strong>e, quatrième et <strong>de</strong>rnier enfantd’Amasa Co<strong>le</strong>man <strong>Le</strong>e et <strong>de</strong> FrancesCunningham Finch.Comme Atticus Finch, son père est avocat. Ilpublie aussi, <strong>de</strong> 1929 à 1947, un hebdomadaire,The Monroe Journal. Sa mère, assezexcentrique, souffre <strong>de</strong> troub<strong>le</strong>s nerveux etlaisse la gestion <strong>de</strong> la maison à <strong>le</strong>ur employéenoire. La jeune Nel<strong>le</strong> se conduit très jeunecomme un garçon manqué.1928-1933 Début <strong>de</strong> son amitié avec TrumanCapote. Après <strong>le</strong> divorce <strong>de</strong> ses parents, il esté<strong>le</strong>vé par une parente, voisine <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong>Finch. Il servira <strong>de</strong> modè<strong>le</strong> au personnage <strong>de</strong>Dill. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux enfants sont très proches et sesentent différents <strong>de</strong>s autres.1944 Envoyée au collège méthodiste <strong>de</strong> fil<strong>le</strong>sHutingdon à Montgomery (Alabama). El<strong>le</strong> y estmalheureuse parce que trop étrangère auxpréoccupations <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s qui la jugentnon conformiste. El<strong>le</strong> écrit <strong>de</strong>s nouvel<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>journal du collège dont certains élémentsannoncent déjà L’Oiseau moqueur.1945 S’inscrit à la faculté <strong>de</strong> droit <strong>de</strong> l’universitéd’Alabama et envisage <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir avocate,comme son père et sa sœur aînée, Alice. El<strong>le</strong>collabore encore aux journaux d’étudiants.1948 Passe un semestre à Oxford, dans <strong>le</strong>cadre d’un échange d’étudiants puis quittel’université d’Alabama six mois avant sondiplôme. Truman Capote publie son premierroman, <strong>Le</strong>s Domaines hantés. <strong>Le</strong> personnage,Idabel Thompkins a été inspiré par Harper <strong>Le</strong>e.1950 S’instal<strong>le</strong> à New York avec l’intentiond’écrire, mais doit travail<strong>le</strong>r au service <strong>de</strong>sréservations d’une compagnie aérienne pourvivre.1951 Mort bruta<strong>le</strong> <strong>de</strong> son frère Edwin, à l’âge <strong>de</strong>31 ans, puis <strong>de</strong> sa mère. Pour ai<strong>de</strong>r son père,el<strong>le</strong> fait <strong>de</strong>s al<strong>le</strong>rs-retours entre New York etMonroevil<strong>le</strong>.1956 Reçoit en ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> Noël d’un coup<strong>le</strong>d’amis, une somme d’argent lui permettant <strong>de</strong>passer une année entière à écrire.1958 Montre son manuscrit, alors intituléAtticus, à la maison d’édition Lippincott.L’éditrice est convaincue d’avoir affaire à unvéritab<strong>le</strong> écrivain mais trouve que <strong>le</strong> texte estplus une col<strong>le</strong>ction <strong>de</strong> saynètes qu’un roman.El<strong>le</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Harper <strong>Le</strong>e <strong>de</strong> <strong>le</strong> retravail<strong>le</strong>r.Cel<strong>le</strong>-ci y consacrera <strong>de</strong>ux années.1959 À la suite du meurtre <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong> Clutter àHolcomb (Kansas), Truman Capote, qui en fera<strong>le</strong> sujet <strong>de</strong> son livre De sang froid (1965), pro-Malgré l’immense succès <strong>de</strong> Ne tirez pas surl’oiseau moqueur Harper <strong>Le</strong>e a disparu <strong>de</strong> lascène littéraire américaine en 1964. <strong>Le</strong> secondroman qu’el<strong>le</strong> annonçait n’a jamais été publié. Rienne permet <strong>de</strong> vérifier la rumeur qui veut qu’unéditeur ait refusé l’un <strong>de</strong> ses manuscrits ou cel<strong>le</strong> quiaffirme qu’el<strong>le</strong> a publié d’autres romans sous <strong>de</strong>spseudonymes.Comme Harper <strong>Le</strong>e, Margaret Mitchell avec Autanten emporte <strong>le</strong> vent et Ralph Ellison avec Hommeinvisib<strong>le</strong> pour qui chantes-tu ? (tous originaires duSud) el<strong>le</strong> est restée l’ auteur d’un seul roman.Ses relations avec son ami d’enfance, TrumanCapote, qu’el<strong>le</strong> avait accompagné dans <strong>le</strong> Kansaspour l’assister dans ses entretiens et un long travaild’enquête sur ce qui <strong>de</strong>viendra De Sang froid(1966)(1966), ont fait récemmentl’objet d’un film.Capote <strong>de</strong> Bennett Mil<strong>le</strong>r(2005) avec Philip SeymourHoffman dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>de</strong>Truman Capote et CatherineKeener dans celui <strong>de</strong> Harper<strong>Le</strong>e.Après son prix Pulitzer, etjaloux du succès <strong>de</strong> sonamie car il n’obtint jamais <strong>le</strong>m<strong>le</strong> même prix, Capote fit courir <strong>le</strong> bruit qu’il était <strong>le</strong>véritab<strong>le</strong> auteur <strong>de</strong> Ne tirez pas sur l’oiseaumoqueur. Il minimisa éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> Harper<strong>Le</strong>e dans ses investigations préalab<strong>le</strong>s à De sangfroid. Contrairement à Capote, el<strong>le</strong> ne fit jamais lamoindre confi<strong>de</strong>nce publique sur lui et nerevendiqua jamais <strong>le</strong> moindre droit sur De sangfroid. Il est pourtant avéré que son rô<strong>le</strong> à Holcombne fut pas négligeab<strong>le</strong>, ne serait-ce que parcequ’el<strong>le</strong> était mieux acceptée <strong>de</strong> la population loca<strong>le</strong>que Truman Capote - ce que décrit bien <strong>le</strong> film <strong>de</strong>Bennett Mil<strong>le</strong>r. La brouil<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux amissemb<strong>le</strong> avoir duré jusqu’à la mort <strong>de</strong> Capote en1984.Agée aujourd’hui <strong>de</strong> 84 ans, Harper <strong>Le</strong>e vitpartagée entre New York et Monroevil<strong>le</strong>, où el<strong>le</strong>habite avec sa soeur aînée, Alice.7