Carlos VeloAlmadrabas,la pesca del atúnen Isla Cristina(1934)Réalisateurs : Carlos Velo, Fernando G. MantillaImage : José María BeltránMusique : Regino Sáenz de la Maza (guitare)Production : J.L. Zabala, Ángel Estebanpour la République35 mm, n. et bl., 23 mnLa pêche au thon au large de Cadix aumoyen des almadrabas, grands filets tendusen piège par les pêcheurs. Le film documenteensuite les processus de transformation de lapêche, de la conserverie et de la distribution.Seul court métrage de Velo conservéen entier, dont le cinéaste racontait un tournagesi mouvementé, à bord des barques,qu’il s’en évanouissait de mal de mer. Sur leconseil de Federico García Lorca, et sans renoncerà quelques extraits de Schumann, ilcontacte un maître de la guitare et « transide peur, marie les images du film à ses accords». Il s’inspire, pour la structure du film,du court métrage d’Eisenstein Romance sentimentale.Tuna-fishing off the Cadix coast using almadrabas,traditional nets laid out by thefishermen. The film follows the processes fortransforming the catch, preserving and distributingit. This is Velo’s only short film tohave survived in its entirety. On Federico GarcíaLorca’s advice, and without relinquishingsome Schumann excerpts, he contacted a guitarmaestro and “paralysed by fear, marriedthe film’s images to the guitar chords”.Galicia – Finis Terrae(1936)Réalisateur : Carlos Veloavec la collaboration de Fernando G. MantillaImage : Cecilio PaniaguaSon : Lucas de la PeñaMusique : Rodolfo HalffterAvec la collaboration de : Castelao, XaquinLourenzo « Xocas » (ethnographe), Rafael Dieste(scénario), Bal y Gay et Torner (musicologues).Tourné en septembre 1935, le film, dont ilne reste aujourd’hui qu’un fragment, devaitmontrer le travail des pêcheurs après celuides paysans. Considéré comme le premierfilm « galéguiste », il témoigne surtout dela communauté de cinéma des années 30 influencéepar Flaherty, Eisenstein et Dovjenko,et constitue aussi un manifeste Frentepopular pour la justice sociale.Filmed in September 1935, the film was toshow the daily labour first of the peasantsand then the fishermen, but today only fragmentsof the work remain. Influenced byFlaherty, Eisenstein and Dovjenko, it alsoconstitutes a Frente Popular manifesto forsocial justice.Torero(1956)(Toro)Réalisateur : Carlos VeloScénario : Hugo Mozo (Hugo Butler), Carlos VeloConseillers en tauromachie : Rafael Solana,Arturo FregosoImage : Ramón Muñoz et extraits d’actualitésfilméesSon : Adolfo de la RivaMontage : Miguel CamposProduction : Manuel Barbachano Ponce,George Werker (Mexique)Avec : Luis et Angel Procuna, leur famille, AntonioFayat, Paco Malgesto, Alfonso Ramirez « Calesero »et Manuel Rodríguez « Manolete »35 mm, n. et bl., 80 mnLe torero Luis Procuna raconte ses originesmodestes, sa vie et sa carrière, sa passion destaureaux, et la peur de la mort qui précèdechaque <strong>corr</strong>ida. De triomphes en échecs,d’une vie de famille où la peur ne doit passe faire voir aux coulisses de l’immense arènede Mexico, le torero côtoie ses collègues, célèbresou obscurs. La mort de l’immense« Manolete » le trouble tant qu’il est blessédans l’arène. Il traverse l’épreuve de lacrainte (de la bête, du public, et de luimême)avant de retrouver le succès. Reconstitutionset actualités se mêlent pour cequi est parfois considéré comme le meilleurfilm sur la <strong>corr</strong>ida.« J’avais étudié la biologie à l’université deMadrid, et j’appartenais à cette minoritéd’Espagnols qui voient en la <strong>corr</strong>ida unepreuve du retard culturel et social de l’Espagne.Au Mexique, en tant que réalisateur d’actualitéset de documentaires, je dus filmeret monter des <strong>corr</strong>idas, pendant 10 ans, tousles dimanches. Un jour, un torero, Luis Procuna,et un taureau, « Polvorito », exécutèrentune faena que les aficionados qualifièrentd’inoubliable.En voyant et revoyant sur l’écran le risquede mort qu’affrontait cet homme qui, aveccalme et précision, soumettait le courage dutaureau jusqu’à lui donner, au juste moment,une mort foudroyante sous les acclamationsdu public, je commençai à comprendre l’irrépressibleémotion du spectacle taurin. Encherchant dans les cinémathèques les momentsforts des triomphes et des échecs deProcuna et de son maître, le Cordouan « Manolete», il me vint l’idée d’un film. »(Carlos Velo)The matador Luis Procuna talks about hishumble origins, his life and career, his passionfor bulls and his fear of death beforeeach <strong>corr</strong>ida. From triumph to defeat, fromfamily life where fear is not to be shown, tobehind the scenes in the huge bull-ring inMexico City, the torero works alongside famousand less famous colleagues. The deathof the great “Manolete” worries him somuch that he falters in one of the <strong>corr</strong>idasand is wounded. He lives through the testof fear (of the bull, the public and himself)before reaching success. Reconstitution andnews events are mingled in what is generallyconsidered to be the best film on bullfighting.Carlos Velo(Cartelle 1909-Mexico 1988)Diplômé de biologie de l’Université de Madrid,le Galicien Velo découvre le ciné-club deLuis Buñuel, avant d’en fonder un pour lesMissions pédagogiques de la République. Ilréalise avec son complice Fernando G. Mantillade nombreux documentaires pour la République,dont beaucoup sont perdus (LaCiudad y el campo, 1934, Castillos de Castilla,1935, Saudade / Santiago de Compostela,1936...).L’issue de la Guerre civile le fait s’exiler auMexique. Il y travaille aux actualités filmées,et participe au célèbre Raíces (Racines) deBenito Alazraki (1954) avant de devenir réalisateur.60
A biology graduate from Madrid university,the Galicia-born Velo discovered LuisBuñuel’s Film Club and went on to createone for the Republic’s Pedagogical Missions.With his partner, Fernando G. Mantilla, hemade many documentaries for the Republic.The outcome of the Civil War forced himinto exile in Mexico, where he worked onnews films. He took part in Benito Alazraki’sfamous film, Raices (Roots,1954), and laterbecame a filmmaker himself.Vous avez dit« Carlos Velo » ?« Combattants loyaux à la République – la voixdu président Lazaro Cardenas résonne dansles haut-parleurs du camp de concentrationde Saint Cyprien – le Mexique vous attend àbras ouverts ! ».Carlos Velo Cobelas, Galicien de Galice du sud,là où la terre s’appelle Lobeira et se continuejusqu’au Portugal, là où l’image collective s’articuleautour des paysannes qui transformentle lin en toile et en draps pour le trousseau,parvient à sortir du camp et à retrouver safemme à Paris. Aidé par l’écrivain FernandoGamboa, le couple rejoint Veracruz.Génération mondaine et brechtienne, de pessimistesactifs, qui croit profondément en laréalité, qui s’identifie tant avec son tempsqu’elle le dépasse, et porte dans ses bagagestrimbalés dans mille et une batailles uneconsigne unique : le premier acte créatif, c’estchoisir.Carlos Velo naît en 1909 dans une famille decaciques. Son père, médecin de campagne,est peut-être le dernier d’une caste de l’ancienrégime (droit de cuissage implicite dansle status et le comportement), caste destinéeà être niée et dévorée par ses rejetons, de manièreradicale : inadaptés, anti-autoritaires,ouverts à la nouveauté, d’un appétit brûlantd’expérimenter tout ce qui est nouveau. Ilsseront, dans notre cas, l’intelligentsia de Galice,petite bourgeoisie éclairée qui perpétueles mots d’ordre de la renaissance littéraire etpolitique et les fond dans le XX e siècle, en tissantl’idéologie (le nationalisme), la théoriedu progrès (le chemin de fer), le leadershipde la paysannerie, la construction culturelle(édition, théâtre, beaux-arts, chorales) avecl’action politique. Ils participent, bien évidemment,à l’Assemblée constituante de laRépublique espagnole et s’organisent en PartiGalicien.C’est la lignée qui marque le jeune Velo, lignéequi s’apprête elle aussi à transgresser laloi pour pouvoir défendre la justice. Transgresser,c’est parfois évoquer le passé, celui deVelo à Ourense, dans ses années de lycée, lesannées vingt, quand avec ses camarades, il faitdes essais de macrophotographie dans le laboratoirede Sciences nat’, en plaçant un objectifdevant le viseur du microscope.Dans ses années de jeunesse, Velo développeaussi une capacité d’observation unique, qu’ilaiguise à l’auberge où il côtoie voyageurs,fonctionnaires et curés. Irrésistiblement attirépar tout ce qui a à voir avec l’image technique: un de ses amis organise des tournagesamateur, lui permettant ainsi de passer despectateur de serials mélodramatiques à acteurdu dimanche.Il est aussi dans l’apprentissage des corps, dudésir, du sexe fabulé, de l’affût, de la rencontreavec le féminin, rencontre qui lui vient desmarges, des quartiers populaires, des filles quise rendent en classe depuis l’autre côté dupont romain - celui qui sépare village et beauxquartiers, centre et périphérie -, des lavandièresà la jupe retroussée.La chair, tout d’abordLa première des émotions, pour le jeune Velo,a été l’émotion charnelle qu’il unit à laconstruction du rythme, au mouvement quecréent ses yeux, en allant toujours vers le planrapproché, vers le changement d’axes qui s’accordeau balancement des hanches, le retournementinespéré, le sourire, le signe, lesoupçon, le rendez-vous, le suspense, l’obsession,et, à l’occasion, l’échec (demoiselles provincialesd’Ourense), finales tragiques inventés,rites d’initiation, jouissance de la prise, laspirale du mouvement latéral, le panoramiquequi s’inscrit dans la mémoire. L’attente s’étire,plan large aux arrière-plans actifs que la silhouettemarque de son souffle concret. Dovjenkoviendra plus tard porter au carré cetteculture matérielle et environnementale quifait de Carlos Velo un panthéiste, attaché à lavie comme passage et comme attente.A 22 ans, il part pour Madrid, il y développeson goût pour les relations, les processus invisibles,le paradoxe. Il s’écarte du mandat paternel,la médecine, pour se rapprocher de labiologie, des séances de cinéma de la Residenciade Estudiantes (Maison des Etudiantsoù opèrent Lorca et Buñuel) et, avec l’avènementde la République, de la Fédéración UniversitariaEscolar où, produit par Filmfono etavec Fernando G. Mantilla, il organise le Cinéclubcomme partie intégrante du programmeéducatif des Missions pédagogiques. On y analyseencore et encore certains films “pour voircomment ils sont faits”. D’un voyage à Parispour y chercher des films, il rapporte une admirationfascinée pour Jean Painlevé.Son travail comme cinéaste au sein de la Républiquedure à peine deux ans, de La Ciudady el campo en 1934 à Finis Terrae-Galicia, dontil tourne les derniers plans en 1936, et qu’ilne verra plus avant la fin des années soixante,quand son opérateur, Cecilio Paniagua, lui remettra,au Mexique, les fragments d’une copieconservée par les services de propagandefranquistes.La Guerre civile le rattrape à Cartelle où lesoir, quand fleurit le lin, se promènent les gensbien et les « Rouges ». Il part en train pourSéville se cacher chez des parents de sa femme.Là, le producteur de droite Domínguez Rodino,l’embarque pour Tétouan, pour la réalisationd’un film de production allemande,Yebala, qui sous le titre Romancero marroquísera monté à Berlin, et fera, en 1940, partie dela campagne d’exaltation du Général Franco.En 1938, alors qu’il doit partir pour l’Allemagnefinir le film, et que tout indique que laguerre va être perdue, Velo doit décider s’ilse range du côté des vainqueurs – comme leferont beaucoup de collègues de sa génération– ou du côté de la République. A Tanger,il saute dans un taxi avec sa femme et va àl’Ambassade de la République. De là il partpour Paris, puis, seul, pour Valence et Barcelone,qu’il quittera avec les derniers convois,tandis que les troupes fascistes entrent à Pedralbes,et que la liberté s’enfuit par les sentiersde montagne. Enfin, une plage. Moinsune plage qu’un non lieu baptisé Saint-Cyprien.Carlos Velo arrive avec une boîte de pelliculequ’il accroche à un piquet pour, au nomdu cinéma, rassembler autour de lui d’autresréfugiés. Un matin, il écoute attentivementle message de Cardenas.Regardons son deuxième film Almadrabas etle matériel sauvé de Finis Terrae-Galicia, médailled’or à l’Exposition internationale de Parisen 1937, dont le programmateur avait étéLuis Buñuel. Revoyons Torero, sa signature ausein du nouveau cinéma mexicain, dans le fildu néo-réalisme, avec Luis Procuna, matadorle plus célèbre du Mexique. Un homme quin’a jamais ressenti dans l’arène d’autre sensationque celle, suicidaire, d’y entrer pourtuer, au grand enthousiasme du public, et qui,au faîte de la gloire, se rend compte qu’il apeur et qu’il a toujours eu peur sans le savoir,comme le dira Velo. L’écrivain Carlos Fuentesqui plus tard collaborera avec notre cinéasteau scénario de Pedro Paramo tiré du roman deJuan Rulfo – qui se passe en Nouvelle Galice– reconnaît le regard de Velo et sa patte d’auteurdans la manière de traiter son sujet : «Lavie de Procuna n’est pas observée de derrièreles grilles comme si le héros était un chimpanzé,mais de son côté, dans ses expressionsquotidiennes de faim, de lutte, d’assurance,de peur, de vanité.»Torero nous donne le réalisme comme effet,et le dépassement des conventions, en faisantusage, au montage, d’un ensemble d’imagesdocumentaires qui lui permettent, grâce à desenregistrements d’autres <strong>corr</strong>idas, la mise enscène de certaines séquences.L’époque de Velo, celle de l’Europe du Frontpopulaire, contient la promesse du pain quotidienet la liberté comme pratique sociale,comme intervention et comme expression. Etun postulat : le monde existe, il est visible. Leciné-monde. La vie comme espace de la joie,le cinéma comme espace de l’émotion.S’émouvoir de la vision et de l’élan du nouveau,de la nouvelle organisation de la production,des relations entre ville et campagne,de l’accès au savoir, du banal (la pêche authon). Réel transformé en œuvre cinématographique,en cinéma du nécessaire : c’est Almadrabas.Les critiques y voient l’école deGrierson du personnage collectif (les pêcheurs),du culte de l’effort, de la confrontationavec la nature (à son point le plus dur) etde la fin heureuse, avec l’entrée du produitde la pêche dans la chaîne de conserverie, etla voix off par laquelle le réalisateur conduitnotre regard vers ce que nous devons voir.Comme source créative, Velo se réfère à unEisenstein tendre, celui de la Romance sentimentale,qui l’incite à monter le finale d’Almadrabascomme une partition musicale, fondantchaque plan avec les accords du guitaristeandalou Sainz de la Maza.Galicia comme modèleVelo voulait « voir Cartelle sur l’écran » et enfaire son cinéma le plus personnel : entre LaTerre de Dovjenko, pour les glissements entresentiment d’appartenance et option esthétique,entre le paysan et la nature comme partiesd’un même cycle, avec le corps féminincomme geste sexué. Proche de la Ligne généraled’Eisenstein pour les effets choraux etde classe, plus le Flaherty de L’Homme d’Aran,son grand modèle réaliste. Le projet s’appelleraFinis Terrae-Galicia, et le matériel nonmonté était, détail significatif, destiné à unautre film, sur l’invisible la Saudade. Velo vou-61