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Le Phare - Centre culturel suisse

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mai-juillet 2013 / le phare n° 14 / THÉÂTRE • 11Gremaud pense au Français Philippe Quesne ou auSuisse Christoph Marthaler qui le fascinent pour « leurmanière dégagée de dire des choses capitales ». L’astuce,la décontraction, l’humour, le sens de l’observation. Et,pourquoi pas, l’inspiration. Telles sont les qualités dece jeune créateur fribourgeois dont le père, professeurde physique, se lève chaque matin à 3 h 30 pour écrire,chercher, remplir d’innombrables carnets. « Mon pèreest un costaud à moustache qui m’a transmis le goût d’unquestionnement sans agacement », confiait FrançoisGremaud en juin 2011.D’autres créations répondent à cette notion de questionnementsans agacement. KKQQ, spectacle au nomculotté et grand succès de 2010, est une performancemultimédia dans laquelle un savant système de synchronisationrend compatibles le son et les images d’improvisationsperpétrées en amont et en ordre dispersédevant des écrans. Un concept très contemporain qui aplu à René Gonzalez, feu le directeur de Vidy-Lausanne,et valu à François Gremaud un accueil la saison d’aprèsdans le fameux théâtre au bord de l’eau.Simone, bijou d’incongruitéQu’en est-il de Simone, two, three, four, spectacle encoreantérieur – il a été créé en mai 2009 – invité par le <strong>Centre</strong><strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> à Paris ? À nouveau, un moment particulier,un bijou d’incongruité orchestré par la 2b company.<strong>Le</strong> propos ? L’histoire d’une simple chute qui se termineen dégringolade psychologique. Simone, que l’on ne voitjamais mais dont on parle souvent, glisse sur une crottede chien, chute et ne se relève pas de cette glissade-là.Pour elle, un puits sans fond, apprend-on de la part destrois drôles de sires qui vivent en vase clos sur le plateau.Une mise au point, tout d’abord. Simone, two, three, fourn’est un spectacle ni scatologique, ni neurasthénique.Mais une sorte de satire acidulée sur ce hasard qui faitet défait nos destinées.Un texte de François Gremaud, dont le comédienPierre Mifsud relève « la sensibilité et la capacité à direpar la bande le tragique de l’existence ». Pierre Mifsud,justement. Ce comédien au regard étrange, inquiétant,est un habitué des spectacles à contre-courant. On l’avu beaucoup vu chez Oskar Gómez Mata, autre activistedu théâtre. Il est aussi un fidèle de la 2b company.Dans Simone…, en pull et pantalon bleu ciel, ton sur ton,beauf à souhait, Pierre Mifsud est Jean-Claude. Un foude chiffres qui compte en mètres la longueur de spaghettimangés par l’oncle Denis avant que l’aïeul nes’écroule raide mort. Sa vie et la vie des autres, Jean-Claude la résume avec des plots empilés en équilibreprécaire sur la scène, au cœur d’un décor de plantesvertes et d’assiettes cassées. Ce qu’il cherche surtoutà travers ses installations obsessionnelles, ce sont lesraisons qui ont mené Simone à la dépression. Maiscette quête révèle plus celui qui la mène que le sujet étudié.L’observation vaut aussi pour Martine (CatherineBüchi), ex-scoute et championne de voltige, qui paniqueà chaque montée de stress. Attention, pic comique !Quant à Alejandra (Léa Pohlammer, elle aussi une fidèlede François Gremaud), c’est tout l’inverse. Alorsqu’elle a pris coups et blessures en masse durant sonjeune passé, cette beauté née à Bogota affiche une sérénitéinversement proportionnelle à sa destinée.Soit trois figures très contrastées qui cohabitent sansréellement se rencontrer. Et gèrent à leur manière, avecleurs moyens, la versatilité du destin.décalant son regard, en se décentrant,en retardant une paroletrop hâtive ou trop systématique,afin de retrouver unefraîcheur d’approche, un nouveausouffle. <strong>Le</strong> décalage, il l’apeut-être appris auprès de sonfrère de deux ans son cadet,Christian, sourd-muet de naissance.Au-delà de la langue dessignes que tout le clan (ils sontsix en famille) a apprise, lesdeux frères ont développé unlangage à eux qui a rendu lemetteur en scène sensible auxdifférents types de communication.D’où, dans ses créations,cette joie de dire autrement,mais aussi cette conscience desdifficultés de compréhension etcette intuition, présente sans lourdeur, de la solitudeultime de l’individu.<strong>Le</strong> public parisien a déjà pu apprécier la belle inventivitéde ce poète à la provoc bienveillante. En juin 2011,la 2b company a donné son Récital au <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong><strong>suisse</strong>, un ensemble de contes et de chansons rédigésselon un protocole précis : les morceaux sont tirés d’improvisationsparlées et chantées, retranscrites tellesquelles, sans censure, ni ajout. <strong>Le</strong>s thématiques sontlibres et, aux côtés de François Gremaud, les comédiennesTiphanie Bovay-Klameth et Michèle Gurtnerexcellent dans cet exercice qui, tel un cadavre exquis,révèle en riant des couches multiples d’inconscient.La 2b company a l’art de vivifier la vie.Marie-Pierre Genecand est critique de théâtre et de danseau quotidien <strong>Le</strong> Temps et à la RTS.Frère sourd-muet et nouveau langageCe thème de l’appropriation est une constante chezFrançois Gremaud. L’idée que chacun a la possibilité,sinon la responsabilité, d’améliorer son quotidien en

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