<strong>Le</strong> premier acte de sa nouvelle incarnation, il le demanda àson métier : il fit un livre.Un livre ? Un texte de loi plutôt. Aux cinq livres de Moïse, ilajoutait le sien. Il ouvrait les paupières à son peuple et lui disait: « Regarde où tu en es après dix-neuf siècles de ta vie deroulier. » L’ayant mis en face de son état, il posa le problèmedu retour en Pal<strong>est</strong>ine et, <strong>com</strong>me sur un grand tableau noir visibledu monde entier, devant les quatorze millions de <strong>Juif</strong>s attentifset dispersés, il en tira la solution.Ce livre s’appela : l’État <strong>Juif</strong>.« Je n’avais encore jamais rien écrit dans un tel étatd’exaltation, a-t-il dit. Heine raconte qu’il entendait sur sa têtele battement d’ailes d’un aigle lorsqu’il <strong>com</strong>posait certains deses vers. J’entendais au-dessus de moi quelque chose de semblableà un frémissement. »Mais ce livre était tout et n’était rien. Herzl avait assis sabase ; il fallait, maintenant, dresser le monument.Herzl partit en croisade. Il n’en <strong>est</strong> pas de plus étonnantedans les temps modernes. Il se précipita d’abord chez le baronMaurice de Hirsch. Quand on n’a pas d’argent et que l’on veutcréer un État, il faut d’abord frapper aux coffres-forts. <strong>Le</strong> baronHirsch avait consacré des centaines de millions à la détressedes siens. Il avait acheté à leur intention pour cinquantemillions de terrains en Argentine. C’était un homme que l’onpouvait embarquer sur sa galère.Herzl ne représentait rien à l’esprit du baron. C’était seulementun homme jeune qui allait publier un livre. Il vit entrerchez lui non un quémandeur, mais l’ambassadeur des tempsprochains. Lorsque le baron, intrigué par une telle allure, <strong>com</strong>mençade discuter avec son hôte : « Inutile de perdre dutemps, coupa Herzl, et, frappant sur les épreuves de son livre :Tout <strong>est</strong> là ! – Et l’argent ? demanda le financier. – Je vais lancerun emprunt national juif de dix milliards de marks, réponditle journaliste. » On assure que Hirsch répliqua : « Rothschilddonnera cent sous et les autres <strong>Juif</strong>s rien du tout. » <strong>Le</strong>coup des dix milliards avait mis fin à l’entretien. Mais le lendemain,Herzl écrivait à Hirsch : « Je vous aurais montré mesbannières et <strong>com</strong>ment j’entends les déployer. Et si, ironiquement,vous m’aviez demandé : « Un drapeau. Qu’<strong>est</strong>-ce ? Uneloque au bout d’un bâton ? » Je vous aurais répondu : « Non,22
monsieur, un drapeau c’<strong>est</strong> plus que cela ! Avec un drapeau onconduit les hommes où l’on veut et même en Terre Promise. »<strong>Le</strong> baron Hirsch mourut. L’État <strong>Juif</strong> parut. Herzl se renditchez Zadoc-Kahn. Grand-rabbin de France, Zadoc-Kahn ne voulaitpas du tout aller en Pal<strong>est</strong>ine. Herzl était en somme unétranger, un Autrichien, et il touchait là à une qu<strong>est</strong>ion redoutable.On dit encore que Herzl répondit : « Tout cela ne vousregarde pas ? bien ! Vous êtes Français israélite ? bien ! Monprojet <strong>est</strong> en effet une affaire intérieure juive. Alors, adieu ! »Il partit pour Londres. Il y fit grande impression et quelquesdiscours. Là, <strong>com</strong>me à Paris, il <strong>com</strong>prit qu’il parlait dans le désertet que les <strong>Juif</strong>s pauvres sont la plaie des <strong>Juif</strong>s riches etqu’il <strong>est</strong> très difficile, même au nom de l’idéal, de faire déménagerdes gens bien logés.De ces premiers coups de filet, il ne ramena qu’un disciple :Max Nordau.La pensée sioniste, irradiant de Herzl, avait pénétré les frontières.Il lança l’appel d’un congrès universel. Ce fut le signalqu’attendaient les gens en place pour déclencher l’attaque.Rabbins de Londres, de Vienne poussèrent la première botte.<strong>Le</strong>s rabbins allemands, tous en chœur, dénoncèrent le fauxMessie. Pour endiguer le flot qui le veut noyer, Herzl fonde unjournal, la Welt, et leur répond par ces mots : « Valets de synagogue.» <strong>Le</strong>s rabbins l’emportent. Munich, choisi <strong>com</strong>me lieudu congrès, refuse de l’abriter. Herzl se retourne et désigneBâle.Ah ! ces journées de Bâle ! Quel spectacle ! Israël, pour lapremière fois depuis vingt siècles, se réunit. Polonais, Hongrois,Allemands, Français, Russes, Anglais, Hollandais, Américains,Égyptiens, Mésopotamiens, Yéménites, c’<strong>est</strong>-à-dire unpeu noirs sinon nègres. Des glabres, mais surtout des barbes,encore des barbes. Et les papillotes battant les tempes ! Tousces frères qui ne s’étaient jamais vus se regardant le nez avecstupéfaction ! Herzl, devant cette vivante carte du monde,trembla. Son souffle pourrait-il fondre ces âmes pour n’en fairequ’une seule ?Il gagna la tribune et, avant tout, plongea son fameux regarddans cette masse. Alors eut lieu le fait surnaturel. L’assemblée,un instant hésitante, se dressa, fascinée. La race dispersée venaitde voir apparaître la statue de la race. Après un quart23
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pénétré dans une Mesybtha. Rien
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Chapitre 17LA BOURSE OU LES MEUBLES
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L’immeuble retentissait de la pr
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statue. Tout homme qui a perdu un s
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- Taisez-vous, on nous lapiderait.E
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chacun des peuples, et comment me t
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ma gloire ! » sans risquer sur-le-
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Le nez dans la Thora, les hommes se
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J’en ai fini avec la douane. Le s
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son cheval, avant de le chevaucher
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Ils tuent. Ils chantent.Deux Anglai
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Je les connaissais tous. Tous étai
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Les neuf autres approuvent par des
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L’ouvrier juif travaille huit heu
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Sibérie, la Mandchourie, la Chine
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maison. En 1921, lors des premiers
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Chapitre 27JUIF ERRANT ES-TU ARRIV
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- S’il semble bon au lord et si v
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sur la pointe de ses pieds et tandi
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