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Le Juif errant est arrivé - Lecteurs.com

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Il n’avait de blanc que ses chaussettes ; le r<strong>est</strong>e de lui-mêmeétait tout noir. Son chapeau, au temps du bel âge de sonfeutre, avait dû être dur ; maintenant, il était plutôt mou. Cegalurin représentait cependant l’unique objet européen decette garde-robe. Une longue lévite déboutonnée et remplissantl’office de pardessus laissait entrevoir une seconde léviteun peu verte que serrait à la taille un cordon fatigué. L’individuportait une folle barbe, mais le clou, c’était deux papillotes decheveux qui, s’échappant de son fameux chapeau, pendaient,soigneusement frisées, à la hauteur de ses oreilles.<strong>Le</strong>s Anglais, en champions du rasoir, le regardaient avec effarement.Lui, allait, venait, bien au-dessus de la mêlée.C’était un <strong>Juif</strong>.D’où venait-il ? D’un ghetto. Il faisait partie de ces millionsd’êtres humains qui vivent encore sous la Constitution dictéepar Moïse du haut du Sinaï. Pour plus de clarté, il convientd’ajouter qu’à l’heure présente ils vivent aussi en Galicie, enBukovine, en Bessarabie, en Transylvanie, en Ukraine et dansles montagnes des Marmaroches. Autrement dit, sans cesserd’appartenir uniquement à Dieu, ils sont, par la malice deshommes, sujets polonais, roumains, russes, hongrois ettchécoslovaques.L’accoutrement de celui-ci aurait pu lui servir de passeport.Il arrivait probablement de Galicie, sans doute était-il rabbi, etquant au but de son voyage, pour peu que l’on connût quelqu<strong>est</strong>raits de la vie de ces <strong>Juif</strong>s, on le pouvait aisément fixer : lerabbi se rendait à Londres recueillir des haloukah (aumônes).La malle ne tarda pas à déverser son contenu sur le quai deDouvres. Je m’attachai aux pas du saint homme. Une valise debois ciré à la main, il suivait la foule. Un policeman coiffé à laMinerve sourit à sa vue. Lui, passa. On fut bientôt devant labanquette de la douane. Il y posa sa caisse. À cet instant etpour la première fois de ma vie, mon âme éprouva des tressaillementsde douanier. Qu’attendait-on pour lui faire déballersa marchandise ? Enfin, on l’en pria. La caisse livra son secret.Elle contenait un châle blanc rayé noir et frangé, une paire dechaussettes, deux petites boîtes un peu plus longues que nosboîtes d’allumettes, épaisses deux fois <strong>com</strong>me elles et fixées àune lanière de cuir, deux gros livres qui, de très loin, sentaient4

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