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Le Juif errant est arrivé - Lecteurs.com

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le rabbin ne leur apparaît pas l’incarnation indiscutable de lapensée divine. Du point de vue de Rome, ils seraient libres penseurs; de celui de Jérusalem, ils sont sionistes. En aucun casisraélites. Dans le juif, ils ne voient que la race et la non lareligion.Ben et Salomon m’ont pris en charge à Mukacevo. Ils sonttous deux effroyablement intelligents. En supplément, ilsparlent russe, tchèque, polonais, roumain, magyar, anglais, italien,espagnol, allemand, français, yiddisch et hébreu. Dansmon auberge, à Mukacevo, j’ai fait leur connaissance. <strong>Le</strong> chapeausur la tête, le col du pardessus au ras des oreilles, troischaussettes de laine bien en place dans chacune de mes bottes,je mangeais, un soir, sur une nappe jadis blanche, le pain amerde la solitude. Quelques Russes, dans un coin, ne buvaientmême pas ! Ils jouaient aux dominos, silencieusement et cesbruits d’os évoquaient une danse de squelettes. Une femme,seule à table, un châle de laine sur les épaules, regardait obstinémentle plafond, <strong>com</strong>me si le Saint-Esprit allait en descendre! Deux autres hommes reniflaient un thé fumant. Toutecette petite famille était bien tranquille, quand un grand Ruthène,allongé encore par un haut bonnet d’astrakan gris, entra,portant dans le dos une espèce de cercueil d’enfant. Il posasa boîte, l’ouvrit et en retira un perroquet. Il mit l’oiseau surson avant-bras, prit une sébile dans une main et, de l’autremain, tourna la manivelle de son cercueil à musique. C’étaitl’un de ces troubadours de la neige si chers aux pays slaves, unjoueur de charmantka ! Sa chanson moulue, il m’apporta leperroquet. La bête piqua du bec dans la sébile, saisit un boutde papier et le laissa choir dans mon assiette sans joie. C’étaitma bonne aventure en petit-russien. L’homme-pain de sucrenous déroula une autre chanson. Cela fait, il me ramena labête. Cinq minutes plus tard, il repassait le volatile sous monnez. C’<strong>est</strong> alors que je lui dis :– F… moi la paix avec ton perroquet !Aussitôt je vis les oreilles des buveurs de thé se dresser dansma direction. <strong>Le</strong>urs regards, au son du français, se frappèrentd’étonnement. Ils échangèrent quelques paroles. Puis l’un seleva, le rouquin, et, précédé d’un sourire contenu, il me demandasi je venais de Paris.– J’en viens ! répondis-je.46

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