plutôt qu’un village. Pas un étage ; des cabanes, le toit enpente. <strong>Le</strong>s <strong>Juif</strong>s surgirent. <strong>Le</strong>s mains dans leurs manches, tousavaient l’air de serrer un tuyau de poêle contre leur poitrine.Nous arrêtions-nous ? Ils nous entouraient <strong>com</strong>me si nousavions été un brasero, puis soudain ils se dispersaient, craignantsans doute d’être brûlés.La plus folle collection de têtes que des épaules eussent jamaisportées ! Des Neptunes, des patriarches, des Rembrandts,des boucs, de jeunes et de vieux vautours, des chevauxà barbe, des Raphaëls ! Quelques-unes de ces têtes semblantsortir des nuages, quelques autres d’une boîte à diable !Du Paradis terr<strong>est</strong>re au Jardin d’acclimatation !…– La maison du rabbin ? demanda Salomon.Nous précédant, mais à distance, ils nous firent signe de lessuivre.Un pan du toit de la maison du rabbin était parti au gré duvent. Nous entrâmes dans une étable : deux moutons, deux petitsenfants, cinq plus grands portant déjà des papillotes, unefemme-squelette, un oiseau noir, sans cage, grelottant sur ledossier d’une chaise.<strong>Le</strong> rabbin était absent, parti pour la Roumanie… mendier !La misère de ces nids <strong>est</strong> telle que, pour mendier, les affamésdoivent aller à cent kilomètres. Sur place, on ne mendie pas :tout le monde serait mendiant. Personne n’a un liard de plusque son voisin, lequel n’a rien. C’<strong>est</strong> la misère égalitaire. Ilsvivent d’elle <strong>com</strong>me d’un héritage anc<strong>est</strong>ral, l’âme sans remords,l’esprit tranquille. La succession ne leur sera pascont<strong>est</strong>ée. <strong>Le</strong> t<strong>est</strong>ament d’Israël <strong>est</strong> légal !Là femme, pendue au manteau de Ben, gémissait enyiddisch.– Que dit-elle ?– Elle dit qu’elle a le mal de faim.Elle nous montra des fruits maigres, en décortiqua un : pourun quart de chair, trois quarts de noyau. Plus de maïs dans lepays. Si le rabbin ne rentrait pas demain, pas de pain blancpour le sabbat. Vingt degrés de froid dans l’étable. <strong>Le</strong>s enfantsen bas âge vêtus seulement d’une chemise. L’oiseau, lui, avaitau moins des plumes ! <strong>Le</strong>s deux plus grands étaient groupésnon autour d’un poêle : autour d’un livre. <strong>Le</strong>s plaintes de lamère ne les arrachaient pas à leur lecture. Pour moins48
grelotter de froid, ils grelottaient de piété sur le Talmud. Sousun coup de doigt, l’un d’eux releva sa tête bouclée. Tandis queses yeux me regardaient, ses lèvres mâchaient toujours lessaintes paroles. Dédaignait mon apparition, il repiqua du nezdans son hébreu. Un vieillard ; debout devant la fenêtre, psalmodiaitdans un autre Talmud. <strong>Le</strong> froid, la faim, la lumière quis’éteint, l’invasion de trois étrangers, rien ne trouble un <strong>Juif</strong> encontact avec Dieu. <strong>Le</strong>s supplications humaines de la femme seheurtaient aux voix extra-terr<strong>est</strong>res des enfants et du vieillard.On entra dans une vingtaine de ces cabanes. Partout des enfantsen chemise, des lecteurs de Talmud, des femmes enlarmes, des barbes inspirées et de ces fruits sauvages n’ayantque la peau sur l’os. Et l’odeur ? Une odeur de cadavre moisi,macéré dans un jus d’oignon. Et l’atmosphère ? Aucune de cesbaraques n’a de cheminée. C’<strong>est</strong> le système des isbas russes.La fumée du four se répand dans le réduit, les yeux vouspiquent, la gorge <strong>est</strong> irritée. Quelle famine ! Et j’ai trouvé pourquoiles lévites de ces <strong>Juif</strong>s sont ainsi délavées, c’<strong>est</strong> parcequ’ils doivent les faire bouillir dans leur pot au feu les jours degrand’faim !Pas de mobilier ! Trois planches de bois font un lit, le mur del’isba constitue le quatrième côté. Comme plancher, la boue.L’une de nos visites fut plus tragique que les autres. Lafemme était sur le grabat, quatre enfants couchés autourd’elle. <strong>Le</strong> <strong>Juif</strong>, en nous voyant entrer, eut un g<strong>est</strong>e de bénédiction,il me prit pour le médecin, un médecin venant d’Hust oumême du ciel.– Il veut, me dit Ben, que vous sauviez sa femme qui vamourir.En effet, elle avait l’air de la mort. Comme je ne bougeaispas, le <strong>Juif</strong> me tira par la manche pour me conduire au grabat.– Faites semblant, dit Ben, ce sera charitable.Je n’avais jamais imaginé une pareille couche. Enfants et maladepourrissaient sur ce fumier. Je me mis à rêver, amèrement,et mes yeux parcoururent la niche : deux clous plantéssur une table représentaient le gagne-pain de cette famille. <strong>Le</strong>père était relieur de Talmud. C’était là son atelier. Dans lesbons mois, il gagnait quinze couronnes, douze francs ! Deuxautres enfants, tassés dans un angle et que nous n’avions pas49
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L’immeuble retentissait de la pr
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chandelier rituel qui n’est pas s
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statue. Tout homme qui a perdu un s
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ma gloire ! » sans risquer sur-le-
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Le nez dans la Thora, les hommes se
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J’en ai fini avec la douane. Le s
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son cheval, avant de le chevaucher
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Ils tuent. Ils chantent.Deux Anglai
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Je les connaissais tous. Tous étai
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Les neuf autres approuvent par des
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L’ouvrier juif travaille huit heu
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Sibérie, la Mandchourie, la Chine
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maison. En 1921, lors des premiers
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Chapitre 27JUIF ERRANT ES-TU ARRIV
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