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Numéro 52 - Le libraire

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LE LIBRAIRE • AVRIL - MAI 2009 • 38Nicole Saint-Jean, de Guy Saint-Jean Éditeur, et GildaRouty, directrice commerciale de Bayard Canada,trouvent que les Français sont moins chauvinsqu’auparavant. « Si un livre québécois ne se vendpas en France, ce n’est pas à cause de leur manqued’intérêt, mais souvent par manque de moyens deséditeurs québécois », avance Nicole Saint-Jean.Mélanie Vincelette, directrice du Marchand defeuilles, est moins optimiste. « La littérature québécoisereste inconnue en France, où l’on tarde àreconnaître les écrivains de la périphérie, croit-elle,au contraire desBritanniques, qui ont© Dominique LafondFlorence Noyer, Héliotropedepuis longtempstourné leur attentionvers les écrivainsdu Commonwealth etde leurs anciennescolonies. <strong>Le</strong>s Françaisont du mal à célébrerla littérature qui n’estpas produite dans le7 e arrondissement deParis », ironise-t-elle.Antoine Tanguay, deséditions Alto, s’inquiètepour sa part du peu d’attention qu’on porteà des passerelles comme le prix France-Québec.« Christine Eddie vient de remporter ce prix pour<strong>Le</strong>s carnets de Douglas, mais personne ou presque,ici, n’en a parlé », regrette l’éditeur.Hors dessentiers battusL’espoir d’une améliorationde nos relations avec laFrance se situe peut-être ducôté des petites maisons d’édition,florissantes au Québec.Ces dernières valorisent denouvelles approches du marchéet évitent certains écueils deséchanges à grande échelle. Et plutôt que de brandirle drapeau national, les éditeurs de la relève construisentleurs catalogues sur la qualité des auteurs.« <strong>Le</strong>s éditeurs de la relève n’ont pas le même pointde vue que l’ancienne génération, qui s’est battuepour s’introduire dans le marché français, juge AntoineTanguay. On ne doit pas souffrir du lieu d’oùon vient ». Éric de Larochellière est également d’accordavec cette idée. Sa maison d’édition, <strong>Le</strong> Quartanier,publie des auteurs québécois et français et afait sa place dans le milieu du livre expérimentalfrançais, grâce à son travail acharné sur le terrain.« Il va bientôt y avoir un changement de garde enFrance, car les éditeurs vieillissent », mentionne LucRoberge. La nouvelle génération est en effetnaturellement ouverte à plus d’échanges, comme lecroit Florence Noyer, des éditions Héliotrope.« À l’ère de l’Internet, dit-elle, il faut que les textescirculent, que la littérature voyage. » BrigitteBouchard a compris cela en 2001 en fondant <strong>Le</strong>sAllusifs, dont le catalogue est essentiellementconstitué d’auteurs étrangers. Il s’agit là d’une réussiteexceptionnelle pour un éditeurquébécois en France,une réussite qui a permis àdes auteurs comme SylvainTrudel et Pan Bouyoucas dese faire connaître. Cesderniers demeurent d’ailleursles meilleures vendeurs dela maison, nous apprendl’éditrice.« <strong>Le</strong> succès à l’étranger passepar la sensibilité littéraire dedeux personnes, la rencontre dedeux subjectivités. »Pascal AssathianyAntoine Tanguay, AltoFlorence Noyer privilégie aussil’ouverture sur le monde. <strong>Le</strong> cielde Bay City de CatherineMavrikakis a été acheté parSabine Wespieser, une petitemaison d’édition française qui a vendu à Héliotrope Surle sable, de Michèle <strong>Le</strong>sbre: les deux éditrices établissentdes passerelles. Florence Noyer juge que le rapportentre la France et le Québec était beaucoup plusdéséquilibré auparavant. Aujourd’hui,les éditeurs indépendantsdéfendent un mêmeidéal de qualité et croientqu’une nouvelle ère d’échangesentre la France et leQuébec va peut-être s’ouvrir.« Nous visons de vraispartena riats intellectuels,éditoriaux et commerciauxà long terme », se réjouitelle.À son avis, l’époque oùil fallait défendre la littératurenationale a fait son temps. Aujourd’hui, il faut donnerune vraie voix à la littérature contemporaine etdéfendre des textes.Louis-Frédéric Gaudet, de Lux Éditeur, qui se spécialisedans les textes politiques de gauche, défendaussi les échanges bilatéraux: « Plutôt que d’envi -sager la collaboration uniquement en termes© Idra Labrie©DRMichel Lafon,Éditions Michel Lafond’exportation, nousreprenons des projets,nous rachetonsdes livres français. »Lux a ainsi fait des acquisitionstrès intéressantesauprès degrands éditeurs, dontun texte de NoamChomsky. Antoine Tanguay défend aussi le Québecen tant qu’acheteur: la moitié du catalogue d’Altoest constitué de fictions de langue anglaise, choisiespour leur qualité puis traduites en français. L’éditeura publié Une brève histoire du tracteur en Ukrainede Marina <strong>Le</strong>wycka, dont il a vendu les droits auxÉditions des Deux Terres, ainsi que cinq romans dela Canadienne anglaise Margaret Laurence,acquis par l’éditrice française Joëlle Losfeld.Selon lui, les livres les plus vendeurs enFrance possèdent un caractère internationalcomme <strong>Le</strong>s carnets de Douglas de ChristineEddie, acquis par Héloïse d’Ormesson qui,après avoir roulé sa bosse chez Flammarionet Denoël, a ouvert sa propre maisond’édition en 2004. Son catalogue est à moitiéétranger et à moitié français. « Je publiedes coups de cœur. J’ai un réel plaisir à nouerdes liens avec des confrères. Ça fonctionnegrâce aux démarches individuelles »,précise-t-elle.Optimiste, Antoine Tanguay reconnait que lesrelations entre éditeurs s’humanisent et que« chaque livre doit faire son petit bonhomme dechemin ». Il y a dans cette philosophie un réalismeet une humilité qui sont peut-être les composantesnécessaires d’une saine relation avec la France.Plutôt que de vouloir conquérir le marché du livrefrançais en héros, les petits éditeurs défrichent àl’échelle humaine, avec l’espoir de se tailler uneplace honnête dans la durée. « Il ne faut pas fantasmerla France comme un marché sans menta lité etsans goût, croit Éric deLarochellière, mais plutôtétablir un dialogue basésur les connivences intellectuelles.»©DRAlain Carrière,Éditions Anne Carrière

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