Spores de Tilletia caries sur grain bouté.● Mode de propagationUn grain carié peut contenir jusqu’àneuf millions de spores. Au battage,les grains des épis cariés libèrent cesspores qui viennent contaminer lesgrains des épis sains et le sol qui asupporté cette récolte cariée. Si lacontamination des grains sains dépasse6 000 à 8 000 spores, les grainsprennent une teinte noirâtre au niveaude la brosse et <strong>du</strong> sillon. Ce sontdes grains boutés qui peuvent porterplusieurs centaines de milliers despores.Les spores peuvent être aussi disséminéespar le vent sur plusieursTaux d'épis cariésà la récolte N+1 (%)80604020061,8 %1%épis cariés66,8 %2.5 %épis cariésARVALIS-Institut <strong>du</strong> Végétalcentaines de mètres, et être ainsi àl’origine de la pollution des parcellesvoisines. Les moissonneusesbatteusesparticipent aussi à la disséminationdes spores, ainsi quetoute surface ayant été en contactavec des grains cariés (sacs, cellulesde stockage, etc.).La contamination portée par les semencesconstitue la voie la plusdirecte, à l'origine des infestationsles plus massives. En effet ce transportlocalise les spores au contact <strong>du</strong>coléoptile lors de son émergence àla surface <strong>du</strong> sol. A noter que les sporesà la surface de la semence ysurvivront plus longtemps que la semenceelle-même ; des étudesanciennes montrent qu'au sec dansles greniers T. caries peut survivredouze ans !Lorsque des spores sont présentesdans le sol, la contamination est plusFigure 2 - Incidence <strong>du</strong> nombre d'épis cariés à la récolte sur le taux decontamination l'année suivante - Blé tendre (source : ARVALIS-Institut <strong>du</strong> Végétal)Nombre de sporespar g de grain à la récolte N+1Taux initial de contamination à la récolte NA retenirLa carie commune (Tilletia caries et, en de moindres mesures, Tilletiafoetida) est actuellement en recrudescence en France, particulièrementen agriculture biologique. La contamination, par la semence oupar le sol, a lieu lors des semis d’automne, avant le stade 2 feuilles.La levée rapide de la culture, des semis précoces et superficiels,aideront à limiter l’infestation.72,3 %5 %épis cariés76,5 %10 %épis cariés20 000 00015 000 00010 000 0005 000 0000difficile – mais le risque est réel –, lescontacts étant moins importantsentre spores et semences (donc entrespores après germination et coléoptiles).Des études récentes montrentque les spores peuvent se conserverdans le sol pendant au moins cinqans pour T. caries. Elles germent à lafaveur d’épisodes climatiques humides,en fonction des températuresrespectives de chaque espèce ; lestock de spores s’épuise alors progressivement.Les étés secsconserveraient ainsi un plus grandnombre de spores prêtes à provoquerdes contaminations enautomne. A noter que les sols tassésgênent la germination de T.caries carl'oxygène est nécessaire.● Un très grand pouvoir de contaminationLa carie se caractérise par son très fortpouvoir de propagation ; c’est d’ailleursce qui la rend particulièrementinquiétante en agriculture biologique: son expansion peut être trèslarge si aucune précaution n’est prise.Une expérimentation réalisée parARVALIS-Institut <strong>du</strong> Végétal lors de lacampagne 2002/2003 a permis de lamettre en évidence, à partir <strong>du</strong> pourcentaged’épis cariés dans uneparcelle l’année N, le risque courupar l’agriculteur en l’absence de traitementde semence, l’année suivanteN+1 (figure 2). Un très faible taux decontamination initial, par exemple1% d’épis cariés, peut se tra<strong>du</strong>ire l’annéesuivante (après utilisation de larécolte comme semences) par un niveaud’attaque se situant à 61,8%d’épis ! L’expérimentation est à relativisersuivant les conditions deculture et la virulence de la race decarie concernée, mais elle exprimele fort potentiel de contaminationde la maladie.4 <strong>CAHIER</strong> <strong>TECHNIQUE</strong> - <strong>Carie</strong> <strong>du</strong> Blé
Epi carié.LES CONSEQUENCESDE LA PRESENCE DE CARIECOMMUNELa carie commune peut avoir de lourdesincidences sur la quantité etsurtout la qualité de la récolte, surl’état sanitaire des parcelles de l’exploitationet même sur leurenvironnement. Plus le taux decontamination sera élevé, plus lesconséquences seront fortes.D’un point de vue quantitatif, le rendementtotal d’une parcelle peut êtreplus ou moins pénalisé, en lien avecle taux de grains cariés (ils s’écrasentau battage).En termes de qualité, très peu d’épiscariés (on parle de 0,1%) peuventsuffire à dégager une odeur de poissonpourri (odeur <strong>du</strong>e à la présencede triméthylamine) qui rend le grainimpropre à la commercialisation. Lesspores ne sont a priori pas toxiques,mais l’odeur se transmettant à la farine,il est clair que la meunerie refuseles lots. Côté alimentation animale,les lots malodorants sont refusés,outre des raisons sanitaires évidentes,par peur de baisse de l’appétence.Attention, l’absence d’odeur ne signifiepas l’absence de spores ; si laprésence de carie est avérée, les lotssont refusés pour raisons sanitaireset pour limiter la propagation de lamaladie.Chambre d’Agriculture de Seine-et-MarneEn pro<strong>du</strong>ction de semences, la présencede carie est évidemmentrédhibitoire, quel que soit le taux decontamination. La filière, consciente<strong>du</strong> problème, a décidé de proposer unemodification <strong>du</strong> règlement techniquerelatif à la pro<strong>du</strong>ction, au contrôle et àla certification des semences pour que,dès la récolte 2007, une norme sanitairestricte (zéro présence de spore decarie) soit mise en œuvre pour les lotsdestinés à être commercialisés non traités.Il s’agit de garantir que les lots desemences certifiées sont indemnes decarie.A retenirLa contamination d’un lot à larécolte le rend impropre à lacommercialisation et à l’utilisationen semences. La parcellerécoltée (potentiellement lesparcelles voisines) et le matérielutilisé réclament la plus grandevigilance car ils sont très certainementcontaminés.COMMENT DÉTECTER LAPRÉSENCE DE CARIE ?● Les signes de reconnaissanceUn œil avisé pourra détecter la présencedes épis cariés dans un champau moment <strong>du</strong> remplissage <strong>du</strong> grainpar la couleur vert foncé des glumeset glumelles, ainsi que par l’aspect«ébouriffé» caractéristique des épistouchés (les épillets s’écartent <strong>du</strong>rachis).Mais c’est le plus souvent au moment<strong>du</strong> battage que l’on détecte la carie :seul le contenu <strong>du</strong> grain est transforméen une masse poudreuse noirâtre etmalodorante, les spores <strong>du</strong> champignon; les grains cariés (de couleurdifférente, plus ronds, avec une ébauchede sillon sur leur face dorsale,appelés également balles sporifères)sont fragiles et éclatent facilementsous pression, notamment à la récolte.Un nuage noir au battage est caractéristiquede blés fortement cariés.Autre signe de reconnaissance à la récolte: l’odeur de poisson pourridégagée par les spores. Attention cependant,les observations sur le terrainmontre que celle-ci n’est pas systématique(liée à la variabilité des espèceset des races physiologiques de caries),notamment en cas de contaminationmodérée. Dans ce cas, malgré l’absenced’odeur, les risques decontamination pour les campagnessuivantes sont présents et très importants,soit par utilisation des grains ensemence fermière, soit par le sol.Au moindre doute, la recherche degrains cariés est donc préconisée.Une première approche peut être réaliséeà la ferme par la « méthode <strong>du</strong>seau » (voir encadré). Mais seule unerecherche de spores en laboratoire,peu onéreuse, apportera des certitudessur le niveau de contamination,et donc sur les mesures à prendre enconséquence.● Méthode de détection de lacarie en laboratoireLa détection de la carie sur céréalesest effectuée soit par filtration et récupérationdes spores par lavage <strong>du</strong>filtre, soit par prélèvements de l’eaude lavage des semences ; l’analyse estréalisée sur 50 grammes de semences(environ 1000 grains). Dans les deuxcas, les semences sont agitées dans del’eau additionnée d’un mouillant pourmettre les spores en suspension.L’observation au microscope permetensuite d’identifier l’espèce de carieTest simple pour estimer la présence de grains cariés dans un lotMettre 5 kg de céréales dans un seau rempli d’eau. Brasser et récupérer les grains qui surnagent.Répéter ce brassage jusqu’à ce qu’aucun grain ne remonte à la surface. Observerensuite un par un les grains surnageant récupérés et déterminer s’ils sont cariés ou non(grains bombés remplis de poussière noire).Attention, cette technique permet de détecter des grains cariés, mais pas une contaminationexogène (rési<strong>du</strong>s de spores issus d’un silo mal nettoyé, de la moissonneuse batteuse, etc.).Ce test peut suffire en cas de pro<strong>du</strong>ction de céréales de consommation. En cas de pro<strong>du</strong>ctionde semences, une analyse complémentaire en laboratoire est indispensable.<strong>CAHIER</strong> <strong>TECHNIQUE</strong> - <strong>Carie</strong> <strong>du</strong> Blé5