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Anne-Christine Habbard « De l'illégitimité de la frontière ou ... - Ipam

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traduit par une juridiction – un p<strong>ou</strong>voir d’organisation, <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion, <strong>de</strong> juridicisation et <strong>de</strong>pacification d’un espace limité. D’ailleurs, en droit international, un Etat ne se conçoit passans territoire 19 . Et cette juridiction, même si on tente <strong>de</strong> <strong>la</strong> détacher du concept <strong>de</strong> propriétéprivée (et l’Etat n’est jamais conceptualisé comme un propriétaire <strong>de</strong> son territoire sur lemodèle du propriétaire privé possédant son champ <strong>ou</strong> son terrain), y <strong>de</strong>meure finalementfondamentalement attachée.Il y a là trois étapes au raisonnement p<strong>ou</strong>r comprendre cette confusion entre s<strong>ou</strong>veraineté etpropriété :- Une nécessaire personnification <strong>de</strong> l’Etat, rendue indispensable par <strong>la</strong> théoriecontractualiste.- <strong>De</strong> ce fait, une nécessité <strong>de</strong> substantialiser et extérioriser <strong>la</strong> s<strong>ou</strong>veraineté politique, t<strong>ou</strong>tcomme <strong>la</strong> liberté individuelle appelle sa réalisation et son déploiement dansl’extériorité.- Or <strong>la</strong> propriété privée du sol est le seul droit qui – du moins à l’époque <strong>de</strong> <strong>la</strong>théorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> s<strong>ou</strong>veraineté – concentre t<strong>ou</strong>tes les caractéristiques <strong>de</strong> <strong>la</strong>s<strong>ou</strong>veraineté-liberté <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne morale.D’où <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> continuer à doter l’Etat du droit <strong>de</strong> propriété, et partant, l’impossibilité <strong>de</strong>le concevoir sans ce territoire.a) Une transposition <strong>de</strong>s attributs métaphysiques <strong>de</strong> l’individu à l’Etat, et l’indispensableintersubjectivitéLa mo<strong>de</strong>rnité conceptualise en effet l’Etat, entité libre en tant qu’héritière <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong>ses membres, sur le modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne, dont il gar<strong>de</strong> les qualités essentielles –s<strong>ou</strong>veraineté, liberté, indépendance, capacité d’action. On connaît les conséquences <strong>de</strong> cegeste philosophique en droit international : <strong>la</strong> scène internationale est une pluralité <strong>de</strong>personnes libres et égales, et l’équivalent <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne <strong>de</strong>vient les « droitsfondamentaux » <strong>de</strong>s Etats, dont les trois principaux sont le droit <strong>de</strong> conservation (droit à <strong>la</strong> vieet à l'existence), le droit d'indépendance (c'est-à-dire <strong>de</strong> « vie privée », ce qui implique leprincipe <strong>de</strong> non intervention dans les affaires intérieures), et le droit à l'égalité. N<strong>ou</strong>s nedévelopperons pas cet aspect, déjà <strong>la</strong>rgement étudié, <strong>de</strong> <strong>la</strong> personnification <strong>de</strong> l’Etat. Il<strong>de</strong>meure qu’un véritable isomorphisme entre individu et Etat s’est créé.Or <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité pense l’individu comme ne p<strong>ou</strong>vant s’humaniser seul : l’humanité passepar l’intersubjectivité, autrui m’obligeant (éthiquement <strong>ou</strong> politiquement, peu importe ici) à<strong>de</strong>venir moi-même.Ce rapport entre libertés est une prémisse même du droit : comme le montre Kant 20 , ledroit est <strong>la</strong> réalisation extérieure <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté, en tant qu’institutionnalisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> coexistenceextérieure <strong>de</strong>s libertés s<strong>ou</strong>s une légis<strong>la</strong>tion universelle. En d’autres termes, je dois, p<strong>ou</strong>r êtrelibre, épr<strong>ou</strong>ver <strong>la</strong> résistance extérieure <strong>de</strong> l’autre qui vient limiter mon espace <strong>de</strong> déploiement.Il n’y a donc <strong>de</strong> réalisation extérieure <strong>de</strong> ma liberté que lorsqu’il en est d’autres p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> limiter– et il en va <strong>de</strong> même en droit international. Même si le thème du Robinson a été très envogue au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s théories contractualistes (et ce n’est d’ailleurs guèreétonnant, justement), il <strong>de</strong>meure que l’idée fondamentale est qu’il n’y a <strong>de</strong> réalisationauthentique <strong>de</strong> soi que dans le rapport à autrui, et un rapport qui implique, intrinsèquement,une borne à mon espace. Il n’y a pas <strong>de</strong> liberté sans espace, sans extériorité, et l’espace ne19 Droit international Public, Daillier, Pellet, LGDJ, § 268.20 Doctrine du Droit.14

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