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Anne-Christine Habbard « De l'illégitimité de la frontière ou ... - Ipam

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progressive <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions politiques, qui se détachent progressivement <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>teassignation naturelle (communauté ethnique, raciale, familiale, etc) p<strong>ou</strong>r êtrecomprises comme <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> droit et <strong>de</strong> liberté – et <strong>la</strong> frontière, qui reste le<strong>de</strong>rniere refuge <strong>de</strong> <strong>la</strong> naturalité face à une conception normative du politique.- Ensuite, je v<strong>ou</strong>drais montrer que <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> frontière est t<strong>ou</strong>t simplementcontradictoire avec le projet même <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité politique, dont <strong>la</strong> viséefondamentale, le « noyau dur », est, je pense, le cosmopolitisme juridico-politiquecomme idée régu<strong>la</strong>trice, plus qu’une é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> l’Etat-nation. Ce n’est donc passeulement que <strong>la</strong> frontière nationale est « irrationnelle » - elle est oxymorique, rien <strong>de</strong>moins. L’idée même <strong>de</strong> contrat social le montre : car n<strong>ou</strong>s pensons <strong>la</strong> communautépolitique comme résultat d’un accord <strong>de</strong> volontés libres (plutôt que d’une nécessiténaturelle <strong>ou</strong> d’un ordonnancement divin) – certes, mais alors p<strong>ou</strong>rquoi pas un contratsocial mondial ? P<strong>ou</strong>rquoi, lorsque n<strong>ou</strong>s décidons <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong> nature à l’étatcivil, ne n<strong>ou</strong>s associons-n<strong>ou</strong>s pas avec t<strong>ou</strong>s les hommes, plutôt qu’avec un nombrelimité d’entre eux ? Un Etat, p<strong>ou</strong>rquoi pas, mais p<strong>ou</strong>rquoi <strong>de</strong>s Etats ? Le conceptmême <strong>de</strong> contrat social, qui est normatif, est intrinsèquement cosmopolite : ce qui estpensé n’est pas l’Etat-nation, mais une structure politique qui permette à l’individu <strong>de</strong>vivre libre et <strong>de</strong> réaliser ses fins seul <strong>ou</strong> en communauté ; en ce sens, il tend à fairedisparaître finalité interne et externe <strong>de</strong> <strong>la</strong> collectivité politique. Or cette intentionphilosophique a été, en fin <strong>de</strong> compte, obscurcie et dénaturée.- Enfin, je tenterai <strong>de</strong> montrer que cette contradiction entre l’é<strong>la</strong>n principiel <strong>de</strong> <strong>la</strong>mo<strong>de</strong>rnité et son déploiement philosophique concret relève d’un problèmemétaphysique, et non simplement historique, politique, culturel <strong>ou</strong> géographique – etce, du fait d’une confusion entre s<strong>ou</strong>veraineté et propriété : quand bien même t<strong>ou</strong>s lesauteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité essaient <strong>de</strong> distinguer les <strong>de</strong>ux, <strong>la</strong> s<strong>ou</strong>veraineté, à leurs yeux,nécessite finalement t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs une juridiction sur un territoire limité, c'est-à-dire, etn<strong>ou</strong>s le verrons, une forme <strong>de</strong> propriété qui, quoi qu’ils disent, revient t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs, d’unefaçon <strong>ou</strong> d’une autre, à une propriété privée. En quelque sorte, en ontologisant <strong>la</strong>nation, <strong>la</strong> frontière est <strong>de</strong>venue le <strong>de</strong>rnier lieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> métaphysique, son <strong>de</strong>rnier avatar,son ultime asile. Sa <strong>de</strong>rnière frontière ?Il convient <strong>de</strong> s<strong>ou</strong>ligner que le cosmopolitisme juridico-politique que je défends ne visepas à répéter à un niveau supérieur le modèle d’Etat dont n<strong>ou</strong>s disposons, mais <strong>de</strong> partir <strong>de</strong>principes <strong>de</strong> justice qui p<strong>ou</strong>rraient valoir internationalement p<strong>ou</strong>r ensuite, dans un secondtemps, tr<strong>ou</strong>ver les institutions et les structures juridico-politiques adéquates. C’est dire aussique j’adopte délibérément ici une perspective normative et constructiviste du droit et dupolitique ; je pose donc également comme prémisse l’idée rawlsienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> priorité du justesur le bien.21. P<strong>ou</strong>rquoi une institution juridico-politique cosmopolitique ?Je passerai rapi<strong>de</strong>ment sur cette partie, car les arguments sont déjà connus :a) L’idée même <strong>de</strong> contrat social suppose le cosmopolitisme – si <strong>la</strong> communautépolitique est le résultat d’un accord volontaire entre individus libres et égalementd<strong>ou</strong>és <strong>de</strong> raison ; si elle vise à respecter leur droits et libertés ; si donc l’entitéjuridique élémentaire est l’individu et non le peuple, <strong>la</strong> tribu, <strong>la</strong> famille <strong>ou</strong> <strong>la</strong>collectivité, il semble que, très naturellement, n<strong>ou</strong>s pensions à une institution

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