Anne-Christine Habbard « De l'illégitimité de la frontière ou ... - Ipam
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superposées et rec<strong>ou</strong>pées, plutôt que juxtaposées 6 . En d'autres termes, <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong>l’Etat mondial <strong>de</strong>spotique est déjà battue en brêche par l’évolution actuelle <strong>de</strong>sre<strong>la</strong>tions internationales : le dépérissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> s<strong>ou</strong>veraineté étatique ne se traduitpas factuellement par <strong>la</strong> concentration du p<strong>ou</strong>voir en un unique centre exécutifrégnant sur <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong> l’humanité, mais au contraire par <strong>la</strong> démultiplication <strong>de</strong>scentres <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>voir (certes, p<strong>ou</strong>r l’heure agissant trop s<strong>ou</strong>vent en impunité et hors <strong>de</strong>t<strong>ou</strong>t cadre <strong>de</strong> responsabilité), mais qui inventent <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>velles re<strong>la</strong>tions politiques et<strong>de</strong> n<strong>ou</strong>veaux modèles <strong>de</strong> citoyenneté.- Par ailleurs, il importe <strong>de</strong> s<strong>ou</strong>ligner <strong>la</strong> contradiction chez nombre <strong>de</strong> théoriciensopposés à l’Etat mondial au nom <strong>de</strong> son <strong>de</strong>spotisme : car ce sont les mêmes quipensent les contre-p<strong>ou</strong>voirs comme <strong>de</strong>vant nécessairement être à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong>communauté politique (et c’est très logique), c'est-à-dire qui conceptualisent lesmoyens internes <strong>de</strong> prévenir le <strong>de</strong>spotisme – par exemple, les systèmes <strong>de</strong> contrôle<strong>de</strong> l’action g<strong>ou</strong>vernementale, les checks and ba<strong>la</strong>nces, l’indépendance <strong>de</strong>s troisp<strong>ou</strong>voirs, etc… - comme seuls possibles et seuls efficaces. Il a rarement été théoriséque <strong>la</strong> pression extérieure p<strong>ou</strong>vait être effective, <strong>ou</strong> uniquement <strong>de</strong> façon trèsmarginale – ce qui est, très malheureusment, confirmé dans les faits (<strong>la</strong> pression <strong>de</strong><strong>la</strong> communauté internationale n’étant que très rarement facteur <strong>de</strong> démocratisationd’un Etat).La contradiction s’aggrave lorsque ces mêmes théoriciens pensent les re<strong>la</strong>tionsinternationales sur le modèle hobbesien : les Etats sont censés être eux-mêmes dansun état <strong>de</strong> nature, c'est-à-dire <strong>de</strong>s « l<strong>ou</strong>ps » les uns p<strong>ou</strong>r les autres – on voit malcomment les l<strong>ou</strong>ps extérieurs vont contraindre un Etat à se démocratiser. A fortiorilorsque l’on observe que c’est précisément au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> « défense <strong>de</strong> l’intérêtnational », au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte contre un ennemi réel <strong>ou</strong> imaginé, mais t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rsprésenté comme extérieur (même – et surt<strong>ou</strong>t – dans les guerres civiles), que lespires exactions sont le plus s<strong>ou</strong>vent commises. En d'autres termes, une théoriecohérente <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie conceptualise les institutions politiques capablesd’empêcher <strong>la</strong> dérive vers le <strong>de</strong>spotisme comme étant nécessairement à« l’intérieur » <strong>de</strong> <strong>la</strong> collectivité politique, non à l’extérieur <strong>de</strong> celle-ci. Donc rienn’empêche <strong>de</strong> penser <strong>de</strong>s contre-p<strong>ou</strong>voirs efficaces à l’intérieur <strong>de</strong> cet Etat mondial,ce qui, là encore, existe déjà (ONGs, OIG multiples, etc). Là aussi, il y a besoin <strong>de</strong>créativité institutionnelle et politique – t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs est-il que l’argument du <strong>de</strong>spotismenécessaire n’en est pas un.6ii) Un Etat mondial est impossible car l’exercice <strong>de</strong> <strong>la</strong> citoyenneté suppose un certain <strong>de</strong>gréd’i<strong>de</strong>ntité collective, c'est-à-dire un fon<strong>de</strong>ment subjectif à <strong>la</strong> solidarité : être citoyen, c’estaccepter <strong>de</strong> faire certains sacrifices, notamment par le biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> taxation, p<strong>ou</strong>r permettreà d’autres <strong>de</strong> vivre bien ; une i<strong>de</strong>ntification minimale à autrui est dès lors indispensablep<strong>ou</strong>r accepter ce sacrifice. En d'autres termes, <strong>la</strong> solidarité exigée par <strong>la</strong> citoyennetépolitique se fon<strong>de</strong> sur une i<strong>de</strong>ntité collective qui ne peut exister qu’au sein d’unecommunauté restreinte et réunie géographiquement. Même lorsque l’on définit <strong>la</strong> nationpar <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté (Cf. Renan et son célèbre « plébiscite <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>s les j<strong>ou</strong>rs »), onpersiste à v<strong>ou</strong>loir circonscrire cette nation territorialement. N<strong>ou</strong>s renvoyons ici auxarguments connus <strong>de</strong>s penseurs comunautariens.Cette argumentation s<strong>ou</strong>lève <strong>de</strong> multiples problèmes :6 Cf Re-imagining political Community, Archibugi, Held, Köhler (eds.), Stanford UP, 1998, et par exemple J.Rosenau “Governance and <strong>de</strong>mocracy in a globalizing world”, pp. 28-57.