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La Marquise de Pompadour - Lecteurs.com

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– Peste !… Et cette bibliothèque… un tant soit peu amoureuse… auxvolumes reliés <strong>de</strong> précieux maroquins gaufrés d’or ?– Hélas ! j’ai trop à faire <strong>de</strong> lire au fond <strong>de</strong> mon cœur…– Diable ! diable ! Et ces bergers <strong>de</strong> mon admirable maître Watteau quifont pendant à ces vierges du sublime Raphaël ?… Et ces tentures <strong>de</strong>Chine où <strong>de</strong>s oiseaux sacrés perchés sur une patte rêvent aux bords <strong>de</strong>slacs mystérieux que couvrent <strong>de</strong>s fleurs inconnues ?… Et ces grands miroirs<strong>de</strong> Venise qui reflètent à l’infini les richesses entassées dans cet atelierpar votre goût prodigue ?…– Tout cela, maître, me <strong>de</strong>vient étranger… que dis-je ? hostile !… Toutcela me crie que je suis une pauvre créature dévoyée, jetée hors du milieuqu’elle eût chéri !… Tout cela m’emplit les yeux et me laisse l’âmevi<strong>de</strong>…– Voyons… vous êtes trop nerveuse, dit le peintre ému.– Non, non !… Je sens que je n’étais pas née pour cette existence <strong>de</strong>clinquant. Ah ! maître, mon cœur veut vivre !… Vivre !… Aimer !… Et je<strong>de</strong>vine, autour <strong>de</strong> moi, dans l’ombre <strong>de</strong> ces richesses, <strong>de</strong>s mains qui mepoussent vers <strong>de</strong> fatales <strong>de</strong>stinées… J’adore les fleurs, l’air pur, lesgrands espaces… et je sens que je vais me noyer dans un océan <strong>de</strong> bouedorée… Le soleil brille, maître… et je m’ennuie… j’ai peur… Ah ! j’aipeur <strong>de</strong> la catastrophe sournoise et lâche qui, peut-être à la minute mêmeoù je parle, s’en vient sur moi !…Jeanne cacha son visage dans ses <strong>de</strong>ux mains et <strong>de</strong>s larmes perlèrent àtravers ses doigts fuselés.Plus ému qu’il n’eût convenu à son scepticisme seigneurial, – lesgrands artistes sont grand seigneurs –, le peintre se leva et se dirigea, les<strong>de</strong>ux mains tendues, vers la jeune fille.À ce moment, la porte s’ouvrit et un valet annonça :– M. Le Normant d’Étioles !…François Boucher <strong>de</strong>meura cloué sur place.Jeanne essuya vivement ses yeux et se souleva, les yeux fixés sur laporte, soudain affreusement pâle.– <strong>La</strong> catastrophe ! murmura-t-elle.Celui que, dans le vestibule, M me Poisson avait arrêté au passage,l’homme petit, chétif et malingre, entra, le chapeau sous le bras, la maingauche appuyée sur la gar<strong>de</strong> d’une épée outrageusement enrichie <strong>de</strong>gros diamants. Il entra en souriant, et s’inclinant <strong>de</strong>vant Jeanne :– Vous m’attendiez ?… Parbleu ! Je suis impardonnable… Un mauditduel où j’ai dû servir <strong>de</strong> second à un <strong>de</strong> mes amis en fut l’unique cause…Daignez-vous agréer mes humbles excuses avec mes hommages ?…26

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