24 THÉÂTRE AVIGNON | ISTRESPerformance cyclisteEurope, Cap Nord, Arg<strong>en</strong>tine, Patagonie,Australie, Mexique puis Tasmanie,Japon, Népal, Thaïlande... Un tour dumonde consigné dans les carnets deroute de Chantal Valéra et adapté surscène par la formidable Brigitte Mounier,à <strong>en</strong> perdre les pédales ! Véritableperformance de la vie au plateau oùtout se joue à bicyclette, ce Road Movieti<strong>en</strong>t le public <strong>en</strong> haleine, le palpitantau garde à vous et les mirettes éblouies.La comédi<strong>en</strong>ne, une Petite Reine quine craint pas le vide (elle pédale la moitiédu spectacle ou reste dans les airsmiraculeusem<strong>en</strong>t harnachée à son vélo),relate la traversée de cette femme duNord qui découvre à 45 ans, après lavie de femme au foyer, celle de voyageusesolitaire. «J’ai fait mon devoirjusqu’au bout, maint<strong>en</strong>ant j’ai le droitd’être heureuse». 120 000 kms parcourusà vélo <strong>en</strong> 15 ans, avec son lot deUne soupe de vieIl se ti<strong>en</strong>t dans l’ombre, vacille, chuchote presque etfinit par s’installer au cœur du foyer dans lequel il<strong>en</strong>tre comme par effraction, chancelant, <strong>en</strong> proie àune imm<strong>en</strong>se douleur. Jean est-il arrivé au bout de laroute comme il le souhaite ? S’installant, il vaprogressivem<strong>en</strong>t insuffler à la maîtresse des lieux, safille ainsi qu’à son fiancé, et sa mère, l’<strong>en</strong>vie der<strong>en</strong>aître, de respirer à nouveau. Et de fait c’est tout levillage qui va s’épanouir, se transformer et repr<strong>en</strong>drecouleurs, visiblem<strong>en</strong>t, au gré des saisons, tandis queJean, lui, reste prisonnier de sa relation avec safemme partie avec un autre, fantôme prés<strong>en</strong>t etmeurtrier. Dans une lumière tamisée qui tremblotecomme un feu, les personnages boug<strong>en</strong>t peu, lalangue de Giono est l’ess<strong>en</strong>tiel élém<strong>en</strong>t constitutif decette pièce lyrique et s<strong>en</strong>suelle, dont la prose ciseléea la force et l’âpreté des paysages austères du hautpays prov<strong>en</strong>çal cher à l’auteur. Mais dans une© Beatrice Logeais, Maison de la Poesie, ParisRhapsodie d’<strong>en</strong>fanceIl reste toujours quelque chose de l’<strong>en</strong>fance, paraît-il.David Lescot <strong>en</strong> témoigne, avec une désarmantesincérité, dans son spectacle La Commission c<strong>en</strong>tralede l’<strong>en</strong>fance. Un gracieux tour de chant minimaliste,sans armes ni trompettes (juste une guitare tchèquede 64), <strong>en</strong> forme d’hommage aux colos de vacances,où l’ombre portée de son <strong>en</strong>fance vi<strong>en</strong>t délicatem<strong>en</strong>tfrôler la nôtre. Créée pour les gosses de juifscommunistes après la Seconde Guerre mondiale, laCCE portait une idéologie désormais perdue, des airsde l<strong>en</strong>demains qui chant<strong>en</strong>t, des souv<strong>en</strong>irs quel’auteur, acteur, musici<strong>en</strong> égrène et pour lesquels il areçu le Molière de la révélation théâtrale <strong>en</strong> 2009.Une consécration médiatique étonnante, tantl’interprétation parait simple, nonchalante, sansjugem<strong>en</strong>t ni accusations, sans pathos ni révélationcrevaisons, d’intempéries, de coups decafard, la peur de mourir, l’épuisem<strong>en</strong>t,les moustiques… Une quête de libertépour sortir de l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t domestique,qui passe régulièrem<strong>en</strong>t par lasouffrance mais lui révèle la beauté dumonde, sa fragilité et son hostilité. «Lavraie récolte du voyage, c’est qu’<strong>en</strong>fintu compr<strong>en</strong>ds la place que tu as dans lemonde. On est vivant dans un mondevivant» annonce la nomade émancipée,qui veut aussi, grâce à sa performance,se battre contre les viol<strong>en</strong>ces faites auxfemmes et l’acharnem<strong>en</strong>t des traditionsqui «nous ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans une viequ’on n’a pas choisie». Quitte à pr<strong>en</strong>drele risque de ne plus vouloir rev<strong>en</strong>ir : «Laliberté c’est comme une prison, quandtu y as gouté tu ne peux plus <strong>en</strong> sortir.»DE.M.Road movie à bicyclettede la compagnie des Mers du Nords’est joué au Chêne Noirles 27 et 28 janvier© Regis Nardouxtapageuse. Juste un témoignage parlé-chanté, sansl’ombre d’une ost<strong>en</strong>tation, sur le délitem<strong>en</strong>t dutemps, des souv<strong>en</strong>irs qui se ramass<strong>en</strong>t à la pelle, desodyssées nocturnes dans les t<strong>en</strong>tes féminines, deshymnes communistes et des utopies d’alors. Unepetite ritournelle qui nous laisse étrangem<strong>en</strong>tnostalgique. Mais pas mélancolique.DELPHINE MICHELANGELILa Commission c<strong>en</strong>trale de l’<strong>en</strong>fances’est jouée du 19 au 21 janvierau théâtre des Halles, <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariatavec la Scène Nationale de Cavaillon© Ville de Grande-Synthescénographie qui a l’intérêt de la sobriété, le décor deJacques Mollon -grands pans de peinture noire striéeet opaque évoquant le travail de Soulages- apparaîtcomme redondant, écrasant de son poids la mise <strong>en</strong>scène dépouillée de François Rancillac, imprimant àla diction des comédi<strong>en</strong>s une lourdeur pesante parmom<strong>en</strong>t, déjà «naturellem<strong>en</strong>t» colorée d’outretombe.De cette première pièce écrite par Giono <strong>en</strong>1941 reste le bonheur d’un texte magnifique.DO.M.Le bout de la route a été joué au théâtre de l’Olivier,à Istres, le 29 janvier, et au théâtre de la Passerelle,à Gap, le 1 re février
Risquer sa vie pour la gagner«Vous m’avez émue, j’ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du mon texte différemm<strong>en</strong>t.Merci !». Voilà ce que déclar<strong>en</strong>t les auteurs, prés<strong>en</strong>tsau week-<strong>en</strong>d de lectures À l’Abordage, proposé par leThéâtre du Balcon. Sans compter les applaudissem<strong>en</strong>tsd’un public gourmand de goûter <strong>en</strong> direct lesmots d’auteurs d’aujourd’hui, lus par des comédi<strong>en</strong>squi découvr<strong>en</strong>t quasim<strong>en</strong>t le texte. D’où une émotionnon feinte et parfois contagieuse durant cette navigationthéâtrale où s’embarqu<strong>en</strong>t depuis 3 ans sur leplateau auteurs, interprètes et public. Une invitationau partage m<strong>en</strong>ée par le maître des lieux, Serge Barbuscia,qui distille à l’<strong>en</strong>vi quelques vers de son goût,© X-D.RAVIGNON | CHÂTEAU-ARNOUX THÉÂTREbouteilles à la mer <strong>en</strong> guise de bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue et de capà t<strong>en</strong>ir. Cette année, 12 comédi<strong>en</strong>s auront participéaux 5 escales, reliées par des thèmes «politiques» etcomposées par Ian Soliane, Jean-Louis Leconte,Alain-Didier Weill, Corinne Klomp et Milka Assaf.Cette dernière, cinéaste et auteure, nous emmèneau Liban avec Les Démineuses. Une histoire inspiréede faits réels dans un pays où deux millions de minesanti-personnelles continu<strong>en</strong>t de faire des morts etdes blessés. Après la r<strong>en</strong>contre de femmes démineuses,son projet était de faire un docum<strong>en</strong>taire, «maisles chaines de TV n’étai<strong>en</strong>t pas intéressées» et elleEsquisse étiqueLa Cie itali<strong>en</strong>ne 15Febbraio nous avait fait rire avecson Service de Nettoyage décalé, spectacle anti spectaculaireoù les deux comédi<strong>en</strong>s mal assortis, clownsdu quotidi<strong>en</strong>, parlai<strong>en</strong>t de leur désir de théâtre tout <strong>en</strong>faisant le ménage. Avec Still live ils part<strong>en</strong>t du mêmedécalage, se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t très près du public commedeux comédi<strong>en</strong>s ayant reçu des subv<strong>en</strong>tions pourcréer un spectacle… Cela part bi<strong>en</strong>, puis s’arrête vite,faute de carburant comique, de force ironique, depropos, de texte, d’idées. La forme prés<strong>en</strong>tée dans la25opta, judicieusem<strong>en</strong>t, pour une pièce de théâtre. Luedans sa totalité par Arlette Bach, EmmanuelleBrunschwig, Camille Caraz, Corinne Derian etMarie Pagès, la pièce a reçu le prix Claude Santelli-Association Beaumarchais SACD et le prix CNT. Unexemple de solidarité et d’émancipation, au péril dela vie, dans un pays qui démine son passé.DE.M.À l’Abordage ! s’est t<strong>en</strong>u du 21 au 23 janvierau théâtre du Balcon, Avignonpetite salle du théâtre Durance demande vraim<strong>en</strong>t àêtre étoffée ! Car tourner mine de ri<strong>en</strong> autour de problèmesexist<strong>en</strong>tiels, artistiques ou économiques peutêtre très drôle, mais pour mouliner du ri<strong>en</strong> qui tourneà vide il faut que les rouages soi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> huilés, etfonctionn<strong>en</strong>t à plein.A.F.Still live a été créé au Théâtre Durance,Château-Arnoux, les 10 et 11 février