46MUSIQUE ACTUELLECorrespondances spirituellesBlind-Testau Roll’StudioLes rigueurs de l’hiver n’altèr<strong>en</strong>t pas le côté chaleureuxdu Roll’Studio qui a accueilli le Trio T<strong>en</strong>tikcomposé de Fabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais aux saxophones, JeanMichel Troccaz à la batterie et R<strong>en</strong>aud Matchoulianà la guitare et banjo alto, pour une soirée auxmusiques très diverses et réappropriées de façoncréative, avec brio. Standards du jazz de Manu Dibangoou Dave Brubeck, mais aussi Brel ou <strong>en</strong>corele répertoire de musique traditionnelle d’Europe del’Est. Le public a même joué le jeu pour retrouvertitres et noms des compositeurs. Fabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais amontré un réel tal<strong>en</strong>t d’improvisateur <strong>en</strong> démontantles mécanismes mélodiques etharmoniques de chaque piècejouée. Avec sa formationMéandres, il a été lauréatdu Tremplin Jazz àPorquerolles <strong>en</strong> 2010.Tous nos vœux de succèsl’accompagn<strong>en</strong>t !D.W.Ce concerta eu lieu auRoll’Studiole 25 janvierwww.myspace.com/fabg<strong>en</strong>aisFabi<strong>en</strong> G<strong>en</strong>ais© Dan Warzy© Claude RiviereIls jouai<strong>en</strong>t ce programme très émouvant,issu du projet Bach-Coltrane quia fait leur succès, pour la dernière fois<strong>en</strong> concert : Michel Rossi conduit l<strong>en</strong>ouvel orgue numérique de l’église StMichel de Cassis (finis les tuyaux !),accompagné de Raphaël Imbert à laclarinette basse et aux saxophones,Jean-Luc Di Fraya aux percussions etvoix, Pierre F<strong>en</strong>ichel à la contrebasse.Pourquoi unir Bach et Coltrane, deuxmusici<strong>en</strong>s si éloignés dans le temps ?Raphaël Imbert explique les li<strong>en</strong>s, lemysticisme des deux musici<strong>en</strong>s, leurart des cad<strong>en</strong>ces si proche, leur géniecommun de l’improvisation, terreaude leurs univers respectifs. Puis illance de brillants arpèges qui interrog<strong>en</strong>tl’ess<strong>en</strong>ce même du monde. Unepartita de Bach s’orchestre à l’orgue,une rythmique de bossa se greffe, lesmondes se juxtapos<strong>en</strong>t puis se fond<strong>en</strong>t.Car c’est un choral luthéri<strong>en</strong> duXVI e qui scella la r<strong>en</strong>contre des musici<strong>en</strong>sau Conservatoire, les am<strong>en</strong>a àmêler jazz et baroque, à faire le bœufautour de la basse continue de l’orgue…Les morceaux sont développés<strong>en</strong> choral, contrepoint et inévitablem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> improvisation. QuelqueLui avec euxUn événem<strong>en</strong>t que ce programme musical, issu duCD Fr<strong>en</strong>ch Suite de Thomas Savy ! Une grande maturitétransparaît chez ce jazzman à la clarinettebasse. Deux acolytes sont avec lui pour ce concert :Fabi<strong>en</strong> Moreau, batteur au toucher fin et auxPrès de l’âmeV<strong>en</strong>ue des USA où elle vit désormais, Alexandra Grimal(saxophones) nous a offert quelques heures degrâce. Manolo Cabras (contrebasse), João Lobo (Batterie),Giavanni Di Dom<strong>en</strong>ico (piano) complèt<strong>en</strong>tson 4tet. Dès les premiers sons émis, une atmosphèreétrange <strong>en</strong>vahit la salle. Un langage hors ducommun s’articule, se développe, jamais à court d’argum<strong>en</strong>ts.On songe aux paysages brumeux du GrandMeaulnes ! Alexandra Grimal passe d’un saxo à l’autrepour maint<strong>en</strong>ir un flux musical d<strong>en</strong>se, changerla couleur, rester <strong>en</strong> alerte, <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir le mouvem<strong>en</strong>t.Durant les mom<strong>en</strong>ts de respiration la saxophonisteporte son instrum<strong>en</strong>t amoureusem<strong>en</strong>t contre soncorps, et c’est son âme que l’on voit. D.W.Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz le 5 févrierCD Seminare V<strong>en</strong>to Free Lance / CD Ghibli Label sansbruit²Thomas Savy © Dan WarzyAlexandra Grimal © Dan Warzychose de très aéri<strong>en</strong> <strong>en</strong>vahit et subjuguel’auditoire à partir de grillesharmoniques simples qui sans cesses’<strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t. La voix, le son desv<strong>en</strong>ts, la basse qui s’obstine et l’orguequi éclate nous emmèn<strong>en</strong>t aux anges,vers l’harmonie des sphères. Nouscompr<strong>en</strong>ons ainsi <strong>en</strong> quoi les ligneset les couleurs de Coltrane et de Bachse répond<strong>en</strong>t. Nouveau projet àsuivre : Mozart/Duke Ellington... le 5avril au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce !DAN WARZY ET MARYVONNE COLOMBANICe concert a eu lieu<strong>en</strong> l’Eglise Saint Michelà Cassis le 23 janvierCD : Bach-ColtraneRaphaël Imbert Project ZZT080101illustrations contrastées, et Stephane Kerecki à lacontrebasse, qui distille une grande émotion. Letrio se démarque par une expressivité singulière.Les emballem<strong>en</strong>ts se déploi<strong>en</strong>t, la t<strong>en</strong>sion monte,les sons chemin<strong>en</strong>t du très grave aux extrêmesaigus. D’un écoulem<strong>en</strong>t turbul<strong>en</strong>t on t<strong>en</strong>d versl’accalmie, <strong>en</strong> conservant toujours un très grandlyrisme. La clarinette basse est dévoreuse d’énergiemais Thomas Savy <strong>en</strong> a à rev<strong>en</strong>dre... Un concertexceptionnel !DAN WARZYCe concert a eu lieu le22 janvier au Moulinà Jazz de VitrollesCD Fr<strong>en</strong>ch Suite Thomas Savy/Scott Colley/Bill Stewart-PlusLoinMusic Harmonia-Mundi
RacinesÀ l’origine le travail d’un photographe, Thomas Heuer,fou des arbres la nuit ; ses clichés arg<strong>en</strong>tiques, auxlongs temps de pose, personnifi<strong>en</strong>t des végétauxnimbés de lune, inspirant à Santu Massiani et DominiqueColonna des poèmes concis, que le groupel’Alba ont mis <strong>en</strong> musique. Les amers de l’île sontd’abord évoqués : I fanali (les sémaphores), chantsobrem<strong>en</strong>t accompagné à la cetera, (le cistre), instrum<strong>en</strong>ttraditionnel. Suiv<strong>en</strong>t les acc<strong>en</strong>ts tziganesd’un violon qui, avant le très dépouillé Di l’Alba,aux mélismes teintés d’Ori<strong>en</strong>t, dans lequel le timbrede la guitare, arpégée dans un style arabo-andalou,semble celui d’une viole d’amour. Retour au cantusacru, avec un Libera me chanté à cinq qui permetd’apprécier a cappella les voix d’une rare qualitéd’un jeune groupe qui ne craint pas de s’ouvrir à desinflu<strong>en</strong>ces diverses : ainsi, dans le chant A Mane Aresu(Matin rasant), la voix haut perchée du chanteur,comme dans le flam<strong>en</strong>co, s’appuie sur une bassebourdoncontinu et un violon aux acc<strong>en</strong>ts hispaniques.Batelli (Navires) s’achève sur une mélopée lancinante,répétée à l’infini, qui semble vouloir emporterles spectateurs dans son sillage… ce qui d’ailleursadvi<strong>en</strong>dra avec le superbe Sta Mane dont la voixsolo, calée sur la rythmique du Kyrie des polyphonistes,conduit à l’apothéose !JEAN-MATHIEU COLOMBANIAtemporelRapprocher dans un même concert Monteverdi etPiazzolla peut sembler étrange. Plus de trois sièclesles sépar<strong>en</strong>t ! Mais le baroque ti<strong>en</strong>t une place privilégiéeparmi les sources savantes du tango, et cesdeux compositeurs ont connu des cheminem<strong>en</strong>tsparallèles <strong>en</strong> r<strong>en</strong>ouvelant profondém<strong>en</strong>t le g<strong>en</strong>remusical dans lequel ils évoluai<strong>en</strong>t.La salle comble du théâtre de Dracénie s’emplitd’une voix nue. Ess<strong>en</strong>ce du tango, le phrasé à peinevoilé de Diego Flores tisse <strong>en</strong>tre le quotidi<strong>en</strong> etl’art d’intimes résonances. Les instrum<strong>en</strong>ts traditionnelsdu tango esquiss<strong>en</strong>t leur première cad<strong>en</strong>ce,pulsations l<strong>en</strong>tes où le corps des danseurs rêve,hersant l’espace scénique de ces pas codifiés paradoxalem<strong>en</strong>tporteurs d’une étonnante liberté. Aubaryton répond le superbe soprano de MarianaFlores. Un son ample, colonne nuancée, qui se jouedes clichés avec humour : ironie des mélismes, etConcert donné le 21 janvier à V<strong>en</strong>tabr<strong>en</strong>CD : Radiche Suprane L’AlbaMonteverdi Piazzolla © Ambronay B. Pich<strong>en</strong>eMUSIQUE47de l’emphase de certaines notes t<strong>en</strong>ues, mais aussit<strong>en</strong>sion subtile des émotions. Monde d’échos, lesmusiques se salu<strong>en</strong>t, se contamin<strong>en</strong>t, les instrum<strong>en</strong>tsgliss<strong>en</strong>t de l’une à l’autre, téorbe ou guitareélectrique pour cet air baroque, piano ou orguepour ce tango ? Merveilleuse dynamique où lesvolutes du baroque s’<strong>en</strong>lac<strong>en</strong>t aux pulsations dutango : même lorsque la voix raconte, simplem<strong>en</strong>t,se press<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t déjà les accords futurs… Lesépoques se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> des instants susp<strong>en</strong>dusd’éternité.M.C.Monteverdi/Piazzolla Angel & Demonios’est donné le 11 février à Draguignan© X-D.RLe livre de Thomas Heuer est publié aux EditionsAlain Piazzola à AjaccioTraditionnel d’iciAubagne, terre de Pagnol et des crèches, accueillaitgaloubets, tambourins, la chorale l’Escolo de laRibo et l’incontournable André Gabriel, mestretambourinaire. L’Escandihado, un groupe jovialaux costumes prov<strong>en</strong>çaux, proposait une march<strong>en</strong>apoléoni<strong>en</strong>ne, des Noëls de Saboly, et la Chorale<strong>en</strong>tonnait chants issus de la Pastorale Maurel, sansoublier la célébrissime Mazurka souto li pin, avecun effectif manquant hélas de voix d’hommes.Gabriel et ses deux jeunes compères survolai<strong>en</strong>t lesdifficultés d’un Air à variations de Pascal Arnaud,et un m<strong>en</strong>uet <strong>en</strong>diablé, de 1800. LesTambourinaires du Pays d’Aubagne interprétai<strong>en</strong>tdanses de salon, rigaudons, cotillons du Roy auxsonorités puissantes, rythmées par des tambourinsaux rythmes réguliers. Et le concert se clôturaitavec la Coupo Santo de Frédéric Mistral, coupe quela Catalogne offrit à la Prov<strong>en</strong>ce, sœur de langue.Des choristes, dont certains ont quatre-vingt ans,habit<strong>en</strong>t ces chants et ces jolies mélodies, dirigéspar Jean Martin, patriarche <strong>en</strong>thousiaste. Desfragilités vocales bi<strong>en</strong> sûr, mais une musique qui ala Prov<strong>en</strong>ce comme capitale : pourquoi seules lesmusiques traditionnelles d’ici serai<strong>en</strong>t-ellesregardées comme ringardes ?YVES BERGÉ© Yves Bergé