Nouvelle Revue d’Onomastique n° 49-50 – 2008Nous ferons quelques remarques qui nous ont été suggérées par notre lecture. T. I, p. 71,Aure : pour GUELLIOT, le nom du village vient du ruisseau qui l’arrose, l’Alin, hypothèseconfirmée par Paul LEBEL qui analyse Alin comme le cas régime d’un « ancien *ala qui flue àAure, *Alara, puis Alra » 50 . Le cas régime d’Ala pourrait être représenté dans le Soissonnais par lenom du ruisseau d’Allan (Rû d’Allain, 1567, selon Jean-<strong>Clau<strong>de</strong></strong> MALSY 51 ) qui prend sa source àSommelans, attesté sous la forme Summelent en 1145 (ibid., III, p. 527) : ce ruisseau traçait lalimite entre le comté <strong>de</strong> Soissons <strong>et</strong> le duché <strong>de</strong> Valois.T. III, p. 43, Chemin <strong>de</strong> la Haute Chevauchée : c<strong>et</strong> odonyme <strong>de</strong> Châtel(-Chéhéry) est àrapprocher <strong>de</strong> ce que dit Jean BABIN 52 . Le même nom s’applique à un chemin attesté <strong>de</strong>puis 1170<strong>et</strong> qui suivait les crêtes <strong>de</strong> la forêt d’Argonne. Son tracé est encore visible « entre le bois <strong>de</strong> Châtel(Ar<strong>de</strong>nnes) <strong>et</strong> le carrefour <strong>de</strong> la Croix <strong>de</strong> Pierre où il rejoignait la gran<strong>de</strong> route <strong>de</strong> Reims àTrèves ». Selon Jean BABIN, ce chemin doit son nom au fait que l’on pouvait y passer à cheval,par opposition à ceux qui n’étaient praticables qu’à pied <strong>et</strong> à dos <strong>de</strong> mul<strong>et</strong>.T. IV, p. 79, Grandham : les problèmes que pose le toponyme han ont été traités par MichelTAMINE dans un article soli<strong>de</strong>ment documenté 53 . Granham, qui fait partie <strong>de</strong>s quatre communesar<strong>de</strong>nnai<strong>ses</strong> citées au début <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, est plusieurs fois mentionné. Le plan <strong>de</strong>ssiné du village faitapercevoir une large courbe que trace le cours <strong>de</strong> l’Aisne à c<strong>et</strong> endroit. Cependant MichelTAMINE m<strong>et</strong> en gar<strong>de</strong> contre la systématisation d’une explication par le gaul. cambo « courbe »qui aurait été remplacé par le germ. ham : un examen plus approfondi fait apparaître que lamajorité <strong>de</strong>s exemples s’applique à <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> pâturages que bor<strong>de</strong> un cours d’eau ; les zonespeuvent correspondre à <strong>de</strong>s bois, ce qui n’a rien d’inattendu, étant donné les usages <strong>de</strong> l’époquedans le pays. Les exemples que nous avons relevés en Thiérache confirment les remarques <strong>de</strong>Michel TAMINE. À Étréaupont (02), le lieu-dit Les Hans désigne une zone <strong>de</strong> pâturages qui apour voisines L’erculée <strong>de</strong>s Rosières (<strong>La</strong> Reculée <strong>de</strong>s R.) <strong>et</strong> <strong>La</strong> Mortoise (prononciation locale elmortouèze selon l’enquête <strong>de</strong> R. LORIOT en 1947), désignation d’un bras mort <strong>de</strong> l’Oise. Selon lamême source, Le Hant (prononcé L’hant) à Erloy (02) se trouve situé dans une zone <strong>de</strong> pâturagesdont font partie les <strong>lieux</strong>-dits suivants : Les Saules Jean Lefèvre (prononcé Les seules […]),L’aune, Le gros Saule (prononcé L’gros seule). En allant encore plus à l’ouest, nous trouvons lelieu-dit Le Han à Ognes, aux portes <strong>de</strong> Chauny (02), dans la vallée <strong>de</strong> l’Oise ; le nom s’applique àune terre cultivée selon l’enquête <strong>de</strong> 1947, mais c’est le cas le plus fréquent dans ce terroir où lespâturages n’ont pas été autant en faveur que dans la Thiérache <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième moitié du XIX esiècle. Ognes n’est pas très éloigné <strong>de</strong> Ham (80) <strong>et</strong>, sans c<strong>et</strong>te proximité, le toponyme resterait trèsisolé dans le département <strong>de</strong> la Somme où le cadastre napoléonien n’en fournit pas d’autreexemple.T. V, p. 47 <strong>La</strong>m<strong>et</strong>z : « Le nom primitif est <strong>La</strong>mer, var. <strong>La</strong>mers, qu’on rencontre à partir <strong>de</strong>1235 ». Il correspond à Lemé (02), à cela près que l’article a été traité à la façon picar<strong>de</strong> dans lesecond exemple. On explique mare par la présence d’un étang dans le terroir ancien <strong>de</strong> Lemé. Unediscussion étymologique est rapportée à la p. 50 à propos d’une dépendance : Les Mares,anciennement Mars. <strong>La</strong> conclusion est qu’il est préférable d’i<strong>de</strong>ntifier le siège <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong> Marifondée vers 1150, par un comte <strong>de</strong> R<strong>et</strong>hel, avec <strong>La</strong>m<strong>et</strong>z, ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> reculer la premièreattestation du toponyme, mais laisse Les Mares sans étymologie. L’emploi du pluriel est attribué50 LEBEL, Paul. 1956. Principes <strong>et</strong> métho<strong>de</strong>s d’hydronymie française. Dijon : Bernigaud <strong>et</strong> Privat, p. 260.51 MALSY, Jean-<strong>Clau<strong>de</strong></strong>. 1999-2001. Les <strong>noms</strong> <strong>de</strong> lieu du département <strong>de</strong> l’Aisne. 3 vol., Paris : SFO, I, p. 23.52 BABIN, Jean. 1951. Les <strong>lieux</strong>-dits <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> Boureuilles. Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> caractérisation toponymique.Paris : Klincksieck, p. 43.53 TAMINE, Michel. 1993. « Le microtoponyme ar<strong>de</strong>nnais Ham ». In : TAVERDET, Gérard/CHAURAND,Jacques (dir.). Onomastique <strong>et</strong> langues en contact. Actes du colloque tenu à Strasbourg, septembre 1991.Dijon : ABDO, p. 143-162.22
Comptes rendusau fait que Mars, situé sur les confins <strong>de</strong> <strong>La</strong>m<strong>et</strong>z <strong>et</strong> <strong>de</strong> Montgon, se partage entre <strong>de</strong>ux terroirs. <strong>La</strong>consonne finale ne se prononçait pas, comme dans le mois <strong>de</strong> mars, <strong>et</strong> la graphie Les Mares estrécente. <strong>La</strong> discussion rebondit à propos <strong>de</strong> Marcq (t. VI, p. 19). S’agit-il <strong>de</strong> Mard provenant <strong>de</strong>Medarcum, d’où Médard <strong>et</strong> Mard, ou <strong>de</strong> marca, appellatif d’origine germanique, pour la zonefrontalière <strong>et</strong> le territoire ? L’homonymie est, comme bien souvent, troublante.T. V, p. 62, L’Adhuy : L’Adhuy est une grosse ferme à l’extrémité est du terroir <strong>de</strong> <strong>La</strong>ndres.GUELLIOT cite les conjectures qu’ont faites divers linguistes <strong>et</strong> érudits sur l’origine <strong>de</strong> ce vocablequi correspondrait à <strong>La</strong> Duis (« fontaine, canal »). « Pour Berthaut <strong>et</strong> Matruch<strong>et</strong>, cela vientd’aquaeductus "aqueduc" ? Felice fait dériver Dhuys <strong>de</strong> dives, divos, "divin" ? Le Dr <strong>La</strong>pierre faitplus simplement observer que ce nom semble indiquer un point d’eau <strong>et</strong> que tout proche est leGouffre <strong>de</strong> l’Adhuy, source d’origine du ruisseau <strong>de</strong> <strong>La</strong>ndres. Quelques lignes plus loin, il faitréférence au moulin <strong>et</strong> à l’étang <strong>de</strong> l’Adhuy quid (corr. quod) dicitur <strong>de</strong> la Duiz dans un document<strong>de</strong> 1209. <strong>La</strong> conjecture <strong>de</strong> Raoul <strong>de</strong> Felice mérite-t-elle un point d’interrogation <strong>de</strong> plus que laprécé<strong>de</strong>nte ? Deuos est le correspondant gaulois <strong>de</strong> <strong>de</strong>us "dieu" ». <strong>La</strong> forme féminine Deua est unnom fréquent <strong>de</strong> rivière : Dieue (Meuse), Dives (Oise) <strong>et</strong>c. 54 . <strong>La</strong> séquence -iu- a pu être inversée en-ui- comme dans suit, du verbe suivre, pour un ancien siut. Ainsi s’expliquerait le genre féminin,tandis que duit, bien attesté, provenant <strong>de</strong> ductum, est un nom masculin, avec le sens voisin pournous <strong>de</strong> « canal, conduit ». Nous r<strong>et</strong>rouvons le thème diua avec suffixe dans Dionne, <strong>noms</strong>upplanté par Sainte-Vaubourg à l’époque carolingienne.Le nom d’une ferme <strong>de</strong> la même commune, Les Hazoirs ou, selon la prononciation locale,Les Hazois, est attesté du XVI e siècle à la Révolution. Il est probable que hazoirs « broussailles »provient du frc. *haisi. Des exemples <strong>de</strong> la forme avec le sens apparaissent en ancien lorrain <strong>et</strong> enancien picard (FEW XVI, 121a).T.VI, p. 11 Manre : la première attestation, Menra, est <strong>de</strong> 1008 ; -a- n’apparaît qu’ensuitedans la première syllabe (Manra, 1346), ce qui est tout à fait conforme à l’histoire phonétique dufrançais. L’interprétation du nom, qui aurait la signification <strong>de</strong> « moindre, <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> valeur », lerapproche pour le sens du substantif patois manr<strong>et</strong>é « pauvr<strong>et</strong>é » en parlant <strong>de</strong>s cho<strong>ses</strong>. Le sol étaitjadis peu fertile, remarque GUELLIOT, mais on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si l’auteur ne tire pas sonjugement d’une interprétation qu’il a donnée du nom ou s’il a d’autres justifications. Il sera <strong>de</strong>nouveau question <strong>de</strong> manra à propos <strong>de</strong> Marvaux (t. VI, p. 31), probablement « vallée peufertile » : le composé Menravallis est attesté c<strong>et</strong>te fois dans un texte d’Hincmar, archevêque <strong>de</strong>Reims <strong>de</strong> 845 à 882, <strong>et</strong> qui nous est parvenu grâce à Flodoard (lib. III, cap. X). Il est impossible <strong>de</strong>rapprocher manre <strong>de</strong> l’a. fr. mandre qui signifie « bergerie » : on n’observe pas <strong>de</strong> développement<strong>de</strong> la consonne épenthétique dans une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la Champagne. <strong>La</strong> qualité <strong>de</strong> la terre peutavoir sa pertinence dans la recherche étymologique : une opposition peut s’établir entre <strong>de</strong>s ouches<strong>et</strong> <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong> moindre rapport : ainsi le latin tardif olca pouvait désigner, selon Grégoire <strong>de</strong>Tours, une terre proche <strong>de</strong> la basilique Saint-Remi qualifiée <strong>de</strong> « fertile » (foecundus) par leshabitants <strong>de</strong> l’époque, selon Flodoard (lib. I, cap. XX) ; nous avons ainsi le toponyme Oches, avecchute <strong>de</strong> l préconsonantique comme il est fréquent en champenois (t. VII, p. 3).Le lecteur non averti est tenté <strong>de</strong> ranger Pauvre dans la même rubrique que Manre. MaisGUELLIOT nous en dissua<strong>de</strong> : le nom primitif est polra ou pora, glosé par DC VII, 26 terrapalustris exsiccata, c’est-à-dire « terre <strong>de</strong> marécage <strong>de</strong>sséchée ». Dans le FEW, on r<strong>et</strong>rouve souspol<strong>de</strong>r une traduction <strong>de</strong> la glose <strong>de</strong> DU CANGE : polre « marais <strong>de</strong>sséché » (1269-1331). Selonle FEW (XVI, 644a), il s’agirait d’un emprunt au néerlandais, mais je dois à Mme Martina PITZ,que je remercie bien vivement, la suggestion suivante : « Peut-on être vraiment sûr qu’il ne s’agit54 DELAMARRE, Xavier. 2003 2 . Dictionnaire <strong>de</strong> la langue gauloise. Une approche linguistique du vieuxceltiquecontinental. Paris : Errance, p. 142.23
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