C1-40-MMP001 22/11/03 16:58 Page 23Nuevos MediosLà-bas 23Le label indépendant madrilèneNuevos Medios allume ses20 bougies cette année.Surtout connu pour ses productionssoignées et innovatrices d’artistesflamenco, nous avons cherché à ensavoir plus. Entretien avec sonfondateur et directeur,Mario Pacheco.«Ma femme Cucha Salazar et moi avons crééNuevos Medios, explique Mario Pacheco,après avoir travaillé tous les deux dans lamusique mais à notre manière. Au début des années 1980,beaucoup de compagnies indépendantes ont vu le jour dansun mouvement international autour d’une vision altern a t i v edu business. Nous avons distribué des labels commeF a c t o ry Rough Trade et ECM, tout en enregistrant le genrede musique qu’on écoutait à la maison, c’est-à-dire leflamenco. C’était néanmoins une époque magnifique pourla pop espagnole, avec beaucoup de groupes remplis depoésie et d’attitude. Nous ne pouvions pas l’ignorer et nousavons enregistré quelques albums (“La Mode”, “GolpesBajos”), aujourd’hui considérés comme les plus significatifsde l’époque.Le travail du label se situe dans la musique populaire espagnoleou latino-américaine, tel qu’on l’entend dans les rueset les bars de notre ville. On ne peut rien faire de nouveausauf à partir de la tradition. Nous cherchons à donner à nosproductions un accent international, avec le plus de naturelpossible et en évitant d’être trop professionnels ou modernesà tout prix.Actuellement, Diego Carrasco est peut-être l’artiste flamencole plus intéressant grâce à son discours très lucide sur lerythme et son sentiment pour lequel les puristes aussi bienque les gens plus modernes se passionnent. Diego Amador(le petit frère des Pata Negra) est un genre de DjangoReinhardt du piano. Un pianiste flamenco autodidacte avecun immense talent. Le bassiste Carles Benavent et le guitaristeJosé Miguel Carmona (le fils de Pépé Habichuela etmembre du groupe Ketama) ont commencé à enregistrer unalbum en duo. Nous terminons un disque de très jeunesa rtistes de flamenco, une nouvelle génération d’un artflorissant. N’oublions pas le joueur de timple des Canaries,José Antonio Ramos, et le pianiste Polo Orti, ni la compilationd’artistes de Jerez.La collection de notre 20 e a n n i v e r s a i re se compose de dixhuitCDs, chacun dédié à un artiste. Il s’agit des musiciensqui ont le plus enregistré pour nous. Nous avons sélectionnéles morceaux avec eux. L’idée était de porter un re g a rd actuelsur leur travail. Je suis le premier surpris mais je dois direque nos productions supportent extraord i n a i rement bien lepassage du temps. À l’exception de deux volumes de musiciensbasques (le claviériste Tomas San Miguel et l’auteurchanteurRuper Ordorika), toute la collection est du flamencomoderne. Je suis ravi par la vision d’ensemble. C’estd i fficile de faire de la musique populaire avec tant d’exigenceet d’originalité.La musique flamenco a évolué comme nos artistes et nousl’espérions il y a quinze ans, peut-être un petit peu plus lentement.Nous savions que la musique flamenca allait plaireaux jeunes et ce partout en Espagne, en Andalousie, à Madridet à Barcelone. Nous avons conscience de travailler à laréussite d’un mouvement musical génial. Aujourd’hui, engénéral, le flamenco est plus écouté, mieux chanté et mieuxjoué. Ce style parle dans ses propres termes et se développeselon sa propre dynamique. Il appartient de droit au mondefascinant de la musique populaire espagnole.Je ne suis pas la personne la mieux habilité à parler del’industrie du disque, surtout qu’elle ne m’intéresse pasbeaucoup. Mais celle d’Espagne me paraît curieuse. Elle ala capacité à produire des mégatubes comme Macarena ouA s e re j é, elle a inventé la chanson mondiale estivale. Nousne sommes pas de grands exportateurs mais nous jouissonsd’une musique populaire très spécifique. Parfois, j’ai l’impression qu’on écoute la même pop internationale part o u tsauf en Espagne, au Brésil, au Mexique et dans quelquesautres pays. »Propos recueillis par Marushka.Diego Amador
C1-40-MMP001 22/11/03 16:58 Page 2424 Là-bas2003,année du bluesGrand connaisseur en lam a t i è re, le Congrès américainvient de décider quele blues avait tout juste100 ans et proclame 2003“année du blues”, unemanifestation sponsoriséepar Volkswagen (la voiturefavorite des métayers duDelta du Mississippi). Aucœur de cette célébrationo fficielle, un projet ducinéaste Martin Scorc e s e(“Gangs of New York”) dep ro d u i re autour du thèmedu blues sept longsmétrages de fiction avec sixa u t res metteurs en scène(dont Wim Wenders et ClintEastwood) qui devraient êtrep rojetés sur la chaîne detélévision publique américaine(si, si, ça existe) PBS àl’automne prochain. Lep ro p re film de Scorcese, intitulé“From Mali toMississippi”, re p rend lathéorie selon laquelle leblues serait né sur les rivesdu Niger et suit l’évolutionde cet idiome musicaljusque dans les champs decoton du Sud pro f o n d .Alan Lomaxour Brian Eno, « Alan Lomax est l’une des figures clé duPvingtième siècle. Sans lui, Il n’y aurait peut-être pas eude re d é c o u v e rte du blues, de mouvement rh y t h m ’ n ’ b l u e s ,pas de Beatles, de Rolling Stones et de Velvet Underground». Décédé en juillet 2002 à l’âge de 87 ans, Lomaxa passé sa vie à enre g i s t rer des musiques populaires auxÉtats-Unis, dans les Caraïbes et en Europe, lesquelles fontl’objet d’une réédition colossale de 150 CDs chez Rounder.L’Académie Charles Cros a décerné un prix pour l’ensemblede l’œuvre du musicologue qui était aussi anthro p o l o g u e ,écrivain (une quinzaine d’ouvrages), programmateur radio,p ro d u c t e u r, cinéaste (une douzaine de films documentaire s ),photographe et chanteur !Travaillant pour un organisme étatique, la Bibliothèque duCongrès, il fut le premier à avoir enregistré (ou popularisé)Lead Belly, Woody Guthrie, Muddy Waters, Big Bill Broonzyainsi que le jazzman Jelly Roll Morton. Bien qu’issu d’unmilieu texan conserv a t e u r, les amitiés pro g ressistes de Lomaxlui valurent d’être chassé par le maccarthysme en 1950. Ilvécut alors dix ans à Londres, en profitant bien sûr pour allere n re g i s t rer sur le terrain, en Italie, en Espagne et dans lesîles britanniques. Là, à son grand étonnement, il découvritl ’ é m e rgence du skiffle (un style musical que jouait les QuarryMen, premier groupe de John Lennon), basé sur les musiquesrurales qu’il avait collecté aux États-Unis et l’une des sourc e sdu rock anglais.Lomax avait aussi inventé le concept de “Global Juke-Box”,une base de donnée musicale et anthropologique montrantcomment l’interaction entre les cultures formait un tout plané t a i re. Il était venu en France à la fin des années 1970pour réaliser quelques séquences de son documentaire“Lâche pas la patate”. Dans celui-ci, en établissant un parallèleentre bayou louisianais et marais poitevin, Lomax établissaitle lien entre musiques cajun et françaises.Jean-Pierre BruneauLe son de Veracruzi le s o n cubain est en général bien connu, on sait moinsSque le Mexique connaît également plusieurs types des o n es. Parmi ceux-ci, le s o n de Ve r a c ruz est part i c u l i è re m e n ti n t é ressant. Le son jarocho allie en effet des influencesespagnoles au niveau poétique, interprétant quatrains,sixains ou d é c i m a s , à une nette influence africaine, auniveau des rythmes qui évoquent parfois les Caraïbes toutesp roches. Les deux grands centres sont la petite ville deTlacotalpan — où l’on peut entendre des orchestres qui utilisentdes m a r i m b u l a s (lamellophones basses dire c t e m e n tissus d’Afrique centrale) aussi bien que des q u i j a d a s( m â c h o i res d’âne percutées sans doute d’origine amérindienne)— ainsi que Veracruz.Dans le grand port, l’essentiel de la vie musicale se dérouleà la dure école des P o rt a l e s, les arcades de la place princi p a l e . Les musiciens du s o n doivent faire face à la ru d ec o n c u rrence sonore des orc h e s t res de m a r i m b a s, à celle desaccordéons venus du nord du pays ou même aux trompetteset aux violons des mariachis.Les trios qui comprennent généralement deux form e sa rchaïques de guitare, la jarana et au requinto, et une harpejouent, en passant d’une table à un autre, les airs préférésdes clients.Graciana Silva Garcia, surnommée La Negra en raison de sesorigines africaines, est l’une des meilleures re p r é s e n t a n t e sde ce son jarocho de la province de Ve r a c ruz. Elle a su adapteravec talent les pièces traditionnelles de ce genre, en choisissantd’accompagner son chant sensible à la harpe, dont ellejoue avec une grande virtuosité. Elle n’a pas d’égale pourchanter avec poésie les émotions qui la traversent lorsqu’elled é c o u v re de nouveaux horizons ou, avec une gouaille irr é s i s-tible et sans méchanceté, les petits travers de ses auditeurs.Henri Lecomte