C1-40-MMP001 22/11/03 16:57 Page 88 IciAïoli !Si comme l’écrivait Je a n - C l a u d eIzzo dans “Total Khéops”,« Marseille n’est pas une villepour touristes, il n’y a rien àvoir », il y a par contrebeaucoup à écouter. Dans lesrues, le mélange de l’accentprovençal et des dialectes desdifférentes communautésinstallées dans la ville,constitue une musique épicée.Loin de se réduire aux danses et musiquesfolkloriques, la culture occitane a su sem o d e rniser en intégrant des traditionsd’ailleurs et les techniques d’aujourd’hui. Groupeemblématique de la ville, Massilia Sound Systemfut encouragé à ses débuts par le re g g a e m a na rménien Jo Corbeau et conforté dans sa déma rche par l’action menée à Toulouse par lesFabulous Trobadors. Leur mélange de ry t h m e sjamaïcains et de galéjades provençales n’a cesséde s’affiner et d’accueillir d’autres cultures. Leurattachement régional tient surtout du principe quel’acceptation des particularités locales est lam e i l l e u re façon d’appréhender l’extérieur. Ainsile dernier album “Occitanista” a été l’occasiond’élargir leur discours occitan au Nordeste brésilienet à l’Afrique de l’Ouest. Convivialité, francparleret tolérance sont leurs mots d’ordre. Leursc o n c e rts sont des rituels durant lesquels les fidèless’attendent à se faire servir le pastis, à attraperdes préservatifs au vol, à dire du mal du FN et dubien du cannabis, et surtout à profiter au maximumdu oaï (joyeux boxon) qu’ils engendrent.Massilia a toujours partagé son succès, en ouvrantsa plate-forme à d’autres musiciens ou en organisantdes événements populaires gratuits, repas deq u a rtiers, lotos ou kermesses. Cette attitude a inspiréde nombreux groupes et incité des citoyens àse constituer en associations.Mic Mac (Mouvement innovant en coordination demoyens et d’actions culturelles) fut crée en 1997pour combler l’écart entre le bouillonnement art i s-tique local et le manque de stru c t u res pro f e s s i o n-nelles, tout en endossant un rôle d’animateurs dep roximité. Ni manager, ni tourn e u r, ni pro d u c t e u r,Mic Mac fait le lien entre chacun de ces acteurs,quitte à remplir ponctuellement l’une ou l’autrede ses fonctions comme à travers les compilationsqu’ils proposent à leurs adhérents (chronique duCD dans ce numéro). Tête de réseau indépend a n t eet décentralisatrice, ils encadrent des gro u p e sconstitués ou leurs projets parallèles, commeOccitania qu’es Aquo, joutes musicales entre desmembres de Massilia, Nux Vomica, La Talvera etLo Cór de la Plana.Lo Cór de la Plana est né lors d’ateliers de chantp rovençal menés par Manu Théron. Ce chanteurde haute volée a fait de longues re c h e rches dechants et textes provençaux. En 1996, il a fondéGacha Empega avec Barbara Hugo (retirée depuisdes aff a i res musicales) et Sam Karpiénia, autrevocaliste vertigineux, membre central de l’excellenttrio Dupain qui prépare actuellement un CDlive et un troisième album studio.Manu travaille aujourd’hui sur plusieurs fro n t s .Son chœur de voix masculines Lo Cór de la Planavient de sortir un disque très malin (chro n i q u edans ce numéro). Il anime aussi un chœur defemmes, se produit parfois seul avec un oudisted’Alexandrie, réactive Gacha Empega pour cro i s e rles traditions avec les musiciens algériens ElHillal. Comme Dupain, D’Aqui Dub, Tatou ou JanMari Carlotti, Manu va participer à un livre - d i s q u ehommage au poète Victor Gellu, en trio avecPatrick Vaillant et Didier Malaverne. Cet ouvrage,c o p roduit par le centre de culture pro v e n ç a l eOstau dau Païs Marselhés, Mic Mac et Edi Sud,doit paraître à la rentrée. Quelle que soit la formationdans laquelle il s’investit, Manu Théron yventile toujours des frissons poétiques et de labonne humeur.À la suite de Massilia, beaucoup de Marseillaisont choisi le reggae comme base d’expre s s i o n( K a n j a r’Oc rock et cuivré, Watcha Clan jungleorientalisée, Jamasound ska francisé…). Et letissu associatif joue un grand rôle dans les sonsémergeant de la ville. Mais de nombreuses identitésmusicales s’y expriment, aidées par d’autresorganismes moteurs. Deux labels sont spécialisés
C1-40-MMP001 22/11/03 16:57 Page 9dans les musiques du monde. Esengo (qui a produitEl Sikameya et les Pêcheurs de Perle) est pourl’instant en stand-by, mais l’Empreinte Digitale necesse de faire découvrir de nouveaux artistes. Bienque basé à Aix-en-Provence, l’Arcade PACA esttrès présente à Marseille et propose des stagesde formations sur les métiers du spectacle, descolloques ou des re n c o n t res artistiques. Ils ontédité un annuaire professionnel, complété detextes érudits sur les pratiques musicales des diasporasde la région.La cité phocéenne abrite une grande diversité desaveurs musicales. Et certains artistes ont acquisune notoriété internationale. Le joueur de doudoukarménien Levon Menassian a collaboré avec PeterGabriel. Le guitariste flamenco Juan Carmona esttrès apprécié des amateurs du genre. Le BambooO rchestra du Japonais Yabuki Makoto tourn eautant en Asie qu’en Europe. La famille Chemiraniest reconnue à travers le monde comme des virtuosesde la percussion iranienne.La diaspora maghrébine est la plus visible. Den o m b reuses stars du raï se sont d’abord faitc o n n a î t re ici (Khaled, Cheb Bilal, Cheb Aïsa…). Sile genre semble en perte de vitesse, quelquesAlgériens organisent des concerts, produisent denouveaux artistes et importent les derniers succèsd’Oran ou d’Alger.La musique arabo-andalouse est aussi bien représentée.La chanteuse Françoise Atlan perf e c t i o n n eson art subtil au conservatoire de Fès. Le oudisteFouad Didi anime plusieurs ensembles. Et MauriceEl Médioni, figure historique de la chanson françarabe,est conseiller artistique du pro j e t“Hommage au music-hall d’Algérie” qui, autour dug roupe Barrio Chino et de l’orc h e s t re de la radiod’Alger, va faire revivre cette année ce style populairedes années 1940 à 1960.P re m i è re communauté africaine de la ville, lesComoriens y sont plus de 60 000 et entretiennentdes liens étroits entre eux. Chaque samedi soir,sauf pendant le ramadan, ils se re t rouvent dansdes lieux comme l’Escale Saint-Charles où desassociations organisent des soirées avec deso rc h e s t res twarab. Les fonds récoltés lors de cesfêtes sont envoyés au pays, tout comme y sont vendusles films qui y sont tournés. Si le flyer spécifie“caméra gratuite”, les particuliers peuvent alorsfilmer la soirée. Ces vidéos auront plus ou moinsde valeur suivant la qualité des toilettes, la pertinencedes citations proverbiales de l’animateur oula présence de notables.À l’exception de quelques rappers (Fonky Familys’est formé lors d’un concert d’hommage à IbrahimAli), le mélange, qui n’est pas le pro p re desComoriens, est une pratique courante des musiciensmarseillais. Les réunions spontanées engendrent des projets ponctuels réjouissants commePort de Boucan All Stars, Toko Blaze ou Oaï Starcomposés de membres de Kanjar’oc, Massilia,Jamasound ou Dupain.Les artistes ne cessent de se croiser et de pro p o s e rdes situations originales. Sam Karpiénia répèteactuellement avec Bijan, le benjamin surdoué duclan Chemirani. Ses deux sœurs Mariam et Marjaneont fondé le trio Délizioso qui rend hommage à lamusique italienne des années 1930. GuylaineRenaud (une ex-Gacha Empega) présente desAubades, concerts déambulatoires dans des lieuxpublics. Laurent Pernice a eu la belle idée de fairechanter Armando Coxe, journaliste d’origine angolaisedont le timbre sensuel et grave charme déjàles amateurs de musiques du monde de RadioGrenouille. L’effervescence marseillaise n’est pasprête de s’éteindre. Et l’aïoli pourrait finir pardevenir un des plats les plus appréciés de France.Benjamin MiNiMuMwww.massilia-soundsystem.comwww.kanjaroc.comwww.watchaclan.comwww.dupainweb.comwww.juancarmona.comwww.arcade-paca.com/trad/index.htmlLe choc de l’electroIci aussi, les musiques dumonde se laissent bousculer parles sorciers de l’électronique.En 2000, l’Espace Julien propose à des acro b a t e sdu sampler de jouer avec les bandes de musiciensorientaux enregistrés dans cette salle. Fouad Didi etRaoul Renassia revus par Mourad Te rreri, Maurice elMedionni corrigé par Alif Tree et Big Buddha, ou lesMedahettes chahutées par Mars Bro z e r s .Cosmophonies du Maghre b est vendu en ligne :h t t p :// a rt i s t s . m p 3 s . c o m / a rt i s t s / 190 / c o s m o p h o n i e s . h t m lLe journaliste Squaaly, alias Big Buddha, anime dechaudes soirées. Les disques des cinq continents s’ye n t rechoquent avec des BPMs exaltés. Avec Laure n tP e rnice sous un nom de code emprunté à Moussorsky,G o l d e n b e g r & Schmuyle, ils remixent Huun Huur Tu ,Ali Hassan Kuban, Meï Teï Shô ou Temple of Sound.Rishi (initié au sarod et à l’esraj par Ali Akbar Khan),P i e re Moitram (sitariste éduqué par un élève de RaviShankar) et Kapi (multi-instrumentiste bercé au ro c ket au funk) forment NatarajXT. En 1999, le trio diff u s eq u a t re titres de transe electro-indienne sur MP3.com.En quelques jours, ils sont en tête des télécharg e-ments. Le groupe intrigue les pros et est invité auMidem 2000. Là, NatarajXT décroche une tournée enInde et un contrat sur Netwerk. Si leur label est américain,manager et éditeur sont marseillais. ElementMusic gère leurs droits comme ceux du gang electroà succès Troublemakers. Le management Pro - F u s i o nest aussi porteur d’un projet d’échanges culturels qui ap e rmis en 2002 à des musiciens de leur écurie dere n c o n t rer le collectif d’Afrique du Sud, Africa Dope,à Cape Town puis à Marseille. En 2003, l’expériencedoit s’élargir à La Réunion avec le groupe Zong.B. M.www.natarajxt.com