Elu/es et question de g<strong>en</strong>reLa Charte europé<strong>en</strong>ne pour l'égalité <strong>en</strong>tre hommeset femmes dans la vie locale : peut mieux faire...Lors de la Confér<strong>en</strong>ce mondiale à Pékin <strong>en</strong>1995, la résolution finale avait repris le texte duréseau associatif Femmes informations liaison, dontla France s'était fait le champion, un texte quiposait clairem<strong>en</strong>t que la domination des hommessur les femmes était un problème à résoudre inscritdans l'histoire de l'humanité, autrem<strong>en</strong>t dit un"rapport historique", un problème de société, etnon de psychologie ou de communication.La Charte europé<strong>en</strong>ne pour l'égalité s'inscrit <strong>en</strong>prolongem<strong>en</strong>t de cette reconnaissance.Elle a été publiée <strong>en</strong> 2006 par le Conseil descommunes et régions d'Europe. C'est un instrum<strong>en</strong>tproposant "une méthodologie pour la mise<strong>en</strong> place de politiques d'égalité des femmes et deshommes aux niveaux local et régional".Que conti<strong>en</strong>t cette charte quisoit un peu contraignant ?La première partie du texte rappelle des principesgénéraux, par exemple que "l’égalité desfemmes et des hommes est un droit fondam<strong>en</strong>talpour tous et toutes, et constitue une valeur capitalepour la démocratie. Afin d’être pleinem<strong>en</strong>taccompli, ce droit ne doit pas être seulem<strong>en</strong>treconnu légalem<strong>en</strong>t mais il doit être effectivem<strong>en</strong>texercé et concerner tous les aspects de la vie : politique,économique, sociale et culturelle".La deuxième partie du texte prés<strong>en</strong>te la procédureà <strong>en</strong>gager, à savoir, dans les deux ans après lasignature, l'élaboration d'un plan d'actions tel "quetous les sujets pertin<strong>en</strong>ts cont<strong>en</strong>us dans la charte ysoi<strong>en</strong>t traités".Dans la troisième partie, l'égalité des g<strong>en</strong>res estdéclinée <strong>en</strong> fonction des rôles assumés par les collectivitéslocales et régionales : responsable politique,consommateur et prestataire de bi<strong>en</strong>s et deservices, employeur etc.Mais n'est-il pas pour le moins curieux que lesmots "contraception" et "avortem<strong>en</strong>t" ne figur<strong>en</strong>tnulle part dans la charte ? Le mot "maternité" nonplus. Il est seulem<strong>en</strong>t préconisé "une informationadéquate sur les questions de santé"...Aucun passage ne concerne les impôts : or,aller vers la généralisation de l'imposition séparéeresponsabiliserait à égalité les femmes et leshommes, dans leur indép<strong>en</strong>dance comme dansleur coopération.Le rôle disproportionné des femmes <strong>en</strong>vers lespersonnes âgées est souligné mais c'est le recoursau marché qui est mis <strong>en</strong> avant (vers d'autres systèmesde prise <strong>en</strong> charge "de grande qualité etfinancièrem<strong>en</strong>t abordables"...). Il n'est pas <strong>en</strong>visagéd'<strong>en</strong>courager au simple partage de notrehumanité commune (congés et allocations équitablem<strong>en</strong>tpartagées, démarches facilitées pour obt<strong>en</strong>irdu matériel et un souti<strong>en</strong> médical).Pour la garde des <strong>en</strong>fants, il est recommandéde "faire la promotion" d'alternatives pour "contrerles stéréotypes", par exemple <strong>en</strong> contrôlant lesmatériels éducatifs.En arrêtant là les exemples, ce texte témoigned'une réelle avancée dans l'expression des(bonnes) int<strong>en</strong>tions politiques mais permet ausside réaliser, par ses non-dits et ses euphémismes,l'ampleur des résistances auxquelles se heurte déjàtoute volonté de concrétisation. Il semble qu'ils'agisse d'avancer par simple déploiem<strong>en</strong>t debonne volonté. De conflits et de luttes, il n'est pasquestion... C'est là le principal danger de cette culturepolitique cons<strong>en</strong>suelle : <strong>en</strong>traver le déploiem<strong>en</strong>tdes conflits, qui sont à la fois desaccélérateurs de changem<strong>en</strong>t et des écoles decitoy<strong>en</strong>neté véritable, où l'on appr<strong>en</strong>d sa puissanced'agir.En France, la charte a recueilli, à ce jour (finnov. 2009), 64 signatures, du village à la région.Cette signature donne souv<strong>en</strong>t lieu à desaudits, et le plan d'action qui s'<strong>en</strong>suit à des certifications(voir le site de l'Afnor dont le label "égalitéprofessionnelle" est, par exemple, demandé par laville de Rou<strong>en</strong>). Autrem<strong>en</strong>t dit : il y a un marché del'égalité hommes/femmes ! Personnellem<strong>en</strong>t, cettedébauche de "fonctionnem<strong>en</strong>t" me glace, tellem<strong>en</strong>telle me paraît témoigner de notre trop grande passivitécollective...Référ<strong>en</strong>ces :La Charte est lisible là :http://www.ccre.org/docs/charte_egalite_fr.pdfLa liste des signataires <strong>ici</strong> :www.ccre.org/docs/charter_for_equality_list_signatories.pdfpour les <strong>en</strong>fants, et aussi pour les femmes dans unpays comme l'Espagne.La deuxième urg<strong>en</strong>ce concerne l'éducation à lasexualité et à la contraception. Le droit à l'avortem<strong>en</strong>tdoit être concrètem<strong>en</strong>t assuré, mais ce n'estpas l'idéal de la contraception. Il y a <strong>en</strong>core beaucoupd'avortem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> France parce que l'éducationsexuelle est insuffisante. Une journée du moisde septembre a récemm<strong>en</strong>t été choisie commetemps fort sur ces thèmes. J'aimerais que la ville deLyon s'<strong>en</strong> saisisse <strong>en</strong> 2010 pour interv<strong>en</strong>ir clairem<strong>en</strong>tdans l'espace public, par exemple avec unegrande campagne d'affichage comme récemm<strong>en</strong>t<strong>en</strong> Île-de-France, pour promouvoir clairem<strong>en</strong>t lacontraception <strong>en</strong> même temps que le droit à l'avortem<strong>en</strong>t.Le troisième point qui me préoccupe, c'est évidemm<strong>en</strong>tla question de l'emploi des femmes, tropsouv<strong>en</strong>t précaire ou partiel. C'est un problèmetransversal qui concerne plusieurs domaines politiques.Un des obstacles à l'emploi des femmes,c'est le manque de structures d'accueil de la petite<strong>en</strong>fance. La ville de Lyon a effectué de gros progrès: <strong>en</strong>tre 2001 et 2008, le nombre de places <strong>en</strong>crèche a doublé, avec un budget actuel de 39 millionsd'euros que nous avons pour objectif de doubler<strong>en</strong>core, aussi vite que possible. L'offre péri- etextrascolaire a été considérablem<strong>en</strong>t développée <strong>en</strong>quelques années. Une partie devrait, c'est vrai,dev<strong>en</strong>ir payante, mais <strong>en</strong> fonction du quoti<strong>en</strong>tfamilial.1 2 S!l<strong>en</strong>ce n°377 mars 2010
Elu/es et question de g<strong>en</strong>reEnfin, un quatrième projet me ti<strong>en</strong>t à cœur :promouvoir l'écoute des femmes, qui sont très prés<strong>en</strong>tes,voire majoritaires, dans les conseils de quartier.Leur parole doit être relayée et prise <strong>en</strong>compte dans la vie mun<strong>ici</strong>pale. J'ai par ailleurs crééun conseil pour l'égalité femmes/hommes à Lyon,qui rassemble 40 associations, des syndicats salariéset patronaux (ce qui n'est pas sans difficulté),ainsi que des chercheurs (comme ceux du C<strong>en</strong>treLouise-Labé). Notre objectif est de connaître nosdiffér<strong>en</strong>tes manières d'aborder la problématique del'égalité, mais aussi de parv<strong>en</strong>ir à élaborer des propositionsconcrètes...Voyez-vous aussi la nécessité, et la possibilité,d'influer sur les comportem<strong>en</strong>ts privés, lefameux partage des tâches par exemple ?En tant qu'élu/e, nous ne sommes pas que descaisses de résonance, nous avons une responsabilité.Nous pouvons s<strong>en</strong>sibiliser, faciliter des progrès,même sur les comportem<strong>en</strong>ts privés. Je p<strong>en</strong>seavant tout aux viol<strong>en</strong>ces faites aux femmes et aux<strong>en</strong>fants. Mais j'ai aussi donné une confér<strong>en</strong>ce 1 <strong>en</strong>juin 2009, intitulée "Le temps a-t-il un sexe ?" et,auparavant, j'avais, <strong>en</strong> 2007, part<strong>ici</strong>pé au débat"Pr<strong>en</strong>ons le temps de vivre..." 2 . La pression sur letemps des femmes doit pouvoir être desserrée àplusieurs niveaux : celui de l'Etat et des lois, maisaussi dans les <strong>en</strong>treprises, où patronat et syndicatsont leur part à jouer et, bi<strong>en</strong> sûr, au niveau descouples.N'y a-t-il pas une vigilance à avoir concernantles "micropouvoirs", par exemple la réceptiondes interv<strong>en</strong>tions orales des femmes ?Quand une femme parle, c'est clair, elle estplus souv<strong>en</strong>t interrompue qu'un homme. Si notreraisonnem<strong>en</strong>t est <strong>en</strong> deux parties, pas facile d'allerau-delà de la première... Passer pour la féministede service, c'est toujours être connotée un peunégativem<strong>en</strong>t, avec un brin de moquerie : une"emmerdeuse", comme on dit. Mais c'est surtoutdes élus de droite qui me répliqu<strong>en</strong>t presque àParité,où <strong>en</strong> est-on <strong>en</strong> France ?La loi du 6 juin 2000 contraint les partis politiquesà compter une moitié de candidates seulem<strong>en</strong>tpour les élections qui ont lieu au scrutin de liste(mun<strong>ici</strong>pales, régionales, europé<strong>en</strong>nes et sénatorialesdans les départem<strong>en</strong>ts qui élis<strong>en</strong>t plus dequatre sénateurs).En 2009, si l’on compte 47,6 % de femmesdans les conseils régionaux (contre 27,5 % <strong>en</strong>1998), une seule est à la tête d’une région, contretrois auparavant.Les communes de 3500 habitants et plus,concernées par le loi du 6 juin 2000, ont vu leurnombre de conseillères mun<strong>ici</strong>pales nettem<strong>en</strong>taugm<strong>en</strong>ter : de 25,7 % <strong>en</strong> 1995 à 47,4 % <strong>en</strong> 2001.Par contre, seuls 10 % des maires sont desfemmes, et celles-ci ne dirig<strong>en</strong>t que 44 villes deplus de 15 000 habitants (soit 0,3 %) et 4 des 37communes de plus de 100 000 âmes.La parité apparaît donc moins souv<strong>en</strong>t auniveau de l'exécutif ou des adjoints. L'exemple deSaint-Jean-de-Luz, avec une majorité de femmesparmi les adjoint/es, est <strong>en</strong>core rare, et l'attributiondes postes y reste traditionnelle. Ailleurs, onse fél<strong>ici</strong>te dès qu'une spécialité dite masculine estattribuée à une femme (comme les finances àRou<strong>en</strong>), l'inverse étant plus rare (comme la petite<strong>en</strong>fance à Lyon). Les responsables techniques sont<strong>en</strong> grande majorité des femmes à Poissy, mais lecontraire est beaucoup plus fréqu<strong>en</strong>t.Au niveau départem<strong>en</strong>tal (conseils généraux),les plus féminisés sont les Hauts-de-Seine (33,3 %d'élues) et le Finistère (29,6 %).Les quatre départem<strong>en</strong>ts les moins féminiséssont le Gard (2,2 %), le Tarn-et-Garonne, laHaute-Corse et l'Ariège avec… 0 élue.Sinon, lors des législatives 2007, pas de scrutinde liste, et la proportion de femmes élues aatteint 18,5 %. Un progrès par rapport à 2002, oùl’on atteignait 12,5 %...Michel BernardÖ Marche pour la déf<strong>en</strong>se du droit àl'avortem<strong>en</strong>t (2000)S!l<strong>en</strong>ce n°377 mars 20101 3