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Olivier Twist II<br />
Chapitre XXXV<br />
vie et la mort ; oh ! qui pouvait espérer, quand ce monde lointain, sa vraie<br />
patrie, s’ouvrait déjà à ses yeux, qu’elle reviendrait partager les douleurs<br />
et les maux de celui-ci ? Savoir, Rose, que vous alliez passer et disparaître,<br />
comme une ombre vaine, sans aucun espoir de vous conserver à ceux qui<br />
souffrent ici-bas ; sentir que vous apparteniez à cee sphère éclatante vers<br />
laquelle tant d’êtres privilégiés ont pris dès l’enfance ou dès la jeunesse<br />
leur vol matinal, et pourtant prier le ciel, au milieu de ces pensées consolantes,<br />
de vous rendre à ceux qui vous aiment : ce sont là des tortures trop<br />
cruelles pour les forces humaines ; voilà ce que j’ai enduré nuit et jour,<br />
et avec la crainte inexprimable et le regret égoïste que vous ne vinssiez<br />
à mourir sans savoir au moins avec quelle adoration je vous aimais ; il y<br />
avait là de quoi perdre la raison. Vous avez échappé à la mort, de jour<br />
en jour et presque d’heure en heure les forces vous sont revenues, et, ranimant<br />
le peu de vie qui vous restait encore, vous ont rendu la santé. Je<br />
vous ai vue passer de la mort à la vie ; ne me dites pas que vous voudriez<br />
que je n’eusse pas été là, car cee épreuve m’a rendu meilleur.<br />
— Ce n’est pas cela que je voulais dire, répondit Rose en pleurant ; je<br />
voudrais seulement que maintenant vous fussiez parti, pour continuer à<br />
poursuivre un but grand et noble... un but digne de vous.<br />
— Il n’y a pas de but plus digne de moi et plus digne de la nature<br />
la plus élevée qui existe, que de luer pour mériter un cœur comme le<br />
vôtre, dit le jeune homme en lui prenant la main. Rose, ma chère Rose, il<br />
y a des années, bien des années que je vous aime, et que j’espère arriver<br />
à la réputation pour revenir tout fier près de vous et vous dire que je<br />
ne l’ai cherchée que pour la partager avec vous ; je me demandais dans<br />
mes rêves comment je vous rappellerais à cet heureux moment, les mille<br />
gages d’aachement que je vous ai donnés dès l’enfance, et réclamerais<br />
ensuite votre main, comme pour exécuter nos conventions muees dès<br />
longtemps arrêtées entre nous. Ce moment n’est pas arrivé ; mais, sans<br />
avoir encore conquis de réputation, sans avoir réalisé les rêves ambitieux<br />
de ma jeunesse, je viens vous offrir le cœur qui vous appartient depuis si<br />
longtemps et mere mon sort entre vos mains.<br />
— Votre conduite a toujours été noble et généreuse, dit Rose, en maîtrisant<br />
l’émotion qui l’agitait, et comme vous êtes convaincu que je ne<br />
suis ni insensible ni ingrate, écoutez ma réponse.<br />
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