Essentiel Prépas #4_HD
L'Essentiel Prépas, webzine dédié aux professeurs de CPGE. Edité par HEADway Advisory, cabinet de conseil en stratégie pour l'enseignement supérieur, la recherche et la formation. www.headway-advisory.com / @HEADwayAdvisory
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PRÉPAS ÉCONOMIQUES & COMMERCIALES<br />
FÉVRIER 2017 | N°4<br />
Les écoles de management<br />
à l’heure de la diversification<br />
En trente ans les écoles de management<br />
sont passées d’un positionnement monoproduit,<br />
autour essentiellement de leur programme<br />
Grande École, à un foisonnement de<br />
programmes de plus en plus divers, internationaux,<br />
co-développés avec d’autres établissements,<br />
dès le bac et jusqu’au doctorat. S’il a<br />
d’abord essentiellement été question de développer<br />
ce qu’on appelait des « troisièmes cycles »<br />
(aujourd’hui des « graduate programs ») comme<br />
les mastères spécialisés ou les MSc, ce<br />
sont aujourd’hui les programmes postbac qui<br />
ont le vent en poupe au même titre que la formation<br />
continue.<br />
D O S S I E R P É D A G O G I E<br />
: Tout un portefeuille<br />
de programmes<br />
« Une business school ne peut être pérenne<br />
si elle ne se développe pas au-delà de son<br />
programme grande école dont les ratios<br />
d’excellence académique coûtent très chers. Il<br />
faut absolument profiter de ce terreau d’excellence<br />
pour développer d’autres formations »,<br />
explique Emeric Peyredieu du Charlat, le directeur<br />
d’Audencia BS. Cette dernière s’était justement<br />
largement développée autour d’un seul<br />
programme fort, le programme grande école, du<br />
temps du directeur emblématique qu’était Aïssa<br />
Dermouche (directeur de 1989 à 2004) avant<br />
de se diversifier petit à petit sous la direction<br />
de Jean-Pierre Helfer, notamment en formation<br />
continue, puis de Frank Vidal. Pour autant son<br />
chiffre d’affaires (39 M€) reste encore inférieur<br />
à ses grandes rivales dans les choix des élèves<br />
de prépas, Grenoble EM (60 M€) ou Toulouse<br />
BS (47 M€), qui ont su plus tôt qu’elle mener à<br />
bien une politique de diversification.<br />
: Gérer la croissance<br />
Avant tout le monde, Toulouse BS a ainsi su<br />
miser sur le bachelor pour se développer tout<br />
en gardant un programme grande école solide.<br />
« Nous pourrions avoir 100 élèves de plus dans<br />
notre PGE si nous le voulions mais nous préférons<br />
au contraire stabiliser leur nombre (410<br />
places en 2015 et 425 en 2016) et augmenter la<br />
barre d’admissibilité (10,55 en 2015 et 10,7 en<br />
2016) », explique François Bonvalet, le directeur<br />
général de TBS.<br />
>>> suite page 9<br />
• « L’<strong>Essentiel</strong> du Sup - <strong>Prépas</strong> » est une publication du groupe<br />
| 21 rue Saint-Augustin | 75002 Paris<br />
• Directeur de la publication : Sébastien Vivier-Lirimont • Rédacteur en chef : Olivier Rollot | o.rollot@headway-advisory.com<br />
• Responsable commerciale : Fanny Bole du Chomont | f.boleduchomont@headway-advisory.com - 01 71 18 22 62<br />
Etudiants internationaux :<br />
quelle place pour la France ?<br />
Non les étudiants internationaux ne boudent<br />
pas la France, ils sont même un peu plus<br />
nombreux (310000 en 2015 soit 12 % des effectifs de<br />
l’enseignement supérieur). Mais oui leur progression<br />
est bien plus forte aux États-Unis, au Royaume-Uni<br />
ou au Canada. Sans parler de destinations nouvelles -<br />
comme la Chine, la Russie et même l’Arabie Saoudite -,<br />
qui ont monté tout un programme de bourses pour<br />
attirer des étudiants. C’est ainsi que de plus en plus<br />
d’étudiants africains, qui n’auraient jamais imaginé<br />
d’autres destinations que la France, se tournent<br />
aujourd’hui vers la Chine ou l’Arabie Saoudite quand<br />
il s’agit de choisir une université. Dans ce contexte ce<br />
sont les grandes écoles qui tirent leur épingle du jeu<br />
avec une augmentation de 27 % du nombre d’étudiants<br />
internationaux en 5 ans (+3 % à l’université).<br />
Ils représentent aujourd’hui 9,4 % de leurs effectifs et<br />
cherchent toutes à en attirer plus, autant pour asseoir<br />
leur légitimité internationale que pour<br />
permettre à leurs propres étudiants de<br />
partir en échange dans les universités<br />
partenaires.<br />
Olivier Rollot<br />
Rédacteur en chef<br />
L’<strong>Essentiel</strong> du mois............................................ 2 à 6<br />
Entretien : Jean-Bastianelli (Louis-Le-Grand)................... 7-8<br />
Dossier : Comment les écoles de<br />
management se diversifient .................................. 9 à 11<br />
Dossier : Entretien avec Dai Shen et Luc Pontet (Brest BS) .... 12<br />
Entretien : Florence Legros (ICN BS)......................... 13-14<br />
Parole de profs : Le pâquis et le pré carré.................... 15-16<br />
Débat : Etudiants étrangers : la France moins attractive ?..... 17<br />
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L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 1 FÉVRIER 2017 | N°4
L’ESSENTIEL DU MOIS<br />
« La filière scientifique<br />
au lycée n’existe plus »<br />
L’association Ingénieurs et<br />
scientifiques de France (IESF)<br />
fédère 180 associations<br />
d’ingénieurs et de diplômés<br />
scientifiques et regroupe près<br />
d’un million d’ingénieurs. A<br />
quelques mois de la Présidentielle,<br />
elle propose notamment de<br />
« restaurer une filière scientifique<br />
au lycée » dans son livre blanc<br />
Relever les défis d’une économie<br />
prospère et responsable. Son<br />
président, François Lureau,<br />
explique pourquoi.<br />
Olivier Rollot : Vous proposez de « restaurer une filière scientifique au<br />
lycée ». Que reprochez-vous au bac S ?<br />
François Lureau : La filière scientifique au lycée n’existe plus. Le bac S sélectionne<br />
seulement les meilleurs lycéens mais en proportion seulement 25 % font des<br />
sciences ensuite (si on exclut les études médecine et vétérinaires). La filière S n’est<br />
pas vraiment conçue pour les scientifiques or ce qui nous préoccupe c’est que le<br />
niveau scientifique s’affaiblit aujourd’hui en France. IESF demande donc qu’on crée<br />
une filière scientifique au lycée apte à assurer notre compétitivité et la maîtrise des<br />
technologies récentes par le plus grand nombre de garçons et de filles. Il faudrait<br />
par exemple créer des options scientifiques signifiantes pour ceux qui se destinent<br />
aux sciences. Si 30 % des bacheliers S (ils étaient un peu plus de 180 000 à se<br />
présenter au bac en 2015) la choisissaient cela ferait 60 000 futurs scientifiques.<br />
O.R : Des études récentes ont démontré que le niveau en maths et physique<br />
des bacheliers S s’est dégradé. C’est aussi votre sentiment ?<br />
F. L : L’épreuve de physique du bac S cette année j’aurais pu la faire en une demiheure.<br />
J’ai beau être un scientifique ce n’est pas rassurant vu le temps depuis<br />
lequel je suis sorti de mes études. Aujourd’hui il faut vraiment pouvoir permettre à<br />
ceux qui veulent faire des sciences de le faire vraiment dès le lycée.<br />
O.R : Plus largement IESF est engagé dans la promotion des métiers<br />
scientifiques. Comment faites-vous pour les présenter aux jeunes ?<br />
F. L : La première chose à montrer c’est que les métiers scientifiques ne s’exercent<br />
pas dans des lieux sales et bruyants mais au contraire dans des entreprises<br />
modernes et technologiques. Avec nos 24 associations régionales nous avons créé<br />
un programme de « Promotion des métiers ingénieurs et scientifiques » qui touche<br />
35 000 à 40 000 élèves chaque année. Un chiffre que nous voulons maintenant<br />
multiplier par deux.<br />
Il y a aujourd’hui 44 programmes de « diffusion de la culture scientifique » en France<br />
et il faudrait que les efforts soient concentrés sur quelques-uns et testés dans les<br />
régions. Ensuite on pourrait vraiment estimer s’ils permettent ou pas s’augmenter<br />
le nombre de lycéens qui se destinent aux carrières scientifiques.<br />
O. R : Dans votre livre blanc vous préconisez également le recours à des<br />
pédagogies différenciées selon les jeunes.<br />
F. L : Les jeunes ne sont pas formatés comme leurs anciens. Aujourd’hui il faut<br />
privilégier l’innovation. Dès le primaire il faut insuffler cet état d’esprit et le cultiver<br />
à tous les stades de l’éducation. Différentes techniques permettent de s’adresser<br />
à des couches plus larges de la population et de raccrocher des jeunes qui étaient<br />
perdus pour les sciences, voire pour l’éducation en général.<br />
Pour promouvoir ces dispositifs pédagogiques innovants, il faut éviter le piège d’une<br />
étape nationale et laisser une place pour l’expérimentation avec des régions qui ont<br />
aujourd’hui de larges responsabilités en matière de formation. n<br />
Écoles de commerce : ce que pensent<br />
les diplômés de leur école<br />
L’Étudiant a extrait une nouvelle fois cette année de son classement des<br />
écoles de commerce un tableau présentant l’opinion des diplômés (2012<br />
et 2015) de leur école. Alors qu’ils notent en moyenne leur école 4 sur 5,<br />
l’ouverture internationale est la plus appréciée (4,3 sur 5) devant la qualité<br />
des relations entre étudiants (4,2 sur 5) et la qualité de la vie associative<br />
(4,1 sur 5). Ferme la marche le réseau des anciens avec une note moyenne<br />
de 3,6 sur 5 (mais 4,5 à HEC par exemple). Un point en théorie très fort mais<br />
qui mérite d’être amélioré dans beaucoup d’écoles… n<br />
Le campus de Skema BS à Paris<br />
ei-Cesi et SKEMA lancent des doubles<br />
diplômes ingénieur manager<br />
SKEMA et l’école d’ingénieurs du CESI (ei-CESI) ont conclu un partenariat<br />
qui permettra aux étudiants de chaque établissement d’obtenir un double<br />
diplôme ingénieur-manager, de l’école d’ingénieurs CESI et du programme<br />
Grande École de SKEMA Business School. Les deux établissements comptent<br />
particulièrement former les étudiants pour les nouveaux métiers liés au Big<br />
Data. Tous les étudiants ingénieurs sélectionnés du CESI sont concernés par<br />
ce parcours et pourront suivre leur programme sur les campus français de<br />
SKEMA à partir de septembre 2017. Un travail est également en cours pour<br />
permettre dans un second temps (après validation des instances d’accréditation)<br />
la mise en œuvre d’un cursus manager-ingénieur. n<br />
Qui sont les étudiants à l’université ?<br />
Le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la<br />
Recherche vient de publier une note sur Les étudiants inscrits dans les universités<br />
françaises en 2015-2016, qui sont près d’1,6 million. Si la hausse<br />
est de 4 % en 1 an, 1,2 % sont dus aux doubles inscriptions des étudiants de<br />
CPGE. Dans le détail, les effectifs sont en hausse en cursus licence (+ 2,9 %<br />
hors doubles inscriptions et 967 000 étudiants) et master (+ 3,2 % avec la<br />
montée en charge des inscriptions en masters MEEF - métiers de l’enseignement,<br />
de l’éducation et de la formation -, pour 566 500 étudiants) mais<br />
diminuent en doctorat (-1,6 % et 59 700 étudiants). n<br />
Médecine : le numerus clausus<br />
augmente<br />
Annoncée en novembre 2016, l’augmentation du numerus clausus en<br />
médecine pour 2017 a été confirmée par un arrêté. Ce sont en tout 478<br />
places supplémentaires qui seront ouvertes aux étudiants de première année<br />
commune aux études de santé, soit une hausse de 6 %, pour un total de<br />
8 124 places. n<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 2 FÉVRIER 2017 | N°4
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L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 3 FÉVRIER 2017 | N°4
L’ESSENTIEL DU MOIS<br />
HEC et l’X, 3 e et 4 e au monde dans la formation<br />
des élites<br />
Qui forme les chefs des grandes entreprises dans le monde ? Un<br />
indicateur de ce type avait un temps été produit Mines ParisTech.<br />
Le Times Higher Education a reprise l’idée sous le nom d’Alma<br />
Mater Index. Son édition 2017 donne sans surprise la victoire à<br />
Harvard devant Stanford mais ce sont deux grandes écoles françaises,<br />
HEC et l’École polytechnique, qui suivent alors que trois<br />
autres grandes écoles sont encore classées dans le top 15 : Mines<br />
ParisTech (10 e ), l’ENA (11 e ) et l’Insead (13 e ). La première université<br />
non américaine ou française est la Wuhan University (Chine) alors<br />
qu’Oxford, première université d’un autre pays européen, n’est que<br />
14 e . En Allemagne c’est l’université de Cologne qui domine (15 e ),<br />
au Japon celle de Kyoto (12 e ), en Italie le Politecnica de Milano<br />
(25 e ) et la Complutense de Madrid en Espagne (84 e ).<br />
1,9 milliard Les palmarès des prépas 2017<br />
L’impact économique annuel des huit écoles de management<br />
issues du monde des chambres de commerce et d’industrie et de<br />
l’Université (Grandes Écoles et IAE) sur la région Auvergne-Rhône<br />
Alpes serait de 1,9 milliard. Le rapport de la Fondation nationale<br />
pour l’enseignement de la gestion des entreprises (FNEGE) qui sera<br />
rendu public courant 2017 met notamment en exergue le poids<br />
qu’occupent dans la région leur 700 enseignants-chercheurs et<br />
près de 32 000 étudiants en formation initiale et continue. n<br />
→ L’étude est le fruit de la méthodologie Business School<br />
Impact System (BSIS) développée par la FNEGE et<br />
adoptée par l’EFMD au plan international.<br />
Et ne croyez pas que ce bon rang des institutions d’enseignement<br />
supérieur françaises ne soit dû qu’à la surreprésentation de leurs<br />
diplômés dans les entreprises françaises. Les managers français<br />
se placent à la troisième place des nationalités les plus représentées<br />
à la tête des 500 plus grandes entreprises mondiales, loin des<br />
Américains bien évidemment mais pas si loin des Chinois et loin<br />
devant les Japonais ou les Britanniques. n<br />
Comme chaque année, « l’Étudiant » a scruté les résultats des<br />
CPGE à l’entrée dans les grandes écoles. Son palmarès 2017<br />
propose de nombreuses entrées selon qu’on veut intégrer seulement<br />
l’École polytechnique ou HEC ou des pools d’écoles plus ou<br />
moins larges. Une vérité immuable : Sainte-Geneviève s’impose qu’il<br />
s’agisse d’intégrer l’une ou l’autre des deux écoles leaders. Les littéraires<br />
visant l’ENS Ulm auront de leur côté les plus grandes chances<br />
de réussite à Henri-IV.<br />
Du côté de Challenges également il existe quantité de façons d’établir<br />
son palmarès. S’il s’agit d’intégrer un « top 6 » composé de HEC,<br />
Essec, ESCP Europe, EM Lyon, Edhec et Audencia, Notre-Dame-du-<br />
Grandchamp se classe premier en ECS et Ipesup en ECE. n<br />
EN BREF<br />
→ Un nouveau film pour<br />
SKEMA BS<br />
SKEMA Business School<br />
a lancé le 18 janvier<br />
son nouveau film<br />
#ICHOOSESKEMA qui<br />
met en scène l’expérience<br />
étudiante au sein de ses<br />
campus. Diffusé sur le site<br />
de l’école et les réseaux<br />
sociaux, il a pour objectif<br />
de « permettre aux<br />
étudiants tentés par une<br />
formation internationale de<br />
comprendre en 2 minutes<br />
l’innovation et l’expérience<br />
d’apprentissage et de vie<br />
au sein d’une business<br />
school internationale de<br />
référence ». Le scénario met<br />
en scène quatre étudiants<br />
en Master Of Science (MSc),<br />
qui racontent pourquoi<br />
ils ont choisi Skema et<br />
« l’expérience formatrice<br />
et multiculturelle » qu’ils<br />
sont amenés à vivre, selon<br />
le parcours qu’ils ont choisi,<br />
sur 4 des 6 campus de l’école,<br />
de Raleigh aux États-Unis à<br />
Suzhou en Chine, en passant<br />
par Paris et Belo Horizonte<br />
au Brésil.<br />
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L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 4 FÉVRIER 2017 | N°4
Erasmus fête ses 30 ans<br />
En 30 ans ce sont près de 4 millions de participants (sur 5 millions<br />
d’étudiants), dont 616 000 Français, que le programme Erasmus a<br />
permis de faire voyager en Europe. Alors qu’en 2012 la pérennité<br />
même du programme semblait en cause faute de financements<br />
suffisants, les Etats se sont ressaisis et, avec 17 milliards d’euros,<br />
le budget de la période 2014-2020 est même supérieur de 40 % à<br />
celui de 2007-2013.<br />
Dans le détail :<br />
> en 2016, le séjour de 38 000 étudiants français a été financé<br />
(26 300 pour leurs études et 9 600 en stages) ;<br />
> 33 pays sont concernés, les 28 de l’Union européenne plus<br />
l’ancienne République yougoslave de Macédoine, l’Islande, le<br />
Liechtenstein, la Norvège, la Turquie (la Suisse n’est pas éligible<br />
depuis son vote contre la libre circulation européenne mais devrait<br />
bientôt l’être de nouveau, la « votation » n’ayant pas finalement<br />
donné lieu à une loi) ;<br />
> longtemps toutes égales, les bourses sont aujourd’hui indexées<br />
sur le coût de la vie de chaque pays et varient de 150 à 300 €<br />
(entre 300 et 450 €/mois pour une mobilité de stage). De plus<br />
Depuis plusieurs années Grenoble EM organise un Festival de<br />
géopolitique (cette année du 8 au 11 mars). Sur son blog le directeur<br />
adjoint de Grenoble EM, Jean-François Fiorina, explique pourquoi<br />
Les business schools, c’est aussi de la géopolitique : « Un<br />
monde (encore) ouvert, des enjeux géo-stratégiques, des cultures<br />
et des manières de penser différentes font que la géopolitique<br />
L’ESSENTIEL DU MOIS<br />
la plupart des régions abondent ces sommes pour les étudiants<br />
boursiers ;<br />
> l’université la plus active en termes d’échanges étudiants est,<br />
dans les deux sens, l’université de Grenade (en 2013-2014 elle<br />
recevait 2 020 étudiants et en envoyait 1 918) bien loin devant<br />
les 745 étudiants partis de l’université de Lorraine et les 835<br />
(21 e rang européen) que reçoit celle de Strasbourg, les deux<br />
universités françaises les plus dynamiques. n<br />
Les business schools,<br />
c’est aussi de la géopolitique !<br />
s’impose comme une compétence managériale obligatoire. De la<br />
PME au grand groupe : pour réussir à l’international, savoir travailler<br />
avec des cultures différentes, cela s’apprend. C’est donc notre<br />
vocation de le faire d’autant que le risque pays est de retour.<br />
Si aujourd’hui, cette matière académique est intégrée dans les<br />
cursus des business schools, ce n’est pas (plus) suffisant. » n<br />
EN BREF<br />
→ La bibliothèque<br />
Richelieu rouvre ses portes<br />
C’est un site tout simplement<br />
extraordinaire que<br />
l’on redécouvre rue de<br />
Richelieu à l’occasion de la<br />
présentation des espaces<br />
dédiés dorénavant aux<br />
bibliothèques de l’Institut<br />
national d’histoire de l’art<br />
(INHA) et de l’École des<br />
Chartes sur le site historique<br />
de la Bibliothèque nationale<br />
de France (BNF) rue<br />
Richelieu. La bibliothèque<br />
de l’INHA, déjà présente<br />
sur le site depuis 1993,<br />
s’installe en effet dans la très<br />
prestigieuse salle Labrouste.<br />
La bibliothèque de l’École<br />
nationale des chartes, riche<br />
de 150 000 volumes, occupe<br />
désormais la majeure partie<br />
de l’aile située le long de la<br />
rue des Petits-Champs.<br />
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L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 5 FÉVRIER 2017 | N°4
L’ESSENTIEL DU MOIS<br />
Toulouse BS s’étend à Paris<br />
et fait le point sur sa stratégie<br />
Présent à Paris depuis 2011 pour y délivrer<br />
des programmes de formation continue<br />
(mastères spécialisés, MSc, DBA,<br />
etc.) Toulouse business school vient d’y<br />
ouvrir de nouveaux locaux dans le 15 e<br />
arrondissement. « Nous avions besoin<br />
de locaux ad hoc pour nous développer<br />
à l’international, recevoir les grands<br />
groupes installés à Paris et être en<br />
contact avec nos 8000 alumni qui vivent<br />
en région parisienne », confie le directeur général de TBS, François Bonvalet.<br />
François Bonvalet a profité de la présentation de ses nouveaux locaux pour faire<br />
le point sur une « stratégie 2020 » dont il estime la réalisation « bien engagée ».<br />
Alors qu’il ne veut plus significativement augmenter le nombre d’élèves dans son<br />
programme Grande École – « Nous pourrions en avoir 100 de plus si nous le voulions<br />
mais nous préférons au contraire stabiliser leur nombre (410 places en 2015<br />
et 425 en 2016) et augmenter la barre d’admissibilité (10,55 en 2015 et 10,7 en<br />
2016) » -, la croissance de son chiffre d’affaires devrait plutôt se faire par l’augmentation<br />
des revenus tirés des chaires ou de la formation continue. Le nombre<br />
d’étudiants ne devrait ainsi passer qu’à 5 500 en en 2020 (4 770 aujourd’hui sur<br />
le seul campus toulousain) quand le chiffre d’affaires grimperait lui de 47M€ (sur<br />
le seul campus toulousain, 51M€ en agrégeant les campus de Barcelone et Casablanca)<br />
à 60 M€ tous campus confondus (y compris le nouveau londonien) en<br />
2020. Quelques autres points saillants :<br />
• Le cap des 100 professeurs permanents devrait être bientôt atteint (ils seront<br />
97 cette année pour 92 en 2014) avec un nombre de publications dans les revues<br />
qui a quasiment doublé sur la période 2015-2016 (80) par rapport à 2010-2015<br />
(43,4). « Surtout le nombre d’articles par professeur est passé de 0,52 à 0,91 et<br />
dans les revues étoilées de 0,66 à 1,53. »<br />
• À l’international l’objectif est d’atteindre 25 % d’étudiants « fee paying, degree<br />
seeking ». En expansion (675 étudiants aujourd’hui contre 550 en 2015), le campus<br />
barcelonais reçoit ainsi déjà autant d’étudiants étrangers que français.<br />
• TBS est devenue un établissement d’enseignement supérieur consulaire<br />
(EESC) le 23 décembre 2016 sans que pour autant la chambre de commerce et<br />
d’industrie lui dévolue ses bâtiments. « Avec EY nous sommes en train de calculer<br />
quelle est sa valeur pour que des investisseurs nous rejoignent, et notamment<br />
nos trois grands partenaires que sont Airbus, la Société Générale et Pierre Fabre. »<br />
D’autres banques seraient également intéressées.<br />
• TBS ne souhaite pas du tout fusionner avec Montpellier BS – « Ce serait<br />
une lourde erreur », prévient François Bonvalet, échaudé par la fusion de Reims<br />
MS avec Rouen BS – en dépit de certains appels du pied de la région Occitanie qui<br />
comprend aujourd’hui les deux écoles et va créer un CFA régional. Une hypothèse<br />
que ne valide pas non plus le président de la CCI Occitanie (et président de Toulouse<br />
BS), Alain Di Crescenzo qui parle de « discussions nécessaires » mais « est loin<br />
d’imaginer une fusion » même s’il est à « la recherche d’aides de la région ». n<br />
« Les tops 250 business schools<br />
mondiales »<br />
L’étude Global 250 Business Schools<br />
2017 publiée par QS Quacquarelli<br />
Symonds QS mi-janvier classe les<br />
business schools mondiales en quatre<br />
catégories mettant en avant leurs<br />
standards académiques et d’employabilité.<br />
45 business schools composent<br />
la catégorie reine, dite « élite globale ».<br />
Alors que la Harvard Business School<br />
reste le meilleur MBA, ce sont au total<br />
14 business schools américaines et<br />
quatre canadiennes qui en font partie.<br />
Seize business schools européennes<br />
les rejoignent dans cette catégorie<br />
avec une domination britannique (six<br />
classées dont le leader est la London<br />
Business School) devant trois Françaises (l’INSEAD, HEC Paris et l’Essec),<br />
deux Espagnoles et deux suisses (l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont<br />
chacune une business school classée). La région Asie-Pacifique compte<br />
quant à elle cinq institutions dans cette catégorie : deux de Singapour, deux<br />
Australiennes et une indienne. Enfin l’Amérique Latine est représentée par<br />
deux business schools. Au total, 107 des 250 écoles classées proviennent<br />
d’Amérique du Nord, 82 d’Europe, 42 de la région Asie-Pacifique, 10 d’Amérique<br />
Latine et 9 du Moyen Orient et d’Afrique (où le leader est la Graduate<br />
School of Business de l’Université de Cape Town).<br />
En France, l’Edhec BS se classe tout juste derrière « l’élite globale » et six<br />
business schools françaises obtiennent de bons scores pour leur employabilité<br />
ainsi que leur performance académique et retrouvent ainsi dans le tiers<br />
médian du quadrant supérieur : emlyon BS, Audencia BS, NEOMA BS, la<br />
Sorbonne Graduate Business School (IAE de Paris), Grenoble EM et l’IAE Aix<br />
Graduate School of Management. n<br />
Licence : le tirage au sort<br />
institutionnalisé… ou pas ?<br />
Après avoir trouvé une solution juridique au casse-tête de la sélection en<br />
masters, le gouvernement entendait bien en faire de même pour l’entrée<br />
en licence. Un projet d’arrêté institutionnalisant la possibilité de recourir au<br />
tirage au sort à l’entrée en licence dans les filières « en tension » devait ainsi<br />
être présenté devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de<br />
la recherche (CNESER) le 17 janvier. Mais comment justifier que les futurs<br />
médecins ou juges soient tirés au sort ? Le gouvernement a préféré reculer.<br />
Reviendra-t-il à la charge avant les présidentielles pour prémunir les universités<br />
de recours juridiques de plus en plus couronnés de succès ? n<br />
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L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 6 FÉVRIER 2017 | N°4
ENTRETIEN<br />
Proviseur du<br />
prestigieux lycée<br />
Louis-le-Grand de<br />
Paris et président<br />
de l’Association<br />
des proviseurs<br />
de lycées ayant<br />
des classes<br />
préparatoires aux<br />
grandes écoles<br />
(APLCPGE),<br />
Jean Bastianelli<br />
trace le portrait de<br />
son lycée et revient<br />
sur l’actualité<br />
plus générale<br />
des classes<br />
préparatoires.<br />
« Les professeurs de prépas<br />
doivent être à la fois très engagés<br />
et très bons pédagogues »<br />
→ 400 élèves<br />
Le lycée Louis-le-Grand<br />
accueille chaque année<br />
400 élèves dans ses<br />
différentes classes prépas<br />
en 1 re année (100 en<br />
hypokhâgne, 50 en ECS,<br />
100 en PT-SI et 150 en<br />
MP-SI) et 500 en 2 e année.<br />
En tout, 900 étudiants qui<br />
viennent s’ajouter aux<br />
900 élèves environ<br />
qu’accueille le lycée dans<br />
ses classes de second cycle.<br />
→ 5/2<br />
6 à 7 % des étudiants<br />
cubent dans les prépas<br />
scientifiques (les 5/2),<br />
alors que c’est le cas de<br />
près de 25 % des étudiants<br />
en prépa économique et<br />
commerciale intégrant une<br />
des « parisiennes ».<br />
Olivier Rollot : On reproche souvent aux grands lycées<br />
recevant des classes préparatoires de ne pas être ouverts<br />
à tous les profils, notamment sociaux. Qu’en est-il à<br />
Louis-le-Grand ?<br />
Jean Bastianelli : Vu de l’extérieur Louis-le-Grand est<br />
simplement un lycée d’excellence qui sélectionne ses élèves sur<br />
leur travail. Mais la réalité est que Louis-le-Grand est également<br />
un lycée très ouvert culturellement, géographiquement et<br />
socialement. En seconde, nous recrutons nos 270 élèves dans<br />
200 collèges différents de Paris et d’Ile-de-France, de Garges-<br />
Lès-Gonesse comme du 5 ème arrondissement de Paris, plus<br />
quelques-uns en région mais c’est plus compliqué car nous<br />
ne disposons pas d’un internat pour le second cycle. Ce public<br />
mélangé donne une ambiance de travail remarquable et des<br />
classes très solidaires.<br />
O. R : C’est la même chose en prépa ?<br />
J. B : Encore davantage car nous recrutons sur tout le territoire<br />
et à l’international. L’objectif des 30 % de boursiers reçus dans<br />
l’ensemble des prépas est aujourd’hui atteint. En résumé, nous<br />
recrutons des jeunes de bon niveau, travailleurs et qui vont<br />
réussir – quelle que soit leur origine. Une élite au bon sens du<br />
terme ! Et une élite qui peut poursuivre son chemin dans un<br />
enseignement public qui produit des pôles d’excellence qu’il ne<br />
faut surtout pas laisser à l’enseignement privé.<br />
O. R : Comment sélectionnez-vous vos élèves de prépas ?<br />
J. B : Quand nous regardons les dossiers sur APB nous scrutons<br />
les documents associés, que ce soit les bulletins scolaires,<br />
les notes aux épreuves anticipées du baccalauréat, les fiches<br />
pédagogiques synthétiques que remplissent les professeurs<br />
et les chefs d’établissement. Dans ces fiches, les professeurs<br />
écrivent des appréciations prospectives sur le potentiel de leurs<br />
élèves, leurs qualités, ils indiquent comment ils vont s’épanouir<br />
dans l’enseignement supérieur. Cela nous permet d’aller au-delà<br />
de notes dont on sait qu’elles peuvent varier d’un établissement,<br />
d’une classe ou d’un professeur à l’autre.<br />
O. R : Combien de dossiers analysez-vous chaque année ?<br />
J. B : Pas loin de 10 000. Qui sont très bons car, l’autocensure<br />
jouant, seuls les bons candidats postulent chez nous. C’est un<br />
travail très important dans lequel beaucoup de nos professeurs<br />
sont très investis, tant l’enjeu est fort. Nous ne voulons ni recruter<br />
des élèves qui seront en difficulté, ni passer à côté d’un bon<br />
profil. Bien évidemment, nous ratons quelques bons dossiers,<br />
dans lesquels les qualités des candidats n’ont pas été assez bien<br />
mises en valeur, ou bien que nous n’avons pas su voir, mais<br />
je suis confiant dans la qualité de l’ensemble du système des<br />
CPGE pour que ces élèves réussissent, confiant aussi dans la<br />
diversité de notre enseignement supérieur pour faire réussir tous<br />
les profils par des chemins différents.<br />
O. R : Parce qu’aujourd’hui une bonne prépa se doit avant<br />
tout faire réussir tous ses élèves ?<br />
J. B : Nous ne sommes plus au temps où les élèves étaient<br />
en compétition les uns avec les autres. Là aussi, il faut lutter<br />
contre une vision extérieure et obsolète qu’ont encore beaucoup<br />
de parents qui ont vécu la prépa d’une manière très différente<br />
de ce qu’elle est aujourd’hui. Le mieux, pour un élève qui veut<br />
comprendre ce qu’est aujourd’hui une prépa, c’est de venir à<br />
nos journées portes ouvertes et d‘y rencontrer des camarades<br />
heureux d’être là. Des expériences qu’ils racontent également<br />
volontiers sur les forums Internet.<br />
O. R : Mais tout le monde ne peut pas obtenir l’école dont<br />
il rêve !<br />
J. B : Dans les filières scientifiques comme économiques,<br />
beaucoup d’écoles se sont ouvertes et il y a beaucoup plus de<br />
places après les concours qu’il y a trente ans. Tous les élèves<br />
de prépas savent qu’ils trouveront une place, la question est<br />
seulement de savoir où. Ils n’ont donc pas besoin de se faire<br />
concurrence mais plutôt d’être solidaires pour bien se préparer<br />
ensemble. Même dans la filière lettres, un nombre très important<br />
de perspectives s’est ouvert avec la création de la banque<br />
d’épreuves littéraires.<br />
O. R : Les pédagogies évoluent-elles en prépas ?<br />
J. B : Depuis la réforme des programmes du lycée en 2011,<br />
les approches ont changé, en particulier en sciences avec la<br />
montée en puissance des pédagogies par compétences et de<br />
formes d’évaluation différentes (par exemple les « résolutions de<br />
problème »). Nos professeurs s’appuient sur ces évolutions pour<br />
introduire des modes de travail collaboratifs : deux, trois élèves<br />
peuvent ainsi travailler ensemble et rendre un travail commun à<br />
la demande du professeur à qui il n’importe pas de savoir qui<br />
a fait ou trouvé quoi, mais bien plutôt d’avoir fait chercher et<br />
échanger ensemble. Toute la question est alors de les former en<br />
amont le mieux possible à ces modes de travail.<br />
O. R : Votre travail est de préparer au mieux vos élèves<br />
à des concours très sélectifs. Comment devient-on prof<br />
de prépa ?<br />
J. B : Les professeurs de prépas sont des agrégés qui<br />
candidatent sur les postes spécifiques nationaux. Ils sont<br />
sélectionnés par des inspecteurs généraux. Ce sont des postes<br />
>>> suite page 8<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 7 FÉVRIER 2017 | N°4
ENTRETIEN<br />
>>> suite de la page 7<br />
très exigeants du point de vue académique car ils requièrent un<br />
très haut niveau de compétences dans tous les champs de la<br />
discipline, ce qui est assez exceptionnel. Par ailleurs, ce sont<br />
des postes qui impliquent un engagement exceptionnel et une<br />
grande aptitude au travail en équipe pour faire réussir les élèves.<br />
Les professeurs de prépas doivent être à la fois très engagés et<br />
très bons pédagogues.<br />
O. R : De plus en plus vos professeurs sont également<br />
docteurs.<br />
J. B : Effectivement, aujourd’hui, la majorité des professeurs<br />
recrutés en prépa ont un doctorat. C’est un élément important de<br />
leur formation, mais disons-le clairement : ils ne peuvent guère<br />
poursuivre une véritable activité de recherche tout en étant en<br />
prépa, compte tenu du travail que cela représente.<br />
O. R : Les écoles de management les ont largement<br />
développés, les écoles d’ingénieurs s’y mettent à leur<br />
tour, pensez-vous que les bachelors soient de nouveaux<br />
concurrents des CPGE ?<br />
J. B : Nous portons de l’intérêt à leur développement, sans<br />
tellement d’inquiétude cependant. Il faut pouvoir proposer<br />
différentes formes de cheminement aux jeunes. Les classes<br />
prépas sont très bonnes et vous avez compris que je suis très<br />
convaincu par ce système, mais tous les élèves ne sont pas bâtis<br />
sur le même moule, tous ne trouvent pas le bonheur dans la<br />
prépa. De plus, entrer dans une prépa est parfois compliqué pour<br />
un élève étranger dont la culture de l’enseignement supérieur est<br />
celle de l’université et pas d’une prépa qui reste dans l’ambiance<br />
du lycée. Je comprends évidemment que des élèves rêvent d’un<br />
autre contexte pour leurs études.<br />
Pour revenir aux bachelors, ils concernent des profils différents<br />
de ceux qui choisissent la prépa, des élèves qui visent avant<br />
tout un niveau bac +3/bac +4, professionnalisant. Tous ne<br />
poursuivront pas leur cursus au-delà, et certainement pas tous<br />
dans le même établissement. Ils candidateront éventuellement<br />
sur des Masters dans différentes universités ou Grandes écoles.<br />
Par ailleurs, le nombre de formations grandit, le nombre de<br />
places dans chaque formation grandit aussi – y compris en<br />
CPGE – mais le nombre d’étudiants grandit lui aussi, si bien qu’il<br />
y a de place pour tous les dispositifs, et je dirais même qu’il est<br />
important que différents dispositifs soient proposés. On constate<br />
seulement qu’au sein de cette diversité, l’attrait des prépas reste<br />
très fort, à juste titre à mon sens.<br />
O. R : De plus en plus les grandes écoles mixent leurs<br />
effectifs entre élèves issus de prépas et d’autres<br />
diplômés. Comment les élèves issus de prépas vivent-ils<br />
cette cohabitation avec d’autres profils dont on pressent<br />
qu’ils ont peut-être travaillé moins intensément pour<br />
arriver au même point ?<br />
J. B : Passer par une classe préparatoire c’est avoir acquis des<br />
fondamentaux qui vous seront utiles toute votre vie. C’est avoir<br />
suivi une formation généraliste qui vous a enrichi. C’est avoir<br />
appris des méthodes de travail et d’organisation fondatrices pour<br />
l’ensemble de son parcours académique et professionnel. À une<br />
époque où l’on se repose trop facilement sur Google et Wikipédia<br />
dès qu’il s’agit de rechercher de l’information, c’est disposer de<br />
vraies connaissances tout en s’étant forgé des compétences.<br />
Alors oui, on peut trouver des parcours différents dans les<br />
grandes écoles, mais être passé par une classe prépa c’est<br />
posséder des qualités personnelles spécifiques, une culture, une<br />
créativité, une capacité d’engagement qui font qu’on réalisera<br />
ensuite un parcours exemplaire.<br />
O. R : Une proportion de plus en plus importante d’élèves<br />
de prépas économiques et commerciales cubent<br />
(redoublent leur deuxième année), souvent dans des<br />
prépas privées, pour obtenir la meilleure école. Ne<br />
faudrait-il pas mettre le holà à cette pratique ?<br />
J. B : 6 à 7 % des étudiants cubent dans les prépas scientifiques<br />
(on dit alors qu’ils sont 5/2), alors que c’est le cas de près de 25 %<br />
des étudiants en prépa économique et commerciale intégrant<br />
une des « parisiennes ». Comment expliquer cela ? D’une<br />
part par les « points jeunesse » {qui sont accordés aux élèves<br />
n’ayant pas refait leur deuxième année de prépa scientifique},<br />
d’autre part le grand nombre d’écoles scientifiques de grande<br />
qualité, dans de nombreuses spécialités différentes. Je fais<br />
partie de ceux qui pensent qu’il serait certainement intéressant<br />
d’introduire des « points jeunesse » pour les concours des écoles<br />
de commerce et de management, cela permettrait de mieux<br />
équilibrer les choses, et, notamment, cela induirait certainement<br />
un recrutement de meilleure qualité en supprimant l’intérêt de<br />
tout bachotage.<br />
O. R : L’idée de constituer un « collège des prépas » pour<br />
leur donner une meilleure représentation est ressortie fin<br />
2016. Y êtes-vous favorable ?<br />
J. B : C’est une bonne idée dont il reste à définir le format<br />
précis. Avec l’évolution du paysage de l’enseignement supérieur<br />
et la montée en puissance des communautés d’universités et<br />
d’établissements (Comue) il serait pertinent de donner une<br />
bonne lisibilité aux prépas et de leur permettre de devenir un<br />
partenaire – à tout le moins un interlocuteur - des Comue<br />
comme de la DGESIP, sur le modèle du « collège » que les<br />
instituts universitaires de technologie (IUT) utilisent.<br />
O. R : Où en sont les conventions que les classes<br />
préparatoires ont été amenées à signer avec les<br />
universités pour que leurs élèves y soient également<br />
inscrits comme le prévoyait la loi Fioraso de 2013 ?<br />
J. B : Aujourd’hui, les conventions sont signées, pratiquement<br />
partout. Notre sujet est bien davantage de voir comment<br />
fonctionne le système d’inscription et de validation des semestres<br />
universitaires. En 2016, pratiquement toutes les universités se<br />
trouvaient en année électorale, la majorité d’entre elles engagées<br />
dans les politiques de site plus ou moins complexes : elles ne se<br />
sont donc guère emparées de la question jusqu’ici et cela pose<br />
réellement problème ! De notre côté, nous essayons de rendre<br />
les choses les plus fluides possibles pour nos étudiants qui ont<br />
d’autres soucis que les tracasseries administratives.<br />
O. R : Et qu’en est-il du partage que vous revendiquiez<br />
des droits de scolarité versés par vos étudiants aux<br />
universités ?<br />
J. B : Nous observons comment cela se déroule, nous notons<br />
aussi comment le travail est partagé et, notamment, le surplus<br />
administratif qui nous incombe. Par ailleurs, les étudiants sont<br />
bien scolarisés dans nos lycées, si bien que, au quotidien,<br />
c’est nous qui supportons une très grande partie des charges<br />
administratives afférentes à leur scolarisation. Il y a donc une<br />
vraie logique de réversion de la part des universités. Et certaines<br />
le font d’ailleurs, comme à Lyon ou à Grenoble, mais cela reste<br />
minoritaire et nous n’avons pas la main sur la décision !<br />
O. R : Qu’est-ce que cette double inscription amène à vos<br />
élèves ?<br />
J. B : Si cela se passe bien, cela leur permet de valider<br />
leurs années de prépas au-delà d’une simple équivalence.<br />
Ils obtiennent une L1, une L2 voire parfois, pour les prépas<br />
littéraires, une licence complète. De plus, cela leur ouvre l’accès<br />
à des stages en entreprise ou en institution que l’université est<br />
règlementairement en droit de signer, mais pas les lycées -une<br />
vraie expérience supplémentaire pour eux. n<br />
→ Paris<br />
Un élève de CPGE sur trois<br />
étudie en Ile-de-France et<br />
à elle seule Paris concentre<br />
près d’un étudiant en<br />
CPGE sur cinq. Une<br />
répartition stable dans le<br />
temps.<br />
→ Lycées<br />
Les CPGE se situent<br />
aujourd’hui encore en<br />
grande majorité dans des<br />
établissements publics,<br />
les établissements privés<br />
représentant environ 17 %<br />
des effectifs.<br />
→ Évolution des effectifs<br />
Selon une note flash du<br />
MENESR à la rentrée<br />
2016, les effectifs en classes<br />
préparatoires aux grandes<br />
écoles (CPGE) progressent<br />
légèrement (0,6 %) pour<br />
atteindre 86 500 étudiants<br />
à la rentrée 2016. Ils<br />
augmentent de 0,8 % dans<br />
la filière économique qui<br />
compte 23 % des effectifs.<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 8 FÉVRIER 2017 | N°4
D O S S I E R P É D A G O G I E<br />
Les écoles de management<br />
à l’heure de la diversification<br />
>>> suite de la page 1<br />
→ Le groupe Inseec lance<br />
une école de sport<br />
Dans la corbeille de<br />
l’ESC Chambéry, qu’elle a<br />
rachetée en 2013, l’Inseec<br />
avait trouvé une pépite<br />
sportive qu’est le Cesni, un<br />
organisme de formation<br />
destiné aux sportifs qui a<br />
formé 2700 étudiants et en<br />
reçoit 400 chaque année.<br />
Il s’appuie aujourd’hui sur<br />
cette expérience accumulée<br />
pour lancer INSEEC Sport.<br />
D’ici 3 ans ce sont pas<br />
moins de 1000 étudiants<br />
qui pourraient rejoindre des<br />
programmes bachelors et<br />
MSc qui seront dispensés<br />
aussi bien à Paris que<br />
Bordeaux, Lyon, Londres,<br />
San Francisco et même<br />
Shanghai.<br />
La nécessaire diversification des écoles de management est<br />
également notable dans des écoles postbac dont la plus emblématique<br />
est l’Iéseg, régulièrement classée dans le « top 10 » des<br />
écoles de management françaises et qui reçoit aujourd’hui huit<br />
fois plus d’étudiants qu’en 2000 et un budget multiplié par 16<br />
dans le même temps. « Ces dernières années nous sommes devenus<br />
une « full business school » en passant d’un modèle mono<br />
programme sans accréditation à une école multi programmes<br />
(10 masters of science, deux MBA, un bachelor et bien sur le<br />
programme grande école) triple accréditée. Nous accueillons<br />
également 20 doctorants même si nous ne le délivrons pas.<br />
Nous réfléchissons d’ailleurs à la création d’un PhD », décrit son<br />
directeur, Jean-Philippe Ammeux, qui entend maintenant porter<br />
son budget annuel à 74 millions d’euros (contre 45 millions aujourd’hui)<br />
en 2021.<br />
: Le développement de la formation<br />
continue<br />
Après la montée en puissance de leurs bachelors, le deuxième<br />
grand axe de développement des écoles de management est la<br />
formation continue. « Elle est devenue absolument nécessaire<br />
pour les business schools avec la baisse des financements tirés<br />
de la taxe d’apprentissage comme des subventions des<br />
chambres de commerce et d’industrie », commente le directeur<br />
général du groupe Demos, Dai Shen, qui vient de prendre le<br />
contrôle de Brest business school. Toulouse BS dispose ainsi<br />
aujourd’hui de toute une offre diplômante (Executive MBA, programme<br />
grande école, MBA Aerospace à Paris et Bangalore,<br />
etc.) qui représente un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros.<br />
« Nous ne répondons pas à des appels d’offres mais développons<br />
également des programmes courts ou sur mesure à la<br />
demande de nos clients. Nous avons par exemple créé pour<br />
Le hall d’entrée de Toulouse BS<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 9 FÉVRIER 2017 | N°4<br />
Chausson Matériaux une formation clé en main sur le négoce »,<br />
explique François Bonvalet.<br />
Présente depuis longtemps à Paris, Toulouse BS vient d’y inaugurer<br />
un nouveau campus. Une présence francilienne quasi<br />
obligatoire pour se développer en formation continue en France.<br />
« Notre Executive Education, nos E-MBA et mastères spécialisés<br />
(MS) part time se développent particulièrement bien avec par<br />
exemple cette année le lancement d’un MS Data Analytics. Et<br />
pour cela il faut forcément être implanté à Paris », confie ainsi le<br />
directeur général de NEOMA BS, Frank Bostyn.<br />
Les activités de formation continue peuvent également être très<br />
pointues, notamment avec le poids de l’histoire et les liens avec<br />
les chambres de commerce et d’industrie. Le groupe EM Normandie<br />
possède ainsi un Institut portuaire d’enseignement et de<br />
recherche (IPER). « Basé au Havre et leader mondial de la formation<br />
professionnelle maritime et portuaire, l’IPER forme depuis<br />
plus de trente ans des cadres que l’on retrouve aujourd’hui dans<br />
pratiquement tous les ports du monde », se félicite le directeur<br />
général du groupe EM Normandie, Jean-Guy Bernard.<br />
: Au-delà de la gestion<br />
Le développement des écoles de management peut les emmener<br />
plus loin que leur domaine traditionnel qu’est la gestion. Les<br />
groupes Kedge et ESC Troyes possèdent ainsi des écoles de design,<br />
la Kedge Design School et l’École supérieure de design de<br />
Troyes. Dans le cadre de son plan stratégique l’ISC Paris va créer<br />
un Groupe ISC avec deux filières : l’une classique, l’ISC Paris business<br />
school, et l’autre dans le digital, l’ISC Paris Digital School.<br />
« Avec la montée en puissance des produits hybrides, du numérique,<br />
les métiers changent et les entreprises demandent des<br />
profils possédant des polycompétences. Dans 10 ans il y aura de<br />
plus en plus de parcours croisés entre les écoles d’ingénieurs et<br />
de management ou écoles d’art. Il y aura également la possibilité<br />
pour les étudiants de choisir des blocs de compétences (informatique,<br />
digital, etc.) qui en font les acteurs de leur diplôme »,<br />
confie Bruno Neil, le directeur général de l’ISC,<br />
Une multicompétences qui est au cœur du projet Artem qui réunit<br />
à Nancy l’ICN BS, Mines Nancy et l’École nationale supérieure<br />
d’art et de design de Nancy. « Des ateliers communs entre les<br />
trois écoles ont déjà lieu sur ce campus et 20 % des cours sont<br />
en commun dès la première année de notre programme Grande<br />
École. Nous avons déjà des étudiants qui obtiennent les deux<br />
diplômes d’ICN et des Mines. Et pas seulement des ingénieurs :<br />
une dizaine de nos étudiants – très bons en maths évidemment !<br />
– a également obtenu les diplômes de nos deux écoles », se<br />
félicite Florence Legros, la directrice d’ICN BS.<br />
Ensemble, écoles de management et d’ingénieur, mais aussi universités,<br />
peuvent construire de nouveaux programmes conjoints<br />
qui dépassent leurs seules compétences. HEC et l’École polytechnique<br />
créent ainsi à la rentrée 2017 un graduate degree<br />
« Big Data for business » qui sera consacrée à l’analyse des données<br />
alors que l’X proposait également un parcours de master<br />
sur le sujet. « Mais ce dernier est beaucoup plus orienté vers la<br />
>>> suite page 10
D O S S I E R P É D A G O G I E<br />
>>> suite de la page 9<br />
poursuite en doctorat avec un stage de recherche conséquent.<br />
Le graduate degree est dispensé en anglais et demandera certes<br />
un très bon niveau en mathématiques à ses étudiants mais sera<br />
également orienté vers les aspects économiques liés à l’analyse<br />
des données et à leur impact sur les entreprises. C’est une<br />
double formation scientifique et économique », explique Frank<br />
Pacard, le directeur des études de l’École polytechnique.<br />
: Implantées partout dans le monde<br />
Les écoles de management sont de plus en plus des « multinationales<br />
de l’enseignement supérieur ». Quand on pense à<br />
SKEMA BS on pense d’abord à ses campus délocalisés en Chine<br />
(Suzhou près de Shanghai), Etats-Unis (Raleigh) et depuis la rentrée<br />
au Brésil (Belo Horizonte) au-delà de ses campus français<br />
de Lille, Nice et Paris. « Pour construire les parcours d’études de<br />
nos étudiants, nous réfléchissons d’abord en fonction des compétences<br />
de notre corps professoral et des spécificités de nos six<br />
implantations géographiques. Ainsi nos étudiants peuvent partir<br />
une année pleine ou deux semestres dans un environnement<br />
homogène », explique le directeur des programmes de SKEMA,<br />
Patrice Houdayer. Le MSc in International Business de SKEMA<br />
est par exemple proposé aussi bien à Suzhou, qu’à Sophia Antipolis,<br />
Raleigh et Belo Horizonte.<br />
À l’image de SKEMA, les écoles de management se sont largement<br />
implantées hors de l’Hexagone. Et pas seulement pour y<br />
recevoir leurs propres étudiants. Toulouse BS possède ainsi un<br />
campus à Barcelone depuis 2005 et y recrute de plus en plus<br />
d’étudiants espagnols chaque année en bachelor. « Le modèle<br />
« french business school », qui cumule insertion professionnelle<br />
et vision internationale tout en préservant la proximité avec<br />
les étudiants, attire des étudiants espagnols », analyse Olivier<br />
Benielli, directeur du campus. Aujourd’hui TBS Barcelona est une<br />
antenne rentable dont le chiffre d’affaires atteint les 4 millions<br />
d’euros et reçoit en tout chaque année 675 étudiants et emploie<br />
30 permanents. Quant à l’EM Normandie, si elle est avant tout<br />
implantée à Oxford (avec une antenne de 400 m²) pour y recevoir<br />
ses propres étudiants, elle forme également des cadres territoriaux<br />
au tourisme et en finance publique au Vietnam. En Afrique<br />
elle délivre son programme Grande École en formation continue<br />
en e-learning avec des partenaires africains. « À l’avenir nous<br />
voulons continuer à travailler sur l’axe Seine / Mer du Nord. Nous<br />
étudions la possibilité d’autres implantations dans cette zone.<br />
En effet avec le Brexit, et surtout avec la difficulté d’y obtenir<br />
des visas notamment pour les étudiants africains et asiatiques, il<br />
risque d’être plus difficile d’étudier et de travailler au Royaume-<br />
Uni. Au contraire les Irlandais vont jouer à fond la carte de<br />
l’Europe », confie Jean-Guy Bernard.<br />
Le campus de l’ESC Pau<br />
: Gérer des marques globales<br />
Cette expansion des écoles de management a souvent été abritée<br />
par des écoles externes. Longtemps l’Essec a ainsi préféré<br />
appeler son BBA l’EPSCI pour garder l’appellation Essec à ses<br />
programmes grande école et masters. En choisissant d’en faire<br />
son « Essec Global BBA » en 2012, elle a entraîné un mouvement<br />
de fond : l’Espeme devient le BBA Edhec en 2014, les bachelors<br />
de l’École atlantique de commerce (EAC) deviennent ceux de la<br />
maison mère, Audencia, en 2016. Une question que ne s’est<br />
même pas posée ESCP Europe en fondant son propre bachelor<br />
directement sous sa marque en 2013. Aujourd’hui même l’École<br />
polytechnique n’a aucune crainte à délivrer un bachelor sous son<br />
nom quand cela aurait été inenvisageable il y a encore quelques<br />
années. Toutes considèrent aujourd’hui que leur marque doit être<br />
globale.<br />
Mais jusqu’où les écoles peuvent-elles aller sans risquer d’y<br />
« perdre leur âme ». « La tendance dans les écoles de management<br />
est aujourd’hui de vouloir tout faire, un peu comme<br />
Amazon qui vendait des livres et aujourd’hui vend des lave-vaisselles<br />
ou des chaussettes. On le voit aujourd’hui avec Sciences<br />
Po, qui lance son "Ecole du management et de l’innovation" »,<br />
s’inquiète Jean-Pierre Helfer, ancien directeur de l’IAE de Paris et<br />
d’Audencia BS et aujourd’hui doyen du corps professoral d’EDC<br />
Paris. « Même si nous entendons passer de 4800 à 6000 étudiants<br />
ces cinq prochaines années, nous n’avons pas besoin<br />
de progresser largement en volumes. Il fallait monter en puissance<br />
pour être reconnu mais nous voulons avant tout préserver<br />
notre niveau et l’employabilité de nos diplômés. Notre master of<br />
science in Fashion Management pourrait avoir 1 000 étudiants si<br />
nous le voulions mais comment pourrions-nous leur garantir des<br />
débouchés ? », lui rétorque Jean-Philippe Ammeux.<br />
>>> suite page 11<br />
→ Une « 3 e voie hybride »<br />
pour KEDGE Business<br />
School et l’UTC<br />
L’UTC et KEDGE<br />
Business School créent<br />
à la rentrée 2017 une<br />
formule d’enseignement<br />
post bac en 5 ans inédite<br />
en matière de pédagogie<br />
axée sur l’hybridation<br />
des compétences. Les<br />
deux premières années,<br />
dispensées sur le campus<br />
de KEDGE BS Marseille<br />
puis de l’UTC Compiègne,<br />
prévoient un contenu<br />
pédagogique intégré<br />
avec 1/3 de sciences<br />
de l’ingénieur, 1/3 de<br />
management et 1/3 de<br />
projets hybrides. Aux<br />
termes des 3 premières<br />
années, les étudiants<br />
auront la possibilité de<br />
rejoindre soit un parcours<br />
« full hybride », bac+5 visé<br />
avec double compétence<br />
en management des<br />
technologies qui sera un<br />
diplôme conjoint, soit un<br />
cycle ingénieur à l’UTC,<br />
soit un programme en<br />
management à KEDGE BS.<br />
Le Doctorate in Business Administration : un doctorat de praticien<br />
Tout le monde ne peut pas – ou ne veut pas – se lancer dans<br />
un doctorat traditionnel. Les professionnels de la gestion,<br />
titulaires d’un MBA ou d’un master, ont la possibilité de se<br />
lancer dans l’obtention d’un diplôme spécifique : le Doctorate<br />
in Business Administration (DBA) que dispensent<br />
par exemple Grenoble EM ou Toulouse BS. « Beaucoup de<br />
managers et de cadres qui ont obtenu un MBA (Master of<br />
Business Administration) reviennent ensuite vers leurs professeurs<br />
avec l’objectif de préparer une thèse. Mais la structuration<br />
actuelle des écoles doctorales rend très difficile l’obtention<br />
d’une thèse normalement destinée à des étudiants plus<br />
jeunes susceptibles d’y passer trois ans entiers de leur vie, par<br />
exemple dans le cadre de contrats CIFRE », explique Michel<br />
Kalika, ancien directeur de l’EM Strasbourg et président du<br />
Business Science Institute, qui délivre lui-même un DBA.<br />
« L’idée est que des managers en activité peuvent créer une<br />
connaissance différente de celle des thèses traditionnelles<br />
parce qu’ils partent de pratiques managériales que, par définition,<br />
le jeune doctorant ne connaît pas », reprend Michel<br />
Kalika. Les managers viennent présenter dans les écoles des<br />
projets de recherche très précis. En résumé le DBA est une<br />
« thèse de pratique avec un corpus de connaissance » quand<br />
le doctorat classique est beaucoup plus théorique tout en<br />
restant destiné essentiellement à un public plus jeune. n<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 10 FÉVRIER 2017 | N°4
D O S S I E R P É D A G O G I E<br />
→ Stud’up : l’ESC Troyes<br />
veut mieux orienter<br />
les lycéens<br />
En compagnie de Toulouse<br />
BS et emlyon BS, l’ESC<br />
Troyes a lancé en 2016 le<br />
programme Stud’up pour<br />
aider les étudiants à choisir<br />
leur orientation après le<br />
bac. Pendant un an ils y<br />
apprennent aussi bien à<br />
maîtriser les méthodes de<br />
travail qu’à tracer leur projet<br />
professionnel. « Ce que<br />
nous voulons c’est donner<br />
à des jeunes, qui changent<br />
parfois d’avis et pour<br />
lesquels les passerelles ne<br />
sont jamais faciles à trouver,<br />
une année pour réfléchir »,<br />
explique Francis Bécard, le<br />
directeur général du groupe<br />
ESC Troyes. Au terme de<br />
cette année les étudiants<br />
passent par les processus<br />
d’intégration en 2 e année de<br />
plusieurs bachelors des trois<br />
écoles.<br />
>>> suite de la page 10<br />
: Gare aux dérapages<br />
Si elle est porteuse pour des programmes moins renommés qui<br />
s’appuient sur une marque globale pour se développer, la stratégie<br />
de développement de la marque porte en elle des risques<br />
de « dérapages » que redoute Jean-Pierre Helfer : « Certaines<br />
écoles se développent comme aucune entreprise de grande<br />
consommation n’aurait jamais osé le faire. Gérer tous les programmes<br />
sous une même marque c’est bien mais il faut que le<br />
marché de l’emploi y retrouve ses petits. Sinon les mauvaises<br />
écoles d’un groupe chassent les bonnes comme la mauvaise<br />
monnaie chasse la bonne ». Un risque que mesure bien Emeric<br />
Peyredieu du Charlat qui, s’il veut développer sa marque, insiste<br />
aussi sur le maintien de « l’excellence car tout réagit sur la<br />
marque Audencia. Si une marque est défaillante, la grande école<br />
en pâtit forcément. Nous sommes dans la logique d’une marque<br />
de luxe ombrelle qui doit bien prendre garde à conserver son<br />
excellence dans tout ce qu’elle développe ».<br />
Une analogie avec le secteur du luxe juste à plus d’un titre :<br />
comme un bijou, comme une montre une marque d’enseignement<br />
supérieur fait partie des reconnaissances les plus difficiles<br />
à obtenir et qu’on conserve longtemps au poignet ou tatouée<br />
sur son CV. Être diplômé de l’ESC Amiens dans les années<br />
80 était aussi remarquable que de porter un costume Pierre Cardin.<br />
30 ans après la première a quasi disparu quand le second est<br />
plus connu dans le monde pour ses caleçons que pour sa haute<br />
couture. Mais la déception est incomparablement plus forte chez<br />
des diplômés, qui ont vu leur école s’abimer dans des querelles<br />
internes, des diversifications mal préparées puis l’aventure<br />
France business school, que pour ceux qui ont remisé leur robe<br />
Cardin dans un placard. n<br />
Olivier Rollot<br />
Des écoles de plus en plus spécialisées : l’EMIC dans la musique<br />
Quand les grandes écoles se diversifient, d’autres se spécialisent<br />
dans un domaine. Trois ans après avoir créé le<br />
MBA « Musique Business » avec l’ESG, Daniel Findikian<br />
a lancé en janvier 2017 son École de management des<br />
industries créatives (EMIC) : « Après avoir travaillé vingt<br />
ans dans la musique - chez Sony Music, Virgin, EMI où j’ai<br />
développé la culture digitale -, il m’avait paru naturel de me<br />
lancer dans l’enseignement puis maintenant de créer ma<br />
propre école ». Lui-même diplômé d’une école de management,<br />
Daniel Findikian enseignait depuis quelques<br />
années dans la chaire marketing d’HEC et dans la chaire<br />
Media & Entertainment de l’ESSEC. « Avec mes deux<br />
associés qui viennent eux du monde des jeux vidéo, nous<br />
avons voulu créer une formation de niveau bac +5 généraliste<br />
en première année et qui se spécialise en seconde soit<br />
dans la musique, soit dans les jeux vidéo. » n<br />
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Grenoble Ecole de Management - 01/2017<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 11 FÉVRIER 2017 | N°4
ENTRETIEN<br />
« Brest BS va rester<br />
une grande école<br />
à la française »<br />
Après avoir pris le contrôle du n°2 de la formation continue<br />
française, Demos, en janvier 2016 le groupe chinois Weidong<br />
Cloud Education a pris celui de Brest Business School (BBS)<br />
à la rentrée 2016. Le vice-président de Weidong et directeur<br />
général du groupe Demos, Dai Shen, et le directeur de<br />
BBS, Luc Pontet, expliquent la stratégie qu’ils entendent<br />
maintenant mettre en œuvre.<br />
Le campus de Brest BS<br />
Dai Shen<br />
Luc Pontet<br />
→ Brest Business School<br />
dispense un programme<br />
grande école post-prépa<br />
ainsi que deux bachelors,<br />
un MSc in international<br />
business, des mastères<br />
spécialisés et de la formation<br />
continue. Elle compte<br />
aujourd’hui 470 étudiants.<br />
→ À moyen terme, Brest<br />
Business School entend<br />
multiplier par trois le<br />
nombre de ses étudiants<br />
répartis sur trois sites en<br />
France (Brest, Vannes et<br />
Paris) contre environ 500<br />
actuellement sur Brest et<br />
Vannes.<br />
Olivier Rollot : Comment vous êtes-vous intéressé au<br />
dossier d’une Brest business school qu’on savait en<br />
grande difficulté financière ?<br />
Dai Shen : Le groupe Weidong est basé à Qingdao, ville jumelée<br />
avec Brest et située dans la province du Shandong, dans le Nord<br />
de la Chine, qui est elle-même jumelée avec la région Bretagne.<br />
La proximité était donc forte entre deux régions maritimes qui se<br />
connaissaient bien. En définitive Weidong a pris 70 % des parts<br />
tandis que la chambre de commerce et d’industrie conserve les<br />
30 % restant.<br />
O. R : Quels grands axes allez-vous développer ?<br />
Dai Shen : Ils sont au nombre de quatre. Le premier est<br />
l’internationalisation de Brest BS, notamment dans un axe francochinois<br />
qui va nous démarquer. Il y a énormément de relations<br />
commerciales entre la Chine et la Bretagne et la connaissance de<br />
la Chine donnera de vrais atouts à nos étudiants.<br />
Le deuxième est le développement du digital pour pallier<br />
l’éloignement géographique de Brest et permettre ainsi à tous les<br />
étudiants de garder le lien académique avec leur école où qu’ils<br />
soient. Comme son nom l’indique, Weidong Cloud Education est<br />
justement un spécialiste de la formation par internet et équipe déjà<br />
des centaines d’écoles en Chine. Quant à Demos, il investit depuis<br />
quinze ans dans les formations à distance et forme aujourd’hui<br />
plus sur internet que dans des salles de formation.<br />
Le troisième axe est un développement de la formation continue.<br />
Elle est devenue absolument nécessaire pour les business schools<br />
avec la baisse des financements tirés de la taxe d’apprentissage<br />
comme des subventions des chambres de commerce et d’industrie.<br />
En plus la formation continue rapproche les professeurs de la « vie<br />
réelle » face à l’inflation des contraintes de la recherche et des<br />
classements.<br />
Enfin, nous allons favoriser l’entrepreneuriat chez nos étudiants.<br />
Il y a maintenant dix ans que BBS a créé son incubateur et les DRH<br />
veulent aujourd’hui de plus en plus recruter des jeunes qui ont<br />
tenté une expérience entrepreneuriale.<br />
O. R : BBS sera une école multicampus ?<br />
Dai Shen : BBS sera multicampus (Brest, Vannes, Paris et la<br />
Chine), multimodale (par les nombreux modes d’apprentissage) et<br />
multiculturelle : les étudiants français en bachelor apprennent le<br />
chinois et tous nos étudiants chinois feront de même pour le français.<br />
O. R : Un des problèmes de Brest BS est maintenant de<br />
renouer avec le monde des classes prépas dont elle s’est<br />
éloignée lors de ses deux années fBS et sa sortie des<br />
banques d’épreuves nationales. Luc Pontet, vous qui en<br />
êtes le directeur depuis 3 ans comment comptez-vous<br />
faire revenir les élèves de prépas ?<br />
Luc Pontet : Si aucun élève n’a finalement intégré BBS en<br />
2016 après notre retour au sein du concours de la BCE, ils n’en<br />
ont pas moins été 1 240 à postuler. C’est bien la preuve de la<br />
reconnaissance de BBS par les élèves de classes préparatoires.<br />
Nous avons tenu à fixer une barre d’admissibilité sélective et 30 %<br />
de nos candidats ne l’ont pas dépassée. Les admissibles qui<br />
sont venus passer les oraux ont été séduits par notre projet. Mais<br />
finalement aucun n’a voulu prendre le risque de nous rejoindre<br />
quand est venue l’heure des « duels » avec les autres écoles. Nous<br />
avons besoin de nous installer dans la durée. Cette année nous<br />
ouvrons encore 30 places aux élèves de prépas.<br />
Dai Shen : La philosophie de notre projet c’est de rester dans<br />
le cadre d’une grande école à la française avec un fort ancrage<br />
territorial. Le président de la chambre de commerce et d’industrie<br />
de Brest reste d’ailleurs le président de l’école. Quant aux élèves<br />
de prépas, le nombre de ceux qui correspondent à nos critères de<br />
sélection est insuffisant sur un marché très concurrentiel.<br />
O. R : Allez-vous développer le bachelor de BBS à Paris, où<br />
est le siège de Demos, ou vous concentrer sur la Bretagne ?<br />
Dai Shen : Il est trop tôt pour cela mais il est vrai que les<br />
programmes bachelors sont très parisiens avec l’implantation<br />
récente de nombreuses business schools de régions dans la<br />
capitale. Les familles d’Ile-de-France ont en effet de moins en<br />
moins les moyens d’envoyer leurs enfants loin de chez eux avec<br />
tout ce que cela signifie en termes de logement et de déplacements.<br />
O. R : Votre projet c’est aussi de faire venir des étudiants<br />
chinois en masse à Brest ?<br />
Dai Shen : Des étudiants chinois, indiens, etc. mais pas en masse<br />
car il faut absolument maintenir la diversité sur nos campus.<br />
Nous pensons par exemple accueillir une centaine d’étudiants<br />
chinois par an, soit pour des parcours entiers à Brest soit sur<br />
des partenariats qui les verront passer deux ans en Chine puis<br />
deux à Brest, ou deux et trois ans. Plus nous aurons d’étudiants<br />
internationaux, plus nous ferons venir d’étudiants français ! n<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 12 FÉVRIER 2017 | N°4
ENTRETIEN<br />
« Notre passage<br />
à la BCE est<br />
favorable à la<br />
dynamique<br />
d’ICN »<br />
En quittant le concours Ecricome pour intégrer<br />
la BCE, ICN Business School a provoqué<br />
fin 2016 un vif débat avec ses deux anciens<br />
partenaires, Kedge et NEOMA.<br />
Sa directrice, Florence Legros, explique<br />
ses motivations et sa stratégie.<br />
Olivier Rollot : ICN Business School a pris la décision de quitter les<br />
concours Ecricome à l’automne dernier. Pouvez-vous faire un premier<br />
bilan de votre intégration dans la BCE pour les prépas, Passerelle pour<br />
les admissions parallèles et Atout +3 pour votre bachelor ?<br />
Florence Legros : C’est encore trop tôt pour les deux premiers et on attend la<br />
deuxième session d’Atout +3 pour faire le point sur le troisième. Mais je répète<br />
ce que j’ai déjà dit : ce changement est favorable à la dynamique d’ICN BS avec<br />
de nouveaux développements, de bons classements dans le « Financial Times »<br />
de nouveaux locaux pour la prochaine rentrée, etc.<br />
O. R : Le site Major Prépa a publié le 13 juillet 2016 votre barre<br />
d’admissibilité qui s’est révélée assez basse, aux alentours de 6, quand<br />
vos deux ex-partenaires d’Ecricome, Kedge BS et NEOMA BS, annoncent<br />
respectivement 9,1 et 10,2. Mais pour vous le niveau de cette barre ne<br />
signifie rien.<br />
F. L : Il faut regarder de près les chiffres : les candidats qui avaient des notes aux<br />
alentours de 6 (par valeur supérieure) ne représentaient l’année dernière que<br />
1,7 % des effectifs, soit deux personnes à la barre d’admissibilité (!), que nous<br />
nous refusons à rejeter a priori alors qu’elles ont été formées dans l’excellent<br />
système que sont les classes préparatoires.<br />
Pour autant, si on regarde in fine le rang du dernier intégré à ICN on constate<br />
qu’avec une note aux écrits de 11,2, il est mieux classé que le dernier intégré à<br />
NEOMA BS et Kedge.<br />
O. R : Vous vous demandez comment Major Prépa a pu calculer cette<br />
barre et la publier.<br />
F. L : Il est mathématiquement impossible de trouver précisément le niveau d’une<br />
barre d’admissibilité d’une école dans un concours. La probabilité est de l’ordre<br />
de 10 puissances moins 3 ! Or Major Prépa est tombé juste sur les trois écoles<br />
d’Ecricome. Je me demande effectivement comment c’est possible. Trouver les<br />
trois par « sondage » est de l’ordre de 10 puissances moins 7.<br />
Peu importe, nous assumons pleinement cette barre d’admissibilité.<br />
O. R : C’est de là que date votre questionnement sur votre place dans<br />
Ecricome ?<br />
F. L : Pas seulement. Les écoles doivent publier dans le Bulletin Officiel leur<br />
capacité d’accueil ; il était prévu que Kedge recrute 400 étudiants en admission<br />
parallèle (Tremplin 2). Ils sont montés à 616. Je dirais que la différence de<br />
poids et de taille avec les deux autres écoles n’était pas favorable à ICN et peu<br />
cohérente avec le modèle pédagogique que nous soutenons.<br />
O. R : Vous ne changez pas la barre d’admissibilité cette année ?<br />
F. L : Il faut être cohérent. Une bonne école c’est d’abord une école qui fait réussir<br />
tous les profils. Vous admettrez que nous ne prenons d’ailleurs pas beaucoup de<br />
risques avec des étudiants issus de prépas, formidablement bien préparés, qui<br />
ont peut-être tout simplement eu un accident de parcours.<br />
O. R : Parlons des candidats. Quelles qualités mettez-vous plus particulièrement<br />
en avant pour convaincre les candidats qui viennent passer<br />
les oraux de rejoindre ICN BS ?<br />
F. L : D’abord l’Alliance Artem et le travail qu’ils pourront faire en commun avec<br />
Mines Nancy et l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy. Des<br />
ateliers communs entre les trois écoles ont déjà lieu sur ce campus et 20 %<br />
des cours sont en commun dès la première année de notre programme Grande<br />
École. Être ensemble sur le même campus à la prochaine rentrée permettra aux<br />
étudiants et aux équipes des trois écoles de se rencontrer encore plus souvent.<br />
Ensuite tout l’intérêt qu’il y a à venir à Nancy ou à Metz, dans une région à la<br />
lisière de quatre pays européens qui ne doit surtout plus se résumer à Florange,<br />
mais montrer ses atouts comme nous le faisons avec les offices de tourisme<br />
pour nos candidats.<br />
Enfin, nous mettons l’accent sur une pédagogie différente, qui met l’humain en<br />
avant. Nous voulons former des gens bien et nous avons la chance d’avoir des<br />
étudiants ouverts. Nous voulons les former à être flexibles, souples, adaptables<br />
dans un monde en mouvement.<br />
>>> suite page 14<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 13 FÉVRIER 2017 | N°4
ENTRETIEN<br />
>>> suite de la page 13<br />
O. R : Votre intérêt pour les classes prépas vous l’aviez<br />
déjà manifesté quand vous étiez rectrice de l’académie<br />
de Dijon.<br />
F. L : Le plus beau succès de ma vie professionnelle a été de<br />
monter la première classe préparatoire scientifique destinée<br />
aux bacheliers professionnels à Montceau-Les-Mines. Il a fallu<br />
pour cela convaincre l’inspection générale que de proposer<br />
une année de plus aux bacheliers professionnels – la prépa<br />
dure trois ans – n’avait rien de discriminant mais était tout<br />
simplement nécessaire pour leur permettre de réussir.<br />
Aujourd’hui la totalité de ses 20 élèves intègre chaque année<br />
une école, dont un l’École polytechnique en 2016 ! Très peu<br />
abandonnent en cours de route et j’entends même qu’au<br />
bout d’un an ils ont un meilleur niveau en philosophie – qu’ils<br />
n’avaient jamais étudiée – que la plupart des autres élèves<br />
de prépas. Le seul préalable a été d’avoir des professeurs de<br />
classe prépa motivés, prêts à l’aventure et bourrés de talents.<br />
O. R : Parlons de votre bachelor. Qu’en attendez-vous<br />
alors que la Commission d’évaluation des formations<br />
et diplômes de gestion (CEFDG) vient de remettre ses<br />
préconisations sur la création d’un grade de licence ?<br />
F. L : Notre bachelor SUP’EST accueille environ 200<br />
étudiants par promotion sur nos 3 campus de Nancy, Metz et<br />
Nuremberg. Si la CEFDG obtient la création de ce grade nous<br />
le demanderons bien évidemment mais le visa nous suffit pour<br />
l’instant. L’obtention du grade pour les bachelors leur donnera<br />
plus facilement la possibilité de poursuivre leurs études en<br />
master à l’université et c’est très positif.<br />
O. R : Vous n’avez pas le sentiment que ce grade sera<br />
également porteur de nouvelles contraintes ? Comme<br />
toutes les accréditations d’ailleurs…<br />
F. L : Nous en avons déjà beaucoup pour obtenir le visa et surtout<br />
les accréditations internationales comme Equis et maintenant<br />
celle de l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of<br />
Business) pour laquelle nous sommes en cours d’accréditation.<br />
Pour l’obtenir nous avons remis à plat les maquettes de tous<br />
nos programmes et travaillé avec des partenaires accrédités à<br />
vérifier notre adéquation avec chaque critère.<br />
La distribution des notes du Concours Ecricome en 2016 (graphique : Florence Legros)<br />
Aujourd’hui une business school doit faire de la recherche, être<br />
académique, produire une formation continue qui a du sens.<br />
Nous sommes condamnés à nous développer pour affronter la<br />
concurrence et former des gens de qualité !<br />
O. R : Et à être international. Où en êtes-vous de vos<br />
implantations à l’étranger ?<br />
F. L : Nos étudiants sont très contents de pouvoir aller sur notre<br />
campus de Nuremberg, un très bel endroit où ils profitent d’un<br />
excellent encadrement, mais il faut aller plus loin et nous<br />
nous installerons en 2018 à Berlin. Nous y serons arrimés à<br />
la Grundig Akademie, une émanation du groupe Grundig qui<br />
fait de la formation continue, qui nous fera bénéficier de ses<br />
infrastructures. Ensuite, comme à Nuremberg aujourd’hui,<br />
nous louerons nos propres locaux.<br />
Cette réflexion à aller vers les villes leaders nous l’avons<br />
également en Chine où nous sommes aujourd’hui implantés à<br />
Chengdu, l’une des villes les plus riches et dynamiques de Chine,<br />
surnommée « la ville du plaisir », et souhaitons maintenant<br />
aller également à Shanghai. Là-bas nous partagerons des<br />
espaces avec l’École nationale supérieure d’art et de design de<br />
Nancy pour y créer des programmes communs. Nous sommes<br />
d’ailleurs présents à Shanghai depuis quelques années en<br />
formation continue ; nous ambitionnons d’y développer notre<br />
MSc in Luxury and Design Management. Pour le programme<br />
grande école, nous devons encore travailler.<br />
O. R : Vos étudiants sont parmi ceux qui partent le plus<br />
travailler à l’étranger après leur diplôme.<br />
F. L : La dimension internationale d’ICN BS est très forte,<br />
notamment grâce à notre réseau d’universités partenaires<br />
très dynamique qui nous permet d’offrir de nombreuses<br />
opportunités d’expérience à l’étranger à nos étudiants. C’est<br />
aussi un des bénéfices de notre situation géographique que<br />
de permettre facilement à nos diplômés de trouver des stages<br />
puis un emploi en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg<br />
ou en Suisse. Au total 40 % de nos diplômés, tous cursus<br />
confondus, partent travailler à l’étranger. Résultat : nous<br />
avons un excellent classement dans le Financial Times car ils<br />
trouvent très rapidement un emploi souvent très bien payé. n<br />
→ Artem<br />
Il n’est pas possible de<br />
parler hybridation des<br />
savoirs sans évoquer Artem,<br />
l’alliance qui unit depuis<br />
1999 l’Ecole nationale<br />
supérieure d’art et de design<br />
de Nancy, Mines Nancy<br />
et l'ICN Business School<br />
pour le management. Une<br />
alliance exemplaire dans<br />
sa philosophie qui attire<br />
beaucoup de candidats<br />
qui savent qu’ils pourront<br />
travailler avec d’autres types<br />
d’étudiants. De plus en plus<br />
de programmes sont en<br />
commun et cela s’accentuera<br />
avec l’installation des<br />
trois écoles sur le même<br />
campus en 2017. Le tout<br />
avec une structure très<br />
souple : trois directeurs<br />
qui se rencontrent une fois<br />
par mois pour régler les<br />
problèmes plus un demiposte.<br />
→ Une structure<br />
particulière<br />
ICN BS est un établissement<br />
associé à l’université et des<br />
représentants de l’université<br />
siègent à son conseil<br />
d’administration. De plus<br />
elle occupe des locaux qui<br />
appartiennent à l’université<br />
et ce sera encore le cas en<br />
déménageant sur le nouveau<br />
campus que construit la<br />
communauté urbaine<br />
du Grand Nancy. Ses<br />
chercheurs bénéficient de<br />
l’appui de l’université au sein<br />
d’un laboratoire, le Cerefige,<br />
où travaillent la plupart.<br />
Les ressources d’ICN BS<br />
proviennent à 80 % des<br />
droits d’inscription et 20 %<br />
de la taxe d’apprentissage,<br />
de la formation continue et<br />
des collectivités territoriales<br />
sans aucune dotation de la<br />
chambre de commerce et<br />
d’industrie.<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 14 FÉVRIER 2017 | N°4
PAROLE DE PROF<br />
La constitution d’un continuum entre classes<br />
préparatoires et grandes écoles peut s’inspirer du<br />
modèle médiéval du pâquis. Et recourir, par des<br />
références croisées, à une gestion collaborative des<br />
communs du savoir, patrimoine d’outils et de concepts,<br />
qui transcendent les prés carrés et l’entre soi.<br />
Le pâquis et<br />
le pré carré<br />
Par Véronique Bonnet, agrégée de philosophie, professeur de chaire<br />
supérieure en classes préparatoires économiques et commerciales<br />
ECS au lycée Janson de Sailly, responsable pour la philosophieculture<br />
générale pour la filière ECS au bureau de l’APHEC.<br />
1 - Cet article prolonge les expressions<br />
« illusions des prés carrés » et « tragédie<br />
du verrouillage » en fin de l’article Le<br />
fraisier et la ruche de l’<strong>Essentiel</strong> du Sup<br />
de novembre 2016.<br />
2 - Plus de précisions dans l’article<br />
coécrit avec Odile Benassy dans Bridge<br />
Builders été 2014<br />
http://commongood-forum.tumblr.<br />
com/post/125337943217/dialogueentre-une-experte-du-logiciel-libre-et<br />
3 - Garrett Hardin, The Tragedy of<br />
the Commons. Science (13 décembre<br />
1968), vol. 162.n o 3 859. http://www.<br />
garretthardinsociety.org/articles/<br />
art_tragedy_of_the_commons.html<br />
4 - Ceci, comme indiqué dans Le<br />
fraisier et la ruche, fut à l’origine, en<br />
septembre 1983, du projet GNU de<br />
fédérer des programmeurs autour<br />
du Free Software, lancé par Richard<br />
Stallman.<br />
L<br />
a réflexion initiée par l’APHEC lors de la première édition de<br />
ses Rencontres, en novembre 2015, consacrée au continuum<br />
entre classes préparatoires économiques et grandes écoles de<br />
commerce, peut se nourrir de l’opposition entre le pâquis et le<br />
pré carré 1 , plus couramment rencontrée sous le clivage anglais<br />
médiéval originaire : commons & enclosures.<br />
En 1215, le roi Jean sans Terre se voit imposer la « Grande<br />
Charte », qui limite les avancées de l’arbitraire royal. Certains<br />
points de celle-ci, annexés dans la « Charte des forêts », réaffirmeront<br />
les usages collectifs séculaires de la forêt que le roi avait<br />
voulu restreindre et même éteindre par la répression confiée à ses<br />
sheriffs. Faire paître les troupeaux, ramasser du bois pour restaurer<br />
les toits, et de la tourbe pour se chauffer se trouvent ainsi à<br />
nouveau autorisés. On appelle the commons, les biens communs,<br />
les communs, ce qui est laissé disponible à quiconque voudra s’en<br />
servir. Le pâquis, terre ouverte à la vaine pâture. Le glanage des<br />
épis qui restent après la récolte. Le ramassage des fraises sauvages,<br />
noisettes et champignons. L’accès aux sources pour irriguer<br />
ou étancher la soif. Mais assez vite, peut-être dès le XIII e siècle -<br />
en tout cas Thomas More l’évoque abondamment dans son Utopie<br />
de 1516 au début du XVI e siècle - le mouvement des enclosures,<br />
de la systématisation des enclos, se mit à privatiser ce dont l’usage<br />
n’était réservé à personne en particulier, pour l’affecter à un propriétaire<br />
exclusif. Le modèle de l’accès partagé aux ressources fut<br />
très fréquemment supplanté par celui de l’accès réservé, et de la<br />
chasse gardée. Au pâquis succéda le « pré carré », au sens propre<br />
comme au sens figuré.<br />
: La naissance d’Internet<br />
Ce n’est pas pour rien qu’à l’aube de nos années 70, en plein<br />
développement par les universitaires d’un réseau né acentré et<br />
libre, l’internet, à partir de l’Arpanet conçu par des militaires, l’intérêt<br />
pour les communs et les enclosures rebondit, se fit polémique.<br />
Fallait-il laisser les ressources inouïes de ce réseau, transmettre,<br />
échanger, publier, ouvertes à quiconque, ou enclore des fonctionnalités<br />
pour les réserver à quelques-uns 2 ?<br />
En 1968, alors que les chercheurs commençaient à ouvrir un<br />
gigantesque pâquis virtuel, creuset collaboratif qui permettait aux<br />
universitaires de mettre leurs innovations au pot commun et de<br />
s’inspirer de celles des autres, Garrett Hardin publia La Tragédie<br />
des communs 3 . Il y dénonça l’usage ouvert des ressources à travers<br />
la thématique de la prédation par surpâturage. Si un pâquis<br />
permet un libre accès aux troupeaux, alors celui qui y installe un<br />
temps son bétail a tendance à vouloir optimiser le bénéfice qu’il en<br />
retire. De l’usus, il bascule alors dans l’abusus. Et alors, au terme<br />
de plusieurs usages abusifs, vient un moment où le pâtre qui arrive<br />
ne trouve plus qu’un sol dévasté où presque rien ne repousse.<br />
: Partager les communs<br />
Ce texte de Hardin, partie prenante d’une écologie de la préservation<br />
de la nature, fut interprété comme renvoyant aussi aux<br />
communs de la culture. Pour certains, il tombait ainsi à point<br />
pour préparer la montée en puissance des enclosures numériques,<br />
limitations d’accès, labellisation systématique des logiciels<br />
au début des années 80. 4 Hannah Arendt préconisait, dans<br />
The Human Condition, texte connu en français sous le titre La<br />
Condition de l’homme moderne 5 , de garantir pour les humains<br />
un espace commun à recevoir en héritage et à augmenter. Ne<br />
convient-il pas, sur la Toile, de sacraliser, découper par des<br />
paroles et des dispositifs juridiques, un territoire des communs ?<br />
Au texte de Hardin qui suggérait la prévalence des chasses<br />
gardées, des prés carrés, en tout cas dans le registre naturel,<br />
l’économiste Elinor Ostrom répondit par une étude qui lui valut le<br />
prix Nobel d’économie de 2009, La Gouvernance des biens communs<br />
: pour une nouvelle approche des ressources naturelles 6 .<br />
Dans cet ouvrage, elle répertorie et interroge les ingénieuses<br />
solutions qui permettent à des communautés ayant à gérer<br />
l’utilisation de l’eau, de terres, de zones de pêches d’utiliser à<br />
tour de rôle, sans exténuation, ce qui leur est si nécessaire. Car,<br />
dans la nature, les communs peuvent se tarir.<br />
Les communs du savoir, eux, sont intarissables. Ils perdurent<br />
>>> suite page 16<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 15 FÉVRIER 2017 | N°4
PAROLE DE PROF<br />
>>> suite de la page 15<br />
à leur utilisation et gagnent à être fréquentés par quiconque.<br />
Ainsi la science, la réflexion, le langage. Plus on en fait usage,<br />
moins ils s’usent, plus ils croissent et embellissent. Conférences,<br />
dictionnaires, fictions. D’eux le pâturage est à préconiser, et<br />
même le surpâturage. Des bonnes choses, il faut savoir abuser.<br />
Ces communs-là sont comme des perles de culture qui ont<br />
besoin d’être portées sur la peau ou sur le pull. Leur nacre s’en<br />
trouve irisée et vivifiée.<br />
Dans son Discours d’ouverture du congrès littéraire international<br />
7 , le 7 juin 1878, Victor Hugo prenait bien soin de dissocier<br />
le livre, résultante d’une réflexion dont il faut que l’auteur puisse<br />
vivre pour être indépendant, ce qui suppose un droit d’auteur<br />
dûment garanti, de la faculté de penser, universelle : « Le livre,<br />
comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient<br />
— le mot n’est pas trop vaste — au genre humain. Toutes<br />
les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de<br />
l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce<br />
serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre<br />
préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant<br />
nous ».<br />
: Une manière spécifique d’écrire et parler<br />
Le cursus d’un étudiant en classes préparatoires consiste en<br />
une fréquentation assidue d’outils du patrimoine humain. Nos<br />
élèves sont rompus à un maniement diversifié et circonstancié<br />
de la langue française, en laquelle et par laquelle ils construisent<br />
leur être intime, critiquent, calculent, problématisent, résument,<br />
synthétisent. En un mot, pensent, en se forgeant une manière<br />
spécifique, qui les constitue, d’écrire et de parler. Ils se<br />
modèlent dans une narration d’eux-mêmes, par l’appropriation<br />
plastique d’une syntaxe et d’une sémantique. Ils s’emparent, par<br />
la réflexion, de contextes apparemment clos sur eux-mêmes.<br />
Polyphonie de la dissertation de géopolitique ou de culture<br />
générale ou du devoir de mathématiques qui accoutume à se<br />
faire plusieurs à soi tout seul et à fréquenter l’analogie.<br />
Nous avons des échos, de la part de responsables de Grandes<br />
Écoles de commerce, de l’advenue fréquente, chez nos élèves,<br />
lors de la première année, après l’intégration, d’un blues post<br />
partum, brutale décompression liée aux changements de<br />
repères linguistiques et comportementaux. Rejet des travaux<br />
en équipe, perplexité, même, dans les softs skills. La course en<br />
solitaire des préparationnaires installerait-elle une réticence face<br />
aux synergies attendues en école ? Le passage à l’anglais, dans<br />
des cours ponctuels ou sur un campus entier, ne peut-il se vivre<br />
que comme dépossession de compétences subtiles, cristallisées<br />
dans un parler propre ?<br />
: Le programme de culture générale<br />
Aller plus loin, alors, pour surmonter les enclosures. Cesser<br />
d’invoquer un pré carré contre l’autre. Les lundis au soleil de la<br />
classe préparatoire, en open space, au tu et à toi, avec l’Académie,<br />
le Lycée, le Portique, le Jardin, et en open bar, à se délecter<br />
de la substance de l’Encyclopédie, ne s’éteindront pas dans les<br />
antres, d’abord énigmatiques, des sherpas du supply chain et<br />
des gourous du crowdfunding. Agilité plus douce ou plus ardue<br />
pour qui s’est mu, jusque-là, dans le calcul de propositions ?<br />
Il serait dommage que le cursus en classes préparatoires se<br />
tienne dans l’évitement de notions émergentes. Et que ce qui<br />
paraît radicalement neuf sous le soleil ne se trouve pas abordé à<br />
partir d’outils conceptuels classiques. Étant bien entendu que les<br />
collègues des autres disciplines pourraient aussi bien témoigner<br />
de réalisations en leur matière, je peux ici évoquer le programme<br />
de culture générale de première année.<br />
Dans le chapitre « l’essor technologique et l’idée de progrès »,<br />
il est stimulant d’interroger les attendus et les enjeux du Big data à<br />
partir d’une réflexion sur le patrimoine. Faut-il faire de la captation<br />
mécanique des signaux échangés une publication qui s’ignore, et<br />
qui serait orpheline des intentions de ses auteurs ? Déjà en son<br />
temps, Platon, dans le Phèdre, s’inquiétait du devenir des traces, des<br />
archi-ves. Plus près de nous, Michel Foucault,<br />
dans Les Mots et les choses, s’était penché<br />
sur le stockage des données, et les conditions<br />
d’un accès à elles, qu’il nommait « des séries,<br />
des arbres, des treillis ». Ces préliminaires<br />
théoriques permettent un accès privilégié aux<br />
nodes et hubs de l’espace numérique.<br />
Dans le chapitre « L’esprit des Lumières et<br />
leur destin » ou/et « Étapes de la constitution<br />
des sciences exactes et des sciences<br />
de l’homme », on peut se demander si nos<br />
usages de l’internet ne reviennent pas à<br />
temporaliser l’extériorité, et à spatialiser<br />
l’intériorité, sollicitant ainsi à rebours les<br />
dimensions d’appréhension que travaille<br />
l’esthétique transcendantale de Kant, dans<br />
la Critique de la Raison Pure. Dès lors, la<br />
« digitalisation du monde » ne cache-t-elle<br />
pas, alors, sous son apparente teneur émancipatrice,<br />
héritée des Lumières, des torsions<br />
dans l’exercice du « pouvoir de connaître », du « pouvoir<br />
de désirer », et du « sentiment de plaisir et de peine » ? Son<br />
immédiateté est-elle accélératrice de maturation, ou spoliatrice<br />
des médiations que celle-ci requiert ? La « révolution informatique<br />
», à l’avant-garde de la « révolution quantique » qui donnera<br />
à la notion d’intrication toute sa portée, est-elle ou non<br />
à penser comme une contraposée de la « révolution copernicienne<br />
» ? Fait-elle courir le risque d’une myopie éparpillée,<br />
lorsque « l’espace des flux » se substitue à « l’espace des<br />
lieux » 8 ?<br />
: Le passage du gué<br />
Il serait dommage, une fois en école, de se priver du « pas de<br />
côté » dont les disciplines de la classe préparatoire donnent le<br />
goût, que ce soit en mathématiques, économie, géopolitique,<br />
langues et culture générale, et que les enseignements en école<br />
sollicitent plus que jamais : abstraction, analogie, conjecture,<br />
synthèse, transposition plastique, reformulation, problématisation.<br />
Joie d’apercevoir, dans les algorithmes de l’option finance,<br />
une occurrence de la chrématistique aristotélicienne. De saisir,<br />
comme schéma déjà familier qui se différencie des suivants et<br />
les éclaire, dans le cours de sciences cognitives et marketing, à<br />
propos des dendrites, la théorie des fibres dures et des fibres<br />
molles chez Malebranche. De relire La Philosophie de l’argent de<br />
Simmel, avec énergie, au sortir d’une introduction émérite aux<br />
principes de M&A, fusion/acquisition.<br />
Les Moocs, que les Grandes Ecoles pourraient réaliser pour<br />
présenter les composantes de leur cursus à nos élèves, ainsi<br />
que l’ « expérience terrain » en fin de première année de classe<br />
préparatoire, suggérée par notre président Alain Joyeux, ne<br />
pourraient que dynamiser ce défi d’appréhender, par les notions<br />
rencontrées au lycée, les situations de recomposition du paysage<br />
entrepreneurial travaillées dans les Grandes Écoles.<br />
Ce passage du gué, biseau à concevoir pour une première<br />
année pleinement sereine en École, éviterait à nos élèves désarroi<br />
ou défensive. Il peut s’appuyer, de part et d’autre, sur une gestion<br />
collaborative des communs du savoir, qui transcendent les a priori.<br />
Ainsi serait évité l’épuisement d’un terreau qui pourrait résulter<br />
d’un entre soi sans assolement. Inséminations croisées, sans aucun<br />
doute. Et dans ce pâquis-là, l’herbe sera plus verte. n<br />
La « Grande Charte »<br />
de Jean sans Terre<br />
5 - Hannah Arendt. The Human<br />
Condition. Londres et Chicago,<br />
University of Chicago Press. 1958.<br />
6 - Elinor Ostrom, Governing the<br />
Commons : The Evolution of Institutions<br />
for Collective Action, Cambridge<br />
University Press, 1990.<br />
7 - Victor Hugo Discours d’ouverture<br />
du congrès littéraire international<br />
du 7 juin 1878 https://fr.wikisource.<br />
org/wiki/Discours_d’ouverture_du_<br />
CongrC3%A8s_litt%C3%A9raire_<br />
international<br />
8 - Nous reprenons ici les expressions<br />
de Manuel Castells dans le tome 1 de<br />
l’Ere de l’information, ouvrage paru en<br />
1996, intitulé La Société en réseaux, qui<br />
synthétise cette recomposition au tout<br />
début du chapitre IV intitulé L’espace des<br />
flux : « Les lieux perdent la substance<br />
même de leur signification culturelle<br />
historique et géographique pour être<br />
intégrés dans des réseaux fonctionnels<br />
produisant un espace de flux qui se<br />
substitue à l’espace des lieux ».<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 16 FÉVRIER 2017 | N°4
DE BAT<br />
Étudiants étrangers :<br />
la France moins attractive ?<br />
Alors que le programme Erasmus fête ses 30 ans Campus France, l’organisme chargé de promouvoir<br />
l’enseignement supérieur français dans le monde, jette un froid en s’interrogeant sur une certaine perte de compétitivité<br />
de la France dans le monde. Qu’en est-il exactement ?<br />
Selon un rapport sur la Mobilité des étudiants internationaux<br />
que vient de publier l’Unesco, alors que la mobilité étudiante<br />
mondiale a progressé de 23 % entre 2009 et 2014, la part de la<br />
France a progressé deux fois moins rapidement (+11,2 %). Résultat,<br />
elle recule d’une place et se place à la quatrième place des pays<br />
d’accueil des étudiants en mobilité (et premier non anglophone)<br />
derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et maintenant l’Australie<br />
sur un « marché » qui compte aujourd’hui 4,3 millions d’étudiants<br />
en mobilité, soit une progression de 72 % en dix ans.<br />
: Les chiffres de la France<br />
Si la France continue à attirer chaque année un peu plus d’étudiants<br />
étrangers (310 000 en 2015 soit 12 % des effectifs de<br />
l’enseignement supérieur), les inscriptions de doctorants internationaux<br />
ont par exemple diminué de 4,4 % depuis 2011. La<br />
croissance du nombre d’étudiants étrangers se fait aujourd’hui<br />
essentiellement dans les grandes écoles (+ 27 % en 5 ans) alors<br />
que les effectifs restent stables à l’université (+3 %). En Afrique,<br />
la France voit son attractivité diminuer tout en restant le premier<br />
pays de destination des étudiants. En Europe, la France se situe au<br />
4 e rang des pays d’accueil mais au deuxième rang de la mobilité<br />
des étudiants Erasmus (un peu moins de 25 000 étudiants reçus<br />
en 2014) derrière l’Espagne (plus de 26 000).<br />
: Que font les autres pays ?<br />
Quand la France progresse de 11,2 % ces cinq dernières années,<br />
ses concurrents directs enregistrent pour la plupart des<br />
hausses plus rapides, notamment les pays anglo-saxons : avec<br />
+75 % de hausse en 5 ans, le Canada devient ainsi le 7 e pays<br />
d’accueil quand les États-Unis (+27 %) et le Royaume-Uni (+16 %)<br />
confortent leur place en tête des destinations. D’autres pays en<br />
partie francophones comme la Belgique (+64 %) ou la Suisse<br />
(+42 %) se distinguent par leur dynamisme alors que la Russie<br />
devient le 5 e pays d’accueil (devant l’Allemagne et le Japon), avec<br />
65 % de croissance, la Chine le 9 e (près de 80 % de croissance).<br />
Mais c’est l’Arabie Saoudite qui enregistre la plus forte croissance<br />
sur 5 ans (+260 % !) : grâce à sa politique de bourses d’études<br />
islamiques, elle passe du 27 e au 11 e rang mondial.<br />
: Des stratégies d’influence<br />
Russie, Chine, Arabie Saoudite et Turquie (+ 120 %<br />
d’étudiants internationaux accueillis en 5 ans) ont choisi de<br />
cibler la formation d’étudiants étrangers dans le cadre<br />
d’une nouvelle stratégie d’influence, sur une zone géographique<br />
ou un groupe de populations. La Russie<br />
porte ainsi l’essentiel de ses efforts sur les membres<br />
de la CEI (communauté des États indépendants),<br />
l’ex-URSS. Si la Chine ne diffuse aucune information<br />
sur la provenance de ses étudiants, « la mobilité africaine<br />
vers ce pays serait en augmentation, dans la suite logique du développement<br />
des instituts Confucius en Afrique destinés à développer<br />
l’apprentissage du chinois, et de l’implantation économique du pays<br />
sur ce continent (achat de terres agricoles, de mines, investissements<br />
industriels…) » analysent les experts de Campus France.<br />
Enfin, la très forte augmentation de la mobilité entrante en Turquie<br />
repose essentiellement sur des étudiants d’Asie centrale et du<br />
Moyen-Orient.<br />
: L’apport des étudiants internationaux :<br />
France vs. Royaume-Uni<br />
Uniquement en droits de scolarité, les quelques 435 000 étudiants<br />
internationaux que reçoit chaque année le Royaume-Uni contribuent<br />
pour plus de 12,5 milliards d’euros à l’économie britannique<br />
(plus 5,7 milliards de dépenses diverses). Dans son étude parue en<br />
2014 sur L’apport économique des étudiants étrangers en France,<br />
Campus France estime de son côté à 4,6 milliards d’euros l’apport<br />
des étudiants internationaux à l’économie française. Une simple<br />
division permet d’apprécier la différence : chaque étudiant international<br />
apporte trois fois au Royaume-Uni qu’à la France (aux alentours<br />
des 41 000 € contre 14 600 € en France). Au système payant<br />
relativement cher pour les étudiants internationaux du Royaume-<br />
Uni s’oppose le système très bon marché de la France.<br />
Pour conserver à la France ses « parts de marché » face à des<br />
pays en plein développement, le gouvernement refuse d’augmenter<br />
significativement les frais de scolarité des étudiants internationaux.<br />
Mais est-ce un bon calcul ? Pour beaucoup d’étudiants internationaux<br />
« low cost » et « low quality » se confondent. En fait la France<br />
est peu à prise en étau entre les pays anglo-saxons capables de<br />
faire payer très cher la qualité de leur enseignement tout en attirant<br />
des étudiants étrangers et des pays émergents (Chine, Russie,<br />
Arabie-Saoudite, etc.) lancés dans une stratégie d’influence. n<br />
→ La première zone<br />
d’origine des étudiants<br />
étrangers en mobilité en<br />
France est l’Afrique du nord<br />
(23 %), suivie de l’Afrique<br />
subsaharienne (20 %). Le<br />
Maroc, la Chine et l’Algérie<br />
restent les trois premiers pays<br />
d’origine.<br />
→ Campus France compile<br />
chaque année l’ensemble des<br />
informations utiles sur la<br />
mobilité entrante et sortante<br />
dans le monde et en France.<br />
Lire son rapport 2017.<br />
→ L’Arabie saoudite fait une<br />
entrée en force sur le<br />
continent africain en attirant<br />
les étudiants avec ses bourses<br />
islamiques : les 33 727<br />
étudiants africains accueillis<br />
en 2014 contre 2 447 en 2009<br />
représentent 50 % de la<br />
mobilité entrante dans le pays<br />
contre 19 % auparavant.<br />
L’ESSENTIEL DU SUP | PRÉPAS 17 FÉVRIER 2017 | N°4