Dumas Volume 3

Yelena Mazour-Matusevich
Il était pourtant heureux, ce petit. Il adorait ses
parents, sa mère lui paraissait si belle qu’il se gonflait de
fierté en marchant à côté d’elle sur le boulevard quand
elle le tenait par la main. Il ne se posait jamais de
questions sur sa préférence ouverte pour son frère aîné
car tout ce qu’elle faisait lui paraissait juste. Son père
l’aimait. Il en avait la preuve : une grosse poupée molle,
presque aussi grande que lui. On se moquait de lui dans
l’appartement, un garçon avec une poupée, mais cela lui
était égal. Papa lui offrit la poupée et il l’aimait de tout
son petit cœur. Et puis, il y avait une autre preuve. Un
jour, quand papa était assis sur son tabouret de cuisine et
la fumée entourait sa tête, il appela Samuel. Le petit
s’approcha en souriant, traînant derrière lui sa poupée.
Le père le serra contre sa poitrine, le regarda longtemps
dans les yeux et l’embrassa. C’était bien et c’était
bizarre. Samuel ne le revit plus jamais. Ce fut la guerre.
La guerre qui accorda à son père l’avantage de ne pas
être tuée en tant que Juif. Dans l’horreur de la défaite des
premiers mois on le lui oublia, lui permettant de périr en
soldat, entremêlé et brouillé avec d’autres malheureux
dans leur bref combat et dans leur mort (ingrate?) et
inutile. Au moins, il était épargné le savoir qu’une telle
mort serait bientôt considérée, par des millions
d’hommes de sa race, un privilège inaccessible. Samuel
avait quatre ans.
Ils habitèrent maintenant dans l’appartement
dépeuplé, les voisins ayant évacué. Sa mère s’accrochait
encore à leurs meubles dont la perte éventuelle la
désespérait au point de lui inspirer une sorte de témérité
insensée. Après, quand elle avait enfin compris, c’était
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