Dumas Volume 3

Elle ne l’a pas voulu
coucher du soleil qui jouait sur le visage de la morte.
« Sautez, sautez! » entendit-t-il. L’instinct le fit
rebondir. La fumée grasse et épaisse remplissait le
couloir au fond duquel il pouvait distinguer des gestes
chaotiques des passagers qui s’obstinaient à survivre.
Une figure féminine sortit pour un instant infiniment
court de la fumée ⎯ un homme la poussait à sauter :
c’était sa mère. Il hurla « maman, maman » encore et
encore mais la figure disparut, la fumée noire se referma
sur elle et il resta seul. Il retourna sous le banc, près du
corps inerte de la grosse voisine et ne bougea plus.
Il n’y avait plus rien et il ferma les yeux. Le
bruit du feu consommant la matière remplit l’espace.
Mais ce n’était pas encore fini. « Laisse tomber, tu
brûleras, laisse, imbécile! » cria quelqu’un mais, malgré
ce cri de sagesse, deux bras noirs tirèrent Samuel du
dessous de son banc et le jetèrent à travers la fenêtre
cassée. Deux autres bras le récupérèrent. Le soldat
s’éloigna du wagon brûlant et coucha Samuel par terre.
Samuel regardait. Le train brûlait tout entier
ressemblant à un serpent de feu. Les wagons perdirent
leurs murs et devinrent transparents. Dans les wagons
transparents et lumineux dansaient et sautaient les
silhouettes des passagers en feu, des cris d’enfer se
confondaient avec le bruit du feu dévorant. Les figurines
en flammes sautaient des wagons et couraient vers la
foule compacte de survivants. Ces derniers se jetaient
alors de deux côtés, laissant passer la figurine
enflammée d’un homme ou d’une femme pour ne pas
eux-mêmes contracter le feu. Des figurines couraient
encore un peu, puis tombaient en avant, finissant par
s’éteindre toutes seules en faisant quelques mouvements
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