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Spectrum #2 2018

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TRIBUNE<br />

Discrimination dans la littérature<br />

académique<br />

Vous est-il déjà arrivé d’être complètement<br />

absorbé par le livre d’un auteur que vous respectez,<br />

et de perdre cette admiration en tournant<br />

une page ? Moi oui. J’ai passé la majorité de mes<br />

vacances d’hiver, comme une grande partie des<br />

étudiants, à la bibliothèque. Les quelques travaux<br />

à rendre et les examens qui m’attendaient étaient<br />

pour moi une grande source de stress, mais également<br />

une opportunité pour en apprendre davantage<br />

sur des sujets que je ne maîtrisais pas ou<br />

qui m’étaient inconnus.<br />

Pendant l’inter-semestre, j’ai eu la chance de<br />

pouvoir me renseigner sur un chercheur du début<br />

du 20ème siècle. Enfant génie devenu professeur<br />

universitaire, ses écrits avançaient des points fascinants.<br />

Dans l’un de ses ouvrages, un chapitre<br />

s’intitulait « le judaïsme ». Connaissant un peu<br />

l’Histoire, je savais que l’antisémitisme était très<br />

en vogue depuis des millénaires jusqu’à la 2ème<br />

Guerre Mondiale. Néanmoins, l’œuvre étant née<br />

des mains d’un savant intéressé par l’étude des<br />

« L’appartement » n’est pas particulier. Lorsque je<br />

lui ai demandé de me le décrire, elle m’a regardé,<br />

et hésitante elle a commencé : « il n’est pas vraiment<br />

spacieux, et pas vraiment lumineux. Je ne<br />

peux pas dire qu’il soit pratique, ni même beau en<br />

fait. Il est ordinaire, mais avec plus de charme ».<br />

Et puis, elle a commencé à me donner des mipeuples,<br />

j’étais persuadé que l’écrivain ferait une<br />

étude de la culture hébraïque. J’avais complètement<br />

tort. Il critique les juifs : les juifs sont destructeurs,<br />

leur soif destructive provient de leur<br />

psychologie, elle est dans leur sang.<br />

Cette découverte m’a étonné. Je pensais que<br />

quelqu’un de si instruit était débarrassé de préjugés<br />

raciaux ou ethniques. En regardant plus attentivement,<br />

je me suis rendu compte que la discrimination,<br />

le racisme et le monde académique ont<br />

une histoire commune : certains écrivains des lumières<br />

étaient racistes et sexistes. Des psychiatres<br />

étaient convaincus que l’électrocution était un<br />

moyen justifiable pour arrêter les tendances homosexuelles.<br />

Certains phrénologues (des adeptes<br />

d’une pseudoscience qui était largement acceptée<br />

au 19ème siècle) croyaient que la forme du crâne<br />

des Africains expliquait leur infériorité. Heureusement,<br />

le système de publication universitaire est<br />

devenu manifestement plus sélectif, et les idées<br />

discriminatoires sont moins courantes.<br />

Pedro Pires<br />

2 e vie<br />

Bon sang, elle est flippante cette fille, parce<br />

que plus elle se réfugie dans sa tête, plus la<br />

vie réelle la déçoit. Elle trouve les gens fades, artificieux,<br />

trompeurs et insatisfaisants. Elle passe<br />

ses journées allongée par terre, pour faire évoluer<br />

sa 2 e vie. Elle m’a confié qu’elle était capable de<br />

tout détruire, tout annihiler, se défaire entièrement<br />

de la réalité, pour pouvoir mieux se plonger<br />

dans « l’appartement », ce lieu où elle se sent à<br />

l’abri de sa propre existence. Elle y fait entrer des<br />

compagnons de route extravagants, audacieux,<br />

élégants et désinvoltes, des compagnons d’infortune,<br />

qui tentent de s’emparer de sa rancœur et<br />

de la rendre insignifiante. Elle se pavane dans cet<br />

univers fabuleux où les seuls soucis qu’elle fait<br />

naître n’existent que dans le but d’apporter des<br />

péripéties à l’histoire.<br />

nuscules petits détails. De la marque laissée par<br />

une tasse sur la commode, jusqu’au livre avec<br />

des pages gondolées posé sur la bibliothèque.<br />

C’était malaisant. Je n’arrive pas à comprendre<br />

comment elle a fait pour décider de chaque maladresse,<br />

de chaque hésitation. Elle a conçu un<br />

autre monde, avec des imperfections certes, mais<br />

des imperfections cohérentes.<br />

Je comprends alors pourquoi elle parait si désenchantée<br />

quand elle déambule en bas de notre immeuble,<br />

dans cette rue impersonnelle, où ce que<br />

les autres ont choisi ne l’attire que très peu. Elle<br />

m’a expliqué que les rares choses qui la captivent<br />

sur terre; un visage, une phrase, une odeur, elle<br />

se les approprie : « je les dérobe pour leur fabriquer<br />

une histoire et un avenir ». Elle me regardait,<br />

embarrassée par ses aveux. Embarrassée par son<br />

avarice sans doute. Mais plus je l’écoutais, plus je<br />

saisissais son indifférence et son antipathie pour<br />

le monde : « et jusqu’à tant que mon cerveau aura<br />

l’énergie nécessaire et la volonté de m’apaiser,<br />

de me stimuler, je serai en mesure d’être en paix<br />

avec la vie ».<br />

Dana Sarfatis<br />

Prenez la parole et envoyez vos productions à : redaction@spectrum-unifr.ch<br />

18 04.<strong>2018</strong>

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