magazine CNC été 2018
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DANE ROY.<br />
Artiste anishinaabe et chasseur, Philip Brass se rappelle ses<br />
quatre ou cinq ans alors qu’il marchait derrière son père<br />
dans la vallée de la rivière Qu’Appelle, en Saskatchewan.<br />
Il se souvient encore de la sensation des carex (plante herbacée)<br />
effleurant sa peau et du vent sifflant dans les herbes marécageuses<br />
des prairies.<br />
« Je me souviens de m’être senti petit en comparaison de mon père,<br />
qui était comme un géant pour moi. Mes yeux étaient fixés sur l’arrière<br />
de ses jambes, se rappelle M. Brass. Nous étions à la chasse. Je me<br />
souviens avoir vu les canards tomber du ciel. Il y en avait plusieurs<br />
à mes pieds, et j’étais fasciné par eux. Plus tard, assis autour du feu,<br />
nous avons enlevé les plumes, puis nous avons nettoyé et flambé les<br />
canards (pour éliminer le duvet). L’odeur forte de brulé me rappelle<br />
encore aujourd’hui cette journée. »<br />
Ce lien entre un père et son fils se dit wahkohtowin en langue crie,<br />
ce qui se traduit à peu près par « parenté », explique M. Brass. Ce mot<br />
décrit également la relation des gens avec la nature, et s’inscrit dans<br />
les lois naturelles cries.<br />
« Par le wahkohtowin, nous reconnaissons que toutes les formes<br />
de vie sont reliées, des espèces végétales aux espèces animales, en allant<br />
même jusqu’aux microorganismes vivant dans le sol. Nous respectons<br />
notre interaction avec ces formes de vie, nos rôles respectifs et la relation<br />
que nous entretenons avec l’écosystème que nous habitons. »<br />
M. Brass est membre de la nation crie Peepeekisis de Saskatchewan.<br />
Dans cette communauté et ses environs, il travaille avec les jeunes<br />
Autochtones et non-Autochtones, leur enseignant les connaissances et<br />
les habiletés traditionnelles requises pour veiller sur la terre et en vivre.<br />
Par le wahkohtowin, nous reconnaissons<br />
que toutes les formes de vie sont reliées,<br />
des espèces végétales aux espèces<br />
animales, en allant même jusqu’aux<br />
microorganismes vivant dans le sol.<br />
« Tout ce que nous faisons sur la terre est fait à la manière d’une<br />
prière. Que ce soit marcher, chasser ou cueillir des herbes médicinales,<br />
tout cela s’inscrit dans une cérémonie. Certains enseignements accompagnent<br />
chacune de ces activités. »<br />
La présence de jeunes sur la terre offre de nouvelles possibilités<br />
de comprendre et de nouer des relations entre nous et avec la nature,<br />
explique M. Brass.<br />
« L’apprentissage sur le terrain offre l’occasion de remédier à de<br />
nombreux conflits sociaux auxquels les enfants sont confrontés. Par<br />
exemple, deux garçons peuvent ne pas s’entendre à l’école, mais<br />
lorsque je les emmène sur la terre, où ils doivent travailler ensemble,<br />
ils développent rapidement un sentiment d’appartenance. »<br />
En permettant aux jeunes d’entrer en contact avec la nature,<br />
M. Brass les aide à entrer en contact avec leur culture et avec ses<br />
enseignements traditionnels.<br />
L’héritage saulteux et cri de Philip Brass<br />
influence sa relation avec la nature.<br />
« Mon identité saulteux et crie influence<br />
ma façon d’entrer en contact avec la nature.<br />
Des esprits habitent chaque écosystème.<br />
Lorsque je parle le cri, je parle la langue de la<br />
terre. Les cultures autochtones et leur survie<br />
dépendent de l’existence de celle-ci. »<br />
M. Brass est désormais le père de six<br />
garçons, dont cinq sont des adolescents<br />
adoptés lors d’une cérémonie traditionnelle.<br />
« Nos adoptions se font selon nos traditions<br />
et nos pratiques culturelles. Ces garçons<br />
font partie de notre communauté. Certains<br />
n’ont pas de père, alors que d’autres ont un<br />
père aimant dans leur vie, mais n’ont peut-être<br />
pas les moyens financiers ou les connaissances<br />
culturelles pour offrir certaines occasions<br />
d’apprentissages et enseignements. Je passe<br />
beaucoup de temps sur la terre avec eux. Ils<br />
sont devenus des membres de la famille. »<br />
Dans un monde souvent dominé par les<br />
écrans et les médias sociaux, M. Brass est<br />
passionné par l’idée de ramener la nature dans<br />
la vie des jeunes. En transférant les connaissances<br />
qu’il a acquises de son père et des<br />
générations qui l’ont précédé, il s’efforce de<br />
combler l’écart entre le monde naturel et le<br />
monde humain.<br />
« J’ai eu le privilège d’être introduit à ce<br />
mode de vie, dit M. Brass. En tant que père,<br />
je suis responsable de transmettre ma relation<br />
profonde avec la nature à mes enfants et<br />
à ma communauté. »1<br />
conservationdelanature.ca<br />
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