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Spectrum #5 2018

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UNIPOLITIQUE<br />

Le Parti Pirate Suisse<br />

Face aux dérives d’un monde numérique livré à lui-même et soumis à la loi du plus fort, le Parti Pirate<br />

tente de relever les défis de la transparence et de la protection de l’individu.<br />

MYRIAM GRZESIAK<br />

Fondé le 1 er janvier 2006 par le Suédois<br />

Rick Falkvinge, le Parti Pirate est<br />

désormais présent dans plus de septante<br />

pays à travers le monde. C’est de The Pirate<br />

Bay, site suédois d’échanges de torrents,<br />

qu’il tire son nom provocateur, car il fut<br />

originellement créé pour exploiter une<br />

faille juridique dans le but d’empêcher la<br />

fermeture du site. C’était le commencement<br />

mais non la fin, car il devint ensuite<br />

un mouvement politique à part<br />

entière.<br />

Arrivé en Suisse en 2009, il lutte principalement<br />

pour une construction<br />

équilibrée et transparente de la société<br />

numérique, avec des priorités telles<br />

que la cybersécurité, la liberté de la<br />

presse et un service public audiovisuel<br />

de qualité. En rejetant un univers<br />

médiatique commercial et dominé<br />

par les lobbies, il veut permettre aux<br />

citoyen∙ne∙s de se former une opinion<br />

propre, basée sur des faits véridiques.<br />

J’ai rencontré M. Guillaume Saouli,<br />

co-président du PPS, afin de discuter<br />

de tout cela.<br />

Une lutte d’un nouvel ordre<br />

Bien que le combat politique du Parti<br />

Pirate puisse sembler de second ordre,<br />

on ne peut plus douter de la réalité de<br />

celui-ci : e-banking, intelligence artificielle,<br />

digitalisation des supports, mais<br />

aussi vols de données et cyber-espionnage,<br />

les nouvelles actualités de notre<br />

civilisation hyperconnectée nous<br />

dressent face à de nouveaux défis.<br />

Une chose revient cependant, c’est<br />

l’enjeu de la construction de notre société<br />

numérique : voulons-nous d’un<br />

système qui renie le statut de l’individu<br />

au profit d’un pouvoir immanent et<br />

supranational ou d’un milieu transparent<br />

qui protège la sphère privée grâce<br />

à un cadre clair ?<br />

N’oublions pas qu’une simple carte<br />

client trace le comportement des<br />

consommateur∙rice∙s, informations qui<br />

se vendent chères sur le marché. De<br />

même, des scandales tels Cambridge<br />

Analytica et Data Leak de Swisscom<br />

(800 000 victimes) mettent à mal l’article<br />

13 de la Constitution suisse sur la<br />

protection de la sphère privée. Dès lors,<br />

une question se pose : quand réaliserons-nous<br />

l’importance de lois régulatrices<br />

dans ce domaine ?<br />

La voix du peuple<br />

Il apparaît clair que nous sommes encore<br />

dans une phase d’inconscience collective<br />

face à ce problème. Néanmoins,<br />

certains signes, comme le refus du « No<br />

Billag », qui montre que le peuple suisse<br />

valorise un contenu audiovisuel indépendant<br />

et de qualité, ou l’application<br />

du nouveau règlement européen RGPD,<br />

qui vise une plus large protection des<br />

données, sont encourageants. Dans un<br />

futur proche, la votation sur la loi de<br />

surveillance des assuré∙e∙s permettra de<br />

voir si nous acceptons de perdre un espace<br />

supplémentaire de notre intimité<br />

ou non.<br />

Guillaume Saouli, co-président du Parti Pirate Suisse<br />

L’échiquier politique suisse<br />

En Suisse, le Parti Pirate profite de la<br />

marge de manœuvre qui lui est offerte. «<br />

L’outil démocratique est là. Nous participons<br />

aux consultations, referendums,<br />

initiatives, et sommes présents au niveau<br />

communal. La Suisse est un pays<br />

où il existe une culture du dialogue avec<br />

les autorités. On n’y procède pas frontalement,<br />

mais en collaborant avec le pouvoir<br />

» dixit M. Saouli. Tout n’est cependant<br />

pas rose. Dans le cas de Fribourg,<br />

par exemple, il m’indique notamment<br />

que la section pirate a été en dormance<br />

quelques temps en raison de problèmes<br />

interpersonnels. Le tumulte des années<br />

2012-2013 désormais fini, la renaissance<br />

s’amorce doucement mais sûrement.<br />

Ces deux adverbes pourraient d’ailleurs<br />

être l’adage du Parti qui préfère poser<br />

les bases d’une politique assumée et<br />

construire un réseau d’influence durable,<br />

plutôt que de se lancer dans une<br />

recherche effrénée de membres. M. Saouli<br />

insiste sur le fait qu’il s’agit d’un « outil<br />

dialectique » plutôt que d’une doctrine<br />

politique à proprement parler.<br />

Conclusion<br />

En une période de perte de repères où<br />

chacun∙e semble être soit exploitant∙e<br />

soit exploité∙e numérique, il est bon de<br />

savoir qu’un parti politique se soucie de<br />

cette problématique et cherche à proposer<br />

des solutions à la hauteur. Parler<br />

d’une « société totalitaire pratiquant une<br />

surveillance globale sous couvert de démocratie<br />

», comme indiqué dans le préambule<br />

du Parti semble exagéré, mais<br />

pourtant de nombreux signes montrent<br />

que Big Brother est à nos portes.<br />

© Photo: Tribune de Genève<br />

©Illustration: Debora Michel<br />

6 11.<strong>2018</strong>

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