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Les Cinémas Pathé Gaumont - Le mag - Février 2019

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L’AUTRE REGARD<br />

CE FILM VAUT LE COUP D’ŒIL<br />

Grâce à Dieu<br />

FRANÇOIS OZON ABORDE AVEC DÉLICATESSE LE TRAUMATISME DES VICTIMES<br />

DE PRÊTRES PÉDOPHILES ET QUESTIONNE LE SILENCE ACCABLANT<br />

DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE.<br />

PAR ELSA COLOMBANI<br />

Melvil Poupaud<br />

(à droite).<br />

C’est en découvrant le site de « La Parole Libérée »<br />

que François Ozon a eu envie de raconter la naissance<br />

de l’association des victimes du père Preynat<br />

pour « faire un film sur la fragilité masculine ».<br />

Loin de réaliser un portrait à charge contre l’Eglise catholique,<br />

le cinéaste respecte les faits véridiques, mais s’autorise<br />

certaines libertés afin de créer des « héros de fiction » pour<br />

raconter « l’histoire de leur point de vue de victimes ». S’il<br />

interroge bien le silence coupable du clergé, Grâce à Dieu<br />

s’attache davantage à traiter du lien – inévitable pour les<br />

victimes dans cette affaire – entre le traumatisme et la foi.<br />

Ils sont trois. Alexandre, François et Emmanuel. Trois hommes<br />

d’une quarantaine d’années que rien ne rassemble, de leur<br />

parcours à leur milieu social, et qui pourtant partagent une<br />

histoire commune qui se résume au simple nom de Preynat.<br />

Si l’enfance est désormais lointaine, l’outrage qui lui a été<br />

fait demeure indélébile. Ce traumatisme toujours à vif, Ozon<br />

l’exprime par quelques flash-back qui restent suggestifs. Car<br />

le pouvoir n’appartient pas ici à l’i<strong>mag</strong>e, mais à la parole qui<br />

va lentement se délier. Ce travail nécessaire du temps, le<br />

cinéaste l’inscrit à même la structure du film : un par un, il<br />

suit chaque homme dans son parcours intime vers ce chemin<br />

libérateur, parfois soutenu, d’autres fois entravé par les<br />

proches. Jusqu’à ce que tous se rencontrent pour, avec de<br />

nombreuses autres victimes, combattre d’une voix commune.<br />

Devant la caméra, Denis Ménochet, le corps massif et l’œil<br />

tendre, Swann Arlaud et sa fragilité nerveuse, la sensibilité<br />

d’Éric Caravaca, et la mélancolie délicate de Melvil Poupaud<br />

impressionnent. Dans ces visages habités, le pouvoir de<br />

l’i<strong>mag</strong>e s’installe. François Ozon y décèle cette vulnérabilité<br />

poignante, non divine mais profondément humaine,<br />

qu’on appelle la grâce.<br />

3<br />

bonnes raisons d’y aller<br />

1. Pour la sobriété de la<br />

mise en scène<br />

Provocant (Jeune & Jolie),<br />

inquiétant (Swimming Pool) ou<br />

potache (Potiche), Ozon aime<br />

à surprendre. Ici, il trouve une<br />

alliée redoutable dans une<br />

construction classique tout en<br />

retenue. Jusqu’à la dernière<br />

scène dont la mélancolie saisit<br />

d’émotion, sans crier gare.<br />

2. Pour son trio d’acteurs<br />

Melvil Poupaud, Denis<br />

Ménochet et Swann Arlaud<br />

incarnent avec puissance ces<br />

hommes fragilisés qui décident<br />

de se battre pour briser la loi<br />

du silence. <strong><strong>Le</strong>s</strong> trois acteurs<br />

aux physiques disparates<br />

et aux sensibilités diverses<br />

bouleversent de pudeur et<br />

d’intériorité.<br />

3. Pour la parole libérée<br />

Fidèle au nom de l’association<br />

– réelle – fondée par les<br />

protagonistes, Ozon montre<br />

le long et difficile chemin qui<br />

permet à la parole des victimes<br />

d’abus sexuels de se libérer et<br />

souligne combien la verbalisation<br />

est salvatrice, si dure soit-elle à<br />

entendre.<br />

GRÂCE À DIEU<br />

Réalisation : François Ozon<br />

Avec : Melvil Poupaud, Denis<br />

Ménochet, Swann Arlaud...<br />

Genre : Drame<br />

Durée : 2 h 17<br />

SORTIE : 20 FÉVRIER<br />

24<br />

LES CINÉMAS PATHÉ ET GAUMONT

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