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ÉVÉNEMENT<br />
ÉVÈNEMENT<br />
LE PARI FOU<br />
D’ANTONIN<br />
BAUDRY<br />
I N T E R V I E W<br />
IL Y A CINQ ANS, ANTONIN BAUDRY AVAIT SCÉNARISÉ LE FILM DE BERTRAND TAVERNIER,<br />
QUAI D’ORSAY, ADAPTÉ DE SA PROPRE BD. ET DEPUIS, SILENCE RADIO. IL REVIENT AVEC LE CHANT<br />
DU LOUP, UN FILM DE SOUS-MARIN HALETANT QUI TIENT AUTANT DU JEU D’ÉCHECS QUE DU THRILLER.<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE LUNN<br />
<strong>Le</strong> Chant du loup ne ressemble à rien<br />
de ce qu’on a l’habitude de voir dans le<br />
paysage cinématographique français…<br />
C’est vrai que c’est une aventure un peu<br />
folle qui m’a pris trois ans de travail,<br />
jour et nuit, sans repos et sans relâche.<br />
Comment, quand on vient comme vous<br />
de la diplomatie, en arrive-t-on à faire<br />
un premier film de sous-marin ?<br />
Vous avez un peu de temps ? (Rires.)<br />
Sérieusement, cela fait longtemps<br />
que je veux réaliser un long-métrage.<br />
J’ai fait des études de cinéma – entre<br />
autres. Et j’ai étudié les films d’action<br />
de Hong Kong. Wong Kar Wai, Tsui<br />
Hark, John Woo, sont mes cinéastes<br />
de chevet. <strong>Le</strong>urs films m’ont nourri<br />
et m’ont très vite donné envie d’en<br />
réaliser, bien avant de m’engager dans<br />
la voie de la diplomatie… Concrètement,<br />
je me suis lancé sur <strong>Le</strong> Chant<br />
du loup après le tournage de Quai<br />
d’Orsay [adapté de sa propre BD].<br />
Sur le tournage, je questionnais tout<br />
le temps Bertrand [Tavernier] sur ses<br />
choix. Et puis un jour, j’ai eu un flash :<br />
j’ai vu un sous-marin émerger et tout<br />
s’est enchaîné. L’idée de « l’oreille<br />
d’or » a été centrale.<br />
C’est quoi, cette oreille d’or ?<br />
Dans le milieu des sous-mariniers,<br />
ce sont les spécialistes de l’analyse<br />
acoustique, recrutés pour leur mémoire<br />
auditive hyper développée. Ils sont<br />
formés à la reconnaissance des bruits<br />
sous-marins. J’ai découvert ce métier<br />
pendant mes recherches ; et c’est<br />
l’un des rares domaines où l’humain<br />
est encore supérieur à la machine.<br />
Un commandant de sous-marin se fie<br />
davantage à son « oreille d’or » pour<br />
prendre des décisions qu’à ses sonars.<br />
Tout se fonde sur de l’humain. Et c’est<br />
une idée de cinéma géniale. Pour un<br />
personnage, avoir ce genre d’antenne<br />
vous rend très fragile. Ça m’a permis<br />
de construire le personnage joué par<br />
François Civil.<br />
On a le sentiment que vos comédiens<br />
forment un véritable équipage. Comment<br />
avez-vous réussi ça ?<br />
C’était l’un de mes objectifs. Trouver<br />
une certaine authenticité de jeu<br />
collectif et tenir cette note. D’abord, je<br />
voulais que les acteurs sachent à quoi<br />
ressemble la vie dans ces engins ; on a<br />
donc plongé dans un vrai sous-marin.<br />
Et puis, il fallait travailler le réalisme<br />
dans cet espace. Une amie chorégraphe<br />
les a aidés à bouger, à prendre<br />
conscience des corps des autres. Dans<br />
un sous-marin, les membres d’équipage<br />
se connaissent intimement à<br />
force d’être les uns sur les autres. On<br />
se bouscule, on se dérange : il y a une<br />
connaissance tactile et « mentale » des<br />
corps. Je voulais qu’ils l’intègrent. C’est<br />
aussi un milieu où on ne peut pas mentir.<br />
Quand on est enfermés soixante-dix<br />
jours dans un submersible, on ne peut<br />
pas jouer un rôle, on est obligé d’être<br />
soi-même. C’est la raison pour laquelle<br />
j’ai choisi quatre acteurs principaux<br />
très différents. Il fallait faire ressortir<br />
ces individualités dans le collectif.<br />
<strong>Le</strong> film de sous-marin est un genre à<br />
part entière. Vous aviez des références<br />
précises en tête ?<br />
Il y a une centaine de films de sousmarins<br />
et je crois que je les ai tous<br />
vus. À peu près. (Rires.) Mon préféré<br />
reste Das Boot de Wolfgang Petersen,<br />
mais je voulais m’inspirer du réel<br />
et de mes propres expériences dans<br />
un sous-marin plutôt que de la réinterprétation<br />
du réel par des grands<br />
cinéastes. Si on approche le film à<br />
travers un genre, on risque de reproduire<br />
des clichés. Pendant toute la<br />
période créative, je me suis interdit de<br />
voir un seul film de sous-marin. Je les<br />
adore, et notamment USS Alabama ou<br />
À la poursuite d’Octobre rouge mais<br />
pour moi <strong>Le</strong> Chant du Loup n’est pas un<br />
film militaire. Il n’y a pas d’armée, en<br />
fait. Et ça n’a rien d’un film américain.<br />
C’est effectivement un film à part…<br />
LES CINÉMAS PATHÉ ET GAUMONT 7