Les Cinémas Pathé Gaumont - Le mag - Mars 2019

ÉVÉNEMENT
ÉVÈNEMENT
SANDRINE
KIBERLAIN
I N T E R V I E W
COMÉDIE GÉNÉRATIONNELLE SUR LES RELATIONS MÈRE-FILLE,
MON BÉBÉ OFFRE UN RÔLE EN OR À SANDRINE KIBERLAIN QUI DÉPLOIE
L’ÉTENDUE DE SON TALENT HORS NORME. RENCONTRE.
PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE LUNN
Sandrine, ce n’est pas la première fois
que vous interprétez un personnage de
comédie, mais le personnage d’Héloïse
semble très différent de ce que vous
avez joué avant…
C’est vrai. Je suis passée par pas
mal de genres. J’ai joué des héroïnes
burlesques, des personnages plus
sombres, plus torturés, mais on m’a
finalement peu confié de rôles de
femme « normale », ou disons ancrée
dans la réalité. Héloïse, c’est ça. Une
femme d’aujourd’hui, multifonction,
qui se débrouille comme elle peut avec
son boulot, ses enfants, son ex... avec
la vie quoi ! C’est marrant : quand j’ai
reçu le script, ma fille était en terminale
et était prête à prendre son envol...
Ça m’a parlé immédiatement et, d’une
certaine manière, ça prouvait que Lisa
avait vu juste !
Lisa Azuelos, la réalistrice, ne cache
pas le côté autobiographique du fi lm.
Mais jusqu’à quel point avez-vous nourri
le personnage d’Héloïse de votre propre
expérience ?
À mon sens, le travail d’une actrice c’est
d’abord de se couler dans l’univers de
l’auteur, dans son rythme. J’ai toujours
fait ça, avec les réalisateurs, hommes
ou femmes. Quand je bosse avec un
metteur en scène, j’attrape toujours
quelque chose de son attitude, sa gestuelle
ou son débit vocal, et ça passe à
l’écran... Des amis communs m’ont dit
en sortant du film qu’en me regardant
ils avaient l’impression de voir Lisa, ou
de l’entendre ! C’était d’autant plus
simple dans ce cas précis qu’elle est
très charismatique et bienveillante et
que, comme vous le disiez, sur le papier
Héloïse tient beaucoup d’elle. Pourtant,
mon personnage n’est pas Lisa
à 100 %. C’est un mélange de nous
deux et aussi une pure création. Avec
la costumière, j’ai imaginé un look plus
« rock’n’roll » que ce que je porte habituellement.
Des mini-jupes, des tiags,
elle a un côté foutraque très moderne.
Mais qu’est-ce qu’il y a de vous précisément
?
Je garde mon sang-froid devant les
choses les plus graves, mais face à
des situations dérisoires, je peux
immédiatement partir en sucette.
J’avais envie qu’on voit Héloïse péter
un câble. Dans le script, Lisa avait
fait le portrait d’une mère parfaite,
en fusion avec sa fille, qui se fait
respecter tout en ayant une relation
très copine avec elle. Il a suffi que
j’observe ma vie, mes réactions, que
je regarde les mères qui m’entourent
aussi pour savoir qu’Héloïse ne devait
pas toujours être dans le contrôle
(Rires.) Il fallait qu’elle perde son
calme. Il fallait que ce soit excessif,
drôle, tout en restant authentique.
C’est la scène emblématique où elle
paume son portable et elle panique.
Ce n’était pas écrit comme ça, mais
j’en ai parlé à Lisa et je lui ai dit que
je voulais en faire une scène difficile
; à ce moment-là, c’est terrible
pour elle. Elle devait le vivre comme
si c’était le malheur de sa vie.
Résultat, quand on l’a découvert au
festival de l’Alpe d’Huez, les gens se
retrouvaient dans ce personnage.
Mais ça, c’est la grande force du
cinéma de Lisa. Au cours des projections,
j’ai effectivement remarqué que
les femmes s’identifiaient beaucoup à
Heloïse en sortant du film. Sans doute
parce qu’on est toutes un peu borderline
à certains moments. Comme
dirait Almodóvar, on est toutes « au
bord de la crise de nerfs ». Au quotidien,
comme elle, on compose pour
rester normale en face de la directrice
du lycée qui nous convoque parce
que notre enfant vient de faire une
bêtise ; on reste très polie face au
type qui vient faire le contrôle sanitaire
de notre restaurant et essaie de nous
coincer. Mais on bout intérieurement.
Et parfois… et bien parfois ça dérape.
Sandrine Kiberlain
et Thaïs Alessandrin.
LES CINÉMAS PATHÉ ET GAUMONT 7