Fanzine n°1 - 1740
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La fiction est une absolution. Le pardon de nos culpabilités.<br />
Le mot absolution. Absolution vient du verbe absoudre et signifie être<br />
pardonné de ses fautes. Notre intenable responsabilité collective dans<br />
tout ce qui nous entoure. La fiction est un aménagement avec le réel.<br />
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Tu entends ? Un aménagement, un bricolage.<br />
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Tu blasphèmes…<br />
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Je constate.<br />
Il faut à Sydney Pollack 117 minutes pour raconter Les Trois Jours<br />
du Condor (Three Days of the Condor), il faut ± 676 minutes à Jason<br />
Horwitch pour raconter – somme toute – la même histoire dans<br />
Rubicon. Si 123 minutes suffi à John Frankenheimer pour faire The<br />
Manchurian Candidate, il faut 5 saisons et ± 3.770 minutes pour<br />
Joe Weisberg pour raconter la même histoire ou presque dans The<br />
Americans. Si Westworld est un film de 88 minutes réalisé par Michael<br />
Crichton, qu’il a déjà été adapté deux fois en série, la dernière en date<br />
réalisée par Jonathan Nolan (après avoir scénarisé les film de son frère<br />
Christopher) fait 623 minutes (pour la première saison).<br />
Si, comme le défend Vincent Colonna, la série est la forme d’art la plus<br />
aboutie du XXI e siècle, doit-on la considérer comme un divertissement<br />
et seulement comme tel? Le théâtre, le cinéma, l’opéra, la série<br />
partagent ce qualificatif de divertissement. Divertissement, du latin<br />
divertere (« détourner »).<br />
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Le divertissement nous détourne. Il nous détourne du réel.<br />
Comme si pour donner plus de valeur à sa vérité la fiction se<br />
comportait comme un Marcel Proust tentaculaire opérant par des<br />
corrections additives, un approfondissement infernal et expansif de la<br />
cause des mêmes effets. Sans résultat qu’un autre constat sisyphéen:<br />
“reprenons”.<br />
Et il y a de la fiction partout, elle occupe le terrain comme la renouée du<br />
Japon envahit nos jardins. “Je suis partout” dit-elle. Mais pourquoi ?<br />
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Elle nous divertit. Ce n’est pas rien.<br />
Blaise Pascal a affirmé et défini : “Divertissement. Les hommes n’ayant<br />
pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se<br />
rendre heureux de n’y point penser.” (Les Pensées, Laf. 133). Si j’avais le<br />
temps, je pourrais comme Frazer réincarné dans une sorte d’Hercule<br />
Poirot, faire la topologie des mythes du XXI e siècle à travers les séries.<br />
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Ne remets pas ça à plus tard.<br />
Je soutiens que le rôle effectif de la fiction est un substitut au paradis<br />
terrestre. Elle n’a comme but que de nous faire accepter notre<br />
condition, et dans le cas spécifique du capitalisme, notre soumission.<br />
Et comme un reflet dans un miroir, je défends que le paradis terrestre<br />
est comme tous ses avatars, un artefact spécifique de la fiction, ou<br />
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