Fanzine n°1 - 1740

Ça se vendrait comme des petits pains.
Derrière la fiction, il y a l’illusion de la causalité. La foi, la certitude
que “D’une cause déterminée résulte nécessairement un effet ; et,
inversement, si aucune cause déterminée n’est donnée, il est impossible
qu’un effet se produise” comme l’écrit Baruch Spinoza. Je soutiens que
la relation de cause à effet provoque un plaisir, une extase à laquelle
nous sommes drogués, et que nous sommes enfermés sans perspective
de désintoxication. N’est-ce d’ailleurs pas là l’effet de la drogue, nous
faire voir des causes à ce qui nous semble en être dépourvu ? Je
consomme de la fiction comme une drogue, il m’en faut toujours plus,
toujours plus forte. Mais je m’en méfie comme un vieux toxicomane,
et au-delà du produit je ne ressens que ma propre dépendance, et j’en
viens à espérer ma fin dans une épectase transie.
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Si tout est fiction, est-ce qu’il y a une autre issue que notre
mort ?
L’argent est une fiction. “L’argent n’est qu’une fiction et toute sa
valeur celle que la loi lui donne. L’opinion de ceux qui en font usage
n’a qu’à changer, il ne sera plus d’aucune utilité et ne procurera pas
la moindre des choses nécessaires à la vie. On en aurait une énorme
quantité qu’on ne trouverait point, par son moyen, les aliments les plus
indispensables. Or il est absurde d’appeler « richesse » un métal dont
l’abondance n’empêche pas de mourir de faim ; témoin ce Midas à qui
le ciel, pour le punir de son insatiable avarice, avait accordé le don de
convertir en or tout ce qu’il toucherait. Les gens sensés placent donc
ailleurs les richesses et préfèrent (en quoi ils ont raison) un autre genre
d’acquisition. Les vraies richesses sont celles de la nature ; elles seules
font l’objet de la science économique.” À l’évidence, ce n’est pas sur
cette pensée d’Aristote, que le monde d’aujourd’hui s’appuie, mais sur
son opposée. L’argent est le réel révélé, annoncé et immuable.
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Tu ne réponds pas à ma question.
La propriété est une fiction. Pierre-Joseph Proudhon écrit “La
propriété est une fiction légale”, et la loi elle-même est une fiction. On
ne peut comprendre que la loi d’État s’oppose à la loi religieuse que si
on accepte qu’elles ont en commun leur caractère fictionnel.
L’amour est une fiction. En 2014, quand je me suis moi-même séparé,
je ressentais l’amour comme une fiction. L’amour n’existe pas. Certains
aiment prendre de la drogue, d’autres se jettent à corps perdu dans
le sport, le travail, les voyages. Du jour au lendemain, à notre grand
étonnement d’ailleurs, l’amour peut éclater et n’être plus rien de
commun, de partagé… et disparaître. L’amour n’existe pas dans le réel.
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Tu ne t’aimes pas. Ça pourrait se résumer à ça.
L’amour est une composante indispensable de la fiction, parce que
c’est en somme une fiction originelle, qui se bâtit avec peu de moyens,
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