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Fanzine n°1 - 1740

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Trouver une cause à chaque effet a tout de la fuite en avant. Ne serait-il<br />

pas plus raisonnable de se gargariser en riant du sens comme d’un bain<br />

de bouche mentholé, de lui trouver autant de valeur qu’une chanson<br />

folk grattée sur une mauvaise guitare dans la pièce d’à côté alors qu’on<br />

cherche à trouver le sommeil ?<br />

En 2011, les représentations de la pièce de Romeo Castellucci Sur<br />

le concept du visage de dieu a provoqué l’ire des catholiques (qui<br />

n’avaient d’ailleurs pas vu le spectacle), parce qu’il y avait en fond de<br />

scène une reproduction (ou plutôt l’agrandissement d’un détail) d’une<br />

peinture d’Antonello da Messina, “Salvatore Mundi” (Sauveur du<br />

monde) représentant le visage du christ. Reproduction qui subissait<br />

sur scène les dernier outrages : la contemplation de la déliquescence<br />

de la vieillesse en odorama et l’humiliation de la jeunesse à coup de<br />

grenades. C’est la même peinture qu’avait utilisé George Lucas dans<br />

THX1138 pour incarner le dieu d’une “future” religion consumériste.<br />

Émotionnellement j’ai été plus touché par le dernier film transgressif<br />

de Lucas que par la transgression somme toute fort convenue de la<br />

pièce. Peu importe, c’est une histoire de goût. Ce qui par contre est<br />

atterrant, c’est le manque de cohérence des religieux. Le film a touché<br />

sans nul doute plus de gens que ne le fera jamais Romeo Castellucci,<br />

le blasphème était sans nul doute plus grand à l’écran, sans doute<br />

aussi plus réel, mais n’a provoqué aucune réaction. Cette inconstance<br />

reste pour moi une preuve, s’il en fallait encore, de l’incommensurable<br />

stupidité de la religion, de la croyance. La stupidité, mot emprunté<br />

au latin stupiditas, dérivé de stupere « être engourdi, demeurer<br />

immobile », pléonasme de la foi. Et de la fiction.<br />

--<br />

Tu insistes.<br />

J’ai deux reproductions de peintures accrochées chez moi, l’une est<br />

dans mon dos derrière mon épaule droite Saint-Jérôme dans son<br />

cabinet de travail, et une autre à l’entrée de ma chambre Le Condottiere,<br />

elles sont toutes les deux d’Antonello da Messina.<br />

Antonello da Messina. La légende veut que ce soit lui, après avoir<br />

été illuminé par un portrait de Van Eyck, qui est venu à Bruges pour<br />

subtiliser le secret de la peinture à l’huile, qu’il a ensuite ramené en<br />

Italie et maitrisé.<br />

Saint-Jérôme et le Condottière sont plein de mystères. On ne sait<br />

pas qui est le condottiere, mais il porte une petite cicatrice à la lèvre<br />

supérieure du côté gauche comme en avait une Georges Perec (dont<br />

le premier roman porte d’ailleurs ce titre) et Jacques Spiesser, son<br />

double cinématographique dans Un homme qui dort. Jérôme se<br />

convertit vers l’âge de 18 ans à la suite d’un rêve mystérieux, c’est un<br />

des, ou le, traducteurs de la bible en latin. Patron des traducteurs, c’est<br />

donc le premier traître. Gloire à eux. Un mercenaire, un traître.<br />

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