Fanzine n°1 - 1740

C’est là le contraire de l’humour, une manière de se mettre à la merci de
l’autre, d’accepter franchement la complexité du monde, avec humilité
et sérieux, une manière de se mettre à niveau.
Une dernière chose : peut-être certains d’entre vous resterontils
incrédules devant cette démonstration, un peu sommaire il est
vrai, et supposeront que c’est à nouveau là, de ma part, une preuve
d’humour. Humour à froid, humour en creux, humour au énième degré.
Il est vrai qu’ils auraient des raisons de le penser, car la pratique de
Transquinquennal peut être lue selon ce biais, et nous avons laissé
plus d’une fois place à l’ambigüité. Nous l’affectionnons, c’est vrai.
Mais ce serait une erreur de penser que notre seul but est d’amuser la
galerie en faisant les pince-sans-rire. Notre projet, intellectuel, social,
politique, est tout de même beaucoup plus ambitieux. Si nous avons
recours à la provocation, à l’humour dans son caractère subversif,
déplaçant, c’est que nous voulons avant tout pousser les gens à
réfléchir, et à prendre conscience de jusqu’où ils sont manipulables,
à quel point ils prennent avec légèreté et inconséquence les thèmes
que nous abordons. Les choses ne sont pas si simples. Pourquoi
vouloir résoudre systématiquement la tension intellectuelle que nous
suscitons par la dérision et le soi-disant « second degré » ? Nous
croyez-vous vraiment si nihilistes ? Pourquoi ne nous accorderiezvous
pas le crédit que nous sommes absolument sérieux, et que nous
pensons peut-être réellement ce que nous disons ? Certaines choses
qui vont à contre-courant de la pensée ambiante seront récusées,
désamorçées avant même d’avoir été analysées en profondeur. Pour
pouvoir les considérer sous un autre œil, il faut certes passer par une
certaine perturbation, mais sans pour autant céder à la désopilation,
sous peine de retomber dans la confusion d’où nous nous sommes à
peine extraits.
Le monde n’est pas drôle. Pour le changer, il faut commencer par
nous défaire de nos œillères. La première est peut-être l’humour.
Osons nous détacher du confort protecteur de l’ironie, de la dérision,
et donnons, de bonne foi, une chance à l’esprit de sérieux. Certaines
choses méritent d’être regardées droit dans les yeux. Sans être
remises en question.
Miguel
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