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Bien sûr. Le Tessin et les cantons romands ont une organisation très différente de la Suisse alémanique, où la création de structures de jours est encore très laborieuse. Souvent, les mères actives sont encore qualifiées de mauvaises mères. Il est donc important de ne pas parler de crèches, mais de groupes de jeu pour l’encouragement précoce. La numérisation est aujourd’hui un grand sujet à l’école : mais nous ne savons pas encore quel bagage donner aux enfants. Qu’est-ce que cela signifie pour l’école, les enseignants? C’est vraiment un énorme défi. Tant sur le plan technique qu’au niveau du contenu, une foule de nouveaux outils et connaissances sont nécessaires. Nous ne savons pas encore réellement ce qui nous attend. C’est comme si vous vouliez atteindre une cible qui se déplace à grande vitesse. Aujourd’hui, nous demandons aux élèves de choisir un métier. Mais la plupart des métiers actuels n’existeront plus dans un proche avenir ou de nouveaux verront le jour. Nous essayons de les préparer sans vraiment connaître, à ce stade, les compétences et connaissances dont ils auront un jour besoin. Un autre défi est la pénurie annoncée d’enseignants. Nous avons souligné à plusieurs reprises que nous devrons faire face à une énorme pénurie d’enseignants. Il est grand temps de faire quelque chose. La vague de départs à la retraite approche et beaucoup opteront pour une retraite anticipée en raison de la réduction progressive des prestations chez les caisses de pension. Par ailleurs, plus de 100'000 enfants supplémentaires seront scolarisés à l’horizon 2024. Pourquoi le métier d’enseignant n’attire-t-il pas assez de monde ? Le problème est que le métier d’enseignant est peu reconnu dans la société. Dans ma vie privée, je constate régulièrement que parmi mes connaissances, certaines se font une idée totalement fausse de la profession. Elles sont pleines de préjugés et ont tendance à parler avec mépris des enseignants. Cela n’a en général rien à voir DAGMAR RÖSLER Dagmar Rösler est présidente centrale de l’Association des enseignantes et enseignants LCH depuis août. Elle est la première femme à la tête de la LCH à succéder à Beat Zemp, qui a présidé l’association pendant près de 30 ans. LCH est l’organisation faîtière des enseignantes et enseignants de Suisse et compte 56'000 membres. Elle regroupe des associations cantonales d’enseignants, ainsi que des associations professionnelles. Âgée de 48 ans, Dagmar Rösler est mère de deux enfants et continue de travailler comme enseignante. Elle présidait déjà l’Association des enseignants de Soleure pendant 8 ans. avec des expériences concrètes actuelles, il s’agit bien plus d’une opinion, transmise vraisemblablement aux propres enfants, ce qui est vraiment dommage. En même temps, la formation au métier d’enseignant se rallonge. Il est même exigé qu’ils soient titulaires d’un Master. Est-ce une bonne idée d’élever la barre en période de pénurie d’enseignants ? Bien sûr. C’est exactement ce qu’il faut. Plus la formation est élevée, plus la profession sera reconnue. Nous ne voulons d’ailleurs pas d’enseignants qui choisissent cette profession parce que la formation ne dure que trois ans. Nous voulons ceux qui choisissent ce métier par conviction et qui sont à la recherche d’un défi. En outre, le métier d’enseignant pose aujourd’hui des exigences nettement plus élevées que par le passé, car de nombreux nouveaux défis sociaux et tâches sont venus s’ajouter. Avec une formation courte, cela n’est plus viable. Les enseignants de Suisse alémanique et de Suisse romande souhaitent à présent fusionner pour former l’Association Bildung Schweiz, Formation Suisse: comment progressez-vous ? La fusion devrait être achevée dans environ quatre ans. Les associations alémaniques et romandes collaborent depuis longtemps avec succès. Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le fait qu’il serait judicieux de regrouper les deux associations en une seule entité nationale, tout en intégrant la Suisse italienne dans la démarche. Un groupe de travail est en train d’élaborer divers modèles de la potentielle future organisation de l’association après la fusion. Quels obstacles se profilent à l‘horizon ? La décision des membres de prendre cette direction a été unanime. Nous voulons cette fusion, c’est une évidence. Mais à certains égards, la Suisse alémanique fonctionne différemment de la Suisse romande. La mise en œuvre et l’organisation concrète ne seront certainement pas dépourvues d’obstacles à franchir. Ce ne sera pas un jeu d’enfant, mais je suis certaine que nous y parviendrons. Qu’attendez-vous exactement de cette fusion ? L’organisation sera simplifiée, car les processus seront raccourcis. Mais nous espérons bien sûr que la politique et l’opinion publique accorderont encore davantage d’importance à notre voix. • Interview réalisée par Ingrid Hess 4/19 ZESO 11
Réduire la pauvreté des enfants grâce à des prestations complémentaires pour familles La pauvreté infantile est largement répandue en Suisse et constitue un problème grave. Les prestations complémentaires pour familles peuvent nettement améliorer la situation précaire des familles touchées par la pauvreté. Caritas exige donc du Parlement nouvellement élu une loi-cadre pour l’introduction de prestations complémentaires pour familles à l’échelle nationale. Environ 1,7 million d’enfants vivent en Suisse. Quelque 103'000 sont touchés par la pauvreté. Cela signifie qu’il existe, en moyenne, un enfant en situation de pauvreté dans chaque classe scolaire, trois d'’entre eux étant même menacés par la pauvreté. Un tiers des bénéficiaires de l’aide sociale sont des enfants et des adolescents. Ils forment le plus grand groupe d’âge dans l’aide sociale. Les enfants qui grandissent dans la pauvreté, en Suisse, connaissent de nombreuses restrictions dans leur vie quotidienne. Ce qui va de soi pour leurs copains peut constituer un obstacle quasi insurmontable à leurs yeux. L’argent manque souvent, même pour de petits riens. Les sommes à payer pour le camp scolaire, la photo de classe ou le cadeau d’anniversaire d’un camarade pèsent sur le budget familial. Les conditions de vie exiguës et l’absence d’un lieu où ils peuvent s’isoler ne permettent pas aux enfants de se concentrer sur leurs devoirs ou d’inviter des amis à la maison. Ils vivent souvent dans des logements bon marché, dans des rues très fréquentées, où il leur est difficile de jouer. Ceux qui peuvent grimper aux arbres ou s’amuser dans le bac à sable font de nombreuses expériences qui favorisent leur capacité d’apprentissage. Les activités récréatives, les loisirs ou les sports dans des clubs ne sont souvent pas à la portée des familles démunies. Le choix des loisirs n’est alors pas dicté par les aptitudes et intérêts des enfants, mais dépend de la capacité financière de la famille. Les raisons de la pauvreté infantile en Suisse Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les enfants sont touchés par la pauvreté dans une Suisse pourtant prospère : Coûts des enfants : un enfant coûte entre CHF 7'000 et CHF 14'000 par an. Un montant calculé par la Confédération dans son rapport sur la politique familiale, publié en 2015. Celui-ci n’inclut pas les coûts indirects résultant de la baisse du taux d’activité des parents, en particulier des mères, après la naissance de leur premier enfant, pour assumer le travail domestique non rémunéré. Une situation qui réduit leur contribution au revenu du ménage. Faible revenu des parents : 71'000 enfants grandissent dans des ménages de travailleurs pauvres. Cela représente près de 70 % des enfants touchés par la pauvreté en Suisse. Leurs parents travaillent soit dans des secteurs à bas salaires, soit dans des emplois précaires, y compris des postes auxiliaires, des emplois temporaires ou du travail sur appel. Malgré une activité lucrative, leur salaire ne suffit pas à couvrir les frais d’entretien de la famille. Que les familles soient pauvres ou non dépend donc largement de l’activité lucrative et du revenu des parents. Le revenu dépend de la formation des parents : le montant dont dispose une famille dépend fortement du niveau de formation le plus élevé des parents. Lorsqu’au moins un parent détient un diplôme universitaire, le taux de pauvreté des enfants est le plus faible, soit de 2,8 %. En revanche, lorsqu’aucun parent n’a suivi de formation post-obligatoire, le taux de pauvreté des enfants est d’environ 10 % et le taux de risque de pauvreté grimpe à près de 40 %. La conciliation entre vie famille et vie professionnelle est insuffisante : en Suisse, les possibilités de concilier vie familiale et vie professionnelle sont encore insuffisantes. Malgré les efforts déployés au niveau fédéral, les offres de prise en charge extrafamiliale et extrascolaire abordables et accessibles sont encore rares. La flexibilisation croissante du travail, avec des horaires irréguliers, pose des défis majeurs aux familles à faibles revenus. Les crèches ne sont souvent pas finançables par les familles en situation de pauvreté. Ces offres d’accueil ne proposent aucune solution aux personnes exerçant une activité dans le secteur à bas salaires – par exemple le travail sur appel. Il existe, en outre, des lacunes au niveau de la garde des enfants pendant les vacances scolaires ou lorsqu’ils sont malades. Le risque de divorce est mal couvert : en Suisse, un mariage sur trois se solde par un divorce. Après un divorce, les familles monoparentales sont particulièrement touchées par la pauvreté. Le revenu des parents séparés doit suffire à financer deux ménages. La pension alimentaire, parfois durement obtenue, ne suffit souvent pas à assurer l’existence de la famille. Par ailleurs, ce sont surtout les mères qui continuent de réduire leur taux d’activité ou qui quittent la vie active pour s’occuper de leurs enfants. Plus tard, il leur est souvent difficile de réintégrer un marché du travail ultradynamique. L’Etat n’investit pas assez dans l’enfance et les familles: dans notre pays, les enfants sont communément considérés comme une affaire privée. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Suisse investit peu dans l’enfance et les familles. À cet égard, elle évolue nettement en-dessous de la moyenne européenne. Les dépenses consacrées à l’éducation et à la prise en charge de la petite enfance sont, en moyenne, trois fois plus élevées dans les pays de l’OCDE qu’en Suisse. Faibles perspectives de formation et d’avenir La pauvreté infantile est aujourd’hui non seulement une catastrophe, elle détermine aussi les parcours de vie des enfants concer- 14 ZESO 4/19 DOSSIER
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