Quand votre corps tire la sonnette d’alarme Beaucoup de gens en sont persuadés : le burn-out, c’est pour les autres ! Mais, notre journaliste l’a constaté elle-même, ce sont justement ceux qui pensent cela qui sont le plus violemment touchés… 56 PSYCHOLOGIE POSITIVE
TÉMOIGNAGE Et voilà : je me retrouvais quelque part au nord de l’Italie, assise sur un trottoir. Effondrée. J’avais l’impression de ne plus pouvoir respirer et d’avoir une tonne de pierres sur la poitrine. Ma soif d’oxygène s’accompagnait de pleurs hystériques. Une crise d’angoisse classique, sauf que je ne le savais pas à ce moment-là. Je me suis laissée aller, car il n’y avait pas d’autre option. Au cours des mois précédents, je n’étais pas vraiment moi-même. J’ai toujours aimé prendre un verre au café, entourée d’autant d’amis que possible. Mais soudain, même faire mes courses au supermarché m’était insoutenable. « Vous devez essayer de vous détendre », m’avait dit le médecin – qui pensait que j’étais simplement surmenée. « En venant de passer un mois à Bali, ça m’étonnerait ! » lui ai-je répondu, moqueuse. J’étais totalement aveugle à ce qui m’arrivait, alors que depuis quelques jours, un muscle intercostal me faisait un mal de chien à cause de mon hyperventilation continuelle. LE “VERDICT” J’ai essayé de toutes mes forces de me détendre, mais je ne savais pas comment faire. Je n’y parvenais tout bonnement pas. J’ai décidé de m’en aller seule, loin de chez moi pour quelque temps, et je suis partie un mois en Italie. Dans le pays de l’art et du farniente. À moi le repos ! ai-je pensé. S’il y a un endroit où je pourrais l’apprendre, c’est bien là-bas. Mais j’avais la tête comme une passoire. C’est ainsi que lors de mon départ, j’ai oublié d’emporter toutes mes valises à l’aéroport, et qu’il m’est arrivé régulièrement en Italie d’oublier mon porte-monnaie ou de ne pas rapporter les courses dont j’avais besoin. J’étais incapable de faire des choses tout à fait logiques ou simples à effectuer. Même retenir quel jour on était devenait compliqué pour moi. Une fois de retour chez moi, rien ne s’était amélioré. J’avais des crises de larmes sans motif apparent, je dormais à peine et me réveillais en sursaut tous les matins à cinq heures. J’étais totalement épuisée, mais tellement sous adrénaline que je ne trouvais pas le repos. Et cela me désespérait tant que je ne savais plus comment sortir de l’ornière. Trois semaines plus tard, je me suis retrouvée chez un psychologue et le verdict inévitable est tombé : burn-out. Épuisée, vidée. Incrédule, j’ai pris mon vélo pour rentrer chez moi, en me répétant ces paroles : « Je fais un burn-out, je fais un burn-out. Mais comment est-ce possible ? » UNE TÊTE SUR PATTES Je dois reconnaître que je n’avais jamais bien compris le phénomène du burn-out. Je pensais qu’il n’atteignait que les personnes “fragiles”, qui ne supportaient pas bien la pression au travail, qui étaient prédisposées à la névrose et paniquaient rapidement. Des personnes qui n’avaient pas vécu grand-chose. Mais moi ? Je pensais être la pondération personnifiée… Je n’avais donc jamais réellement réfléchi à la façon dont je menais ma vie… À comment, en tant qu’autoentrepreneure, je courais constamment d’une commande à l’autre. Je travaillais même le week-end. Je fonçais en fait d’une obligation sociale à l’autre. Et puis, les mots « non, je ne peux pas » ne faisaient pas partie de mon vocabulaire. J’étais une sorte de tête sur pattes, et c’est sans doute pour ça que j’avais ignoré tous les signaux de mon corps, et que j’avais persévéré dans cette voie. D’après une grande enquête menée par la CFDT en 2017, un Français sur trois déclare avoir déjà fait un burn-out au cours de sa carrière. Une proportion qui s’élève à 54 % chez les chômeurs. Plus de 51 % des personnes interrogées lors de l’étude ont considéré que leur charge de travail était excessive. « Nous nous laissons facilement entraîner par une société où tout va très vite et où – presque – tout est possible », affirme la psychologue Jo rien Spruit, qui accompagne beaucoup de personnes souffrant de burn-out. « De plus en plus d’entreprises sont ouvertes 24 heures sur 24, et on s’attend donc plus souvent à ce que les gens travaillent et soient accessibles en dehors des heures de bureau. Par ailleurs, les réseaux sociaux nous montrent en permanence toutes les possibilités qui s’offrent en matière de produits, d’emplois, d’études et de développement personnel. Les entreprises et les autoentrepreneurs utilisent en outre les réseaux pour acquérir des clients et se présenter. Cela peut contribuer à l’idée que vous devez, vous aussi, être disponible sur ces réseaux sans arrêt. » À côté de cela, des caractéristiques comme l’ambition, le sentiment de responsabilité, l’implication et le perfectionnisme peuvent rendre les gens plus sensibles au burn-out. Tout comme la façon dont ils gèrent les problèmes et les situations stressantes. La psychologue ajoute : « Ceux qui veulent tout faire parfaitement travaillent plus souvent et plus longtemps que ceux qui trouvent qu’assez bien suffit. » PSYCHOLOGIE POSITIVE 57