La reconstruction n’est pas linéaire, elle s’effectue par à-coups. Pour huit années de violences conjugales, il en aura fallu seize à Marie pour se reconstruire. Voici son histoire. Je m’appelle Marie, j’ai 42 ans, je suis maman de deux adolescents de 13 et 15 ans et, parmi de multiples activités professionnelles, je suis autrice. Si écrire est une passion depuis l’enfance, il m’aura fallu de très nombreuses années avant de me sentir enfin prête à raconter, dans un livre, une expérience de plusieurs années qui a marqué mon entrée dans l’âge adulte. Pendant huit ans, mon “premier amour”, ce garçon de mon âge rencontré au lycée à 16 ans, m’a violentée, consciencieusement “façonnée” à son désir, jusqu’à dissoudre ma volonté et assujettir mon corps. LA RENCONTRE Nous venons à peine de fêter nos 16 ans lorsque Thomas et moi nous embrassons pour la première fois le 31 décembre 1994. Nous sommes élèves dans la même classe de première littéraire, et pour tous les deux, c’est une première histoire d’amour. Thomas, réservé et très discret, a encore moins d’expérience que moi, qui n’ai embrassé que trois garçons jusqu’ici. Je suis une ado indépendante, introvertie, je passe des heures seule dans ma chambre à dessiner des portraits et à lire des romans, des revues de cinéma et des livres d’égyptologie. Si je me demande souvent dans mon lit à quoi ressemblera le futur père de mes enfants, je ne cours pas après les garçons et, d’ailleurs, cette relation naissante avec Thomas ne m’intéresse pas. C’est lui et nos camarades de classe qui me poussent à y entrer, malgré moi, lorsque le lycée reprend. Ne sachant comment lui dire non et désireuse, déjà, ne pas le blesser, j’accepte tout : me faire raccompagner tous les jours après le lycée et squatter ma chambre, rencontrer nos parents respectifs, passer tous mes week-ends avec lui, chez lui ou chez moi. Tout mon temps libre tourne très rapidement autour de lui, qui veut être constamment avec moi. Je ne sais pas comment dire non et comment préserver mon espace vital mais je minimise l’importance de me faire 58 PSYCHOLOGIE POSITIVE
TÉMOIGNAGE PSYCHOLOGIE POSITIVE 59