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ÉDITO<br />
La Tunisie<br />
en transition<br />
permanente<br />
par Zyad Limam<br />
Biennale<br />
DAK’ART EST UNE FÊTE !<br />
Des<br />
combattants<br />
déjeunent dans<br />
leur tranchée,<br />
en 1915.<br />
Soldats de la coloniale<br />
Le destin héroïque<br />
et tragique<br />
des tirailleurs<br />
LA CRISE<br />
QUI VIENT<br />
Ukraine, énergie, inflation,<br />
sécurité alimentaire, dette… L’Afrique face à la tempête.<br />
HISTOIRE<br />
L’odyssée<br />
des rois<br />
de Napata,<br />
pharaons<br />
noirs<br />
INTERVIEW<br />
Ndèye<br />
Fatou Kane<br />
« Ce monde<br />
est<br />
fait<br />
pour les<br />
hommes »<br />
+<br />
Découverte<br />
DJIBOUTI<br />
CÉLÈBRE<br />
SES 45 ANS!<br />
N°<strong>429</strong> - JUIN 2022<br />
L 13888 - <strong>429</strong> S - F: 4,90 € - RD<br />
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C<br />
DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />
Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 000 FCFA ISSN 0998-9307X0
édito<br />
LA TUNISIE EN<br />
TRANSITION PERMANENTE<br />
PAR ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />
Fin mai 2022, voyage à Tunis, avec les sensations,<br />
les différences et les convergences entre ce<br />
que l’on lit et l’on entend à l’extérieur et ce que l’on<br />
ressent sur place. Cette magnifique baie de Tunis tout<br />
d’abord, la mer Méditerranée, lorsque l’on atterrit. Le<br />
premier contact avec l’aéroport, Tunis-Carthage, qui<br />
semble tel un vieux navire amiral, saturé et épuisé.<br />
Cette sensation d’activité, de fourmillement, avec<br />
les embouteillages, les immeubles flambant neufs,<br />
tous ces nouveaux quartiers, qui encerclent de plus<br />
en plus l’ancien centre-ville, ces autoroutes urbaines,<br />
ces embouteillages permanents, ces gens, nombreux,<br />
qui conduisent comme de véritables dingues,<br />
des dangers publics pour eux-mêmes et pour les<br />
autres. Il y a ces restaurants pleins, ces marchés animés,<br />
ces boutiques achalandées. Et cette impression<br />
pourtant que tout coûte cher, horriblement cher. Il y<br />
a ces grands bateaux que l’on voit dans la rade du<br />
port, au large, et dont un spécialiste me dit qu’il s’agit<br />
de cargaisons de blé qui attendent un paiement<br />
avant de débarquer… Il y a ces hôtels complets, un<br />
peu partout de Tunis à Djerba, avec les touristes qui<br />
reviennent en masse. Il y a eu le pèlerinage de la<br />
Ghriba, un véritable succès avec des centaines de<br />
fidèles venus se recueillir et festoyer dans l’une des<br />
plus anciennes synagogues du monde arabe. Avec<br />
les sempiternelles polémiques stériles sur les relations<br />
entre la Tunisie, sa diaspora juive et les passeports<br />
qu’elle détient…<br />
Une dame évoque une urgence médicale, un<br />
séjour dans une clinique privée, avec des médecins<br />
et des équipements dignes de l’Europe, de la médecine<br />
du premier monde. Et puis, il y a ces hôpitaux<br />
publics qui faisaient autrefois la gloire de la Tunisie<br />
et qui luttent, se déglinguent, malgré le dévouement<br />
et la qualité des équipes. Un peu comme l’école et<br />
les universités.<br />
Il y a cette Tunisie fonctionnelle, dans son<br />
siècle, celle des gens aisés, qui semble surfer sans<br />
trop de problèmes sur la vague des incertitudes.<br />
Cette autre Tunisie, celle des classes moyennes et<br />
des gens modestes, fragilisés, qui voient l’inflation<br />
et la paralysie économique rogner les revenus et les<br />
salaires. Cette autre encore, celle du bled, ou des<br />
banlieues pauvres, ou des régions déshéritées, et qui<br />
semble comme prostrée. Cette Tunisie enfin qui vit<br />
de l’économie informelle, du cash et des dinars qui<br />
passent de main en main, une Tunisie pas franchement<br />
légale, mais qui sert probablement de matelas<br />
ou d’amortisseurs à toutes les autres.<br />
Il y a ces discussions passionnantes avec<br />
une jeunesse toujours mobilisée, ces acteurs de<br />
la société civile, ces artistes qui cherchent toujours<br />
plus d’espaces de liberté. Il y a ces sportifs émérites<br />
comme la tenniswoman Ons Jabeur (qui est entrée<br />
dans le top 5 mondial) ou le nageur Ahmed Hafnaoui<br />
(médaille d’or sur 400 mètres nage libre aux JO de<br />
Tokyo 2021). On inaugure une rue de La Goulette<br />
du nom de Claudia Cardinale, et la star italienne,<br />
84 ans, était présente, là, dans la ville où elle est née,<br />
témoignage émouvant sur les origines multiples<br />
de la tunisianité.<br />
Il y a ces entrepreneurs qui cherchent à investir,<br />
malgré la crise, à ouvrir les marchés de l’avenir<br />
(santé, digital, services…). Et puis, il y a aussi ces<br />
chiffres désespérants, ceux de l’émigration, ces<br />
hommes, femmes et enfants, pauvres ou fortunés, qui<br />
s’échappent, pour aller vivre ailleurs. Il y a ces villes,<br />
ces campagnes, qui donnent une nette sensation<br />
de laisser-aller, cette impression que tout cela n’est<br />
pas très propre et que tout le monde s’en fiche, cet<br />
espace du bien commun qui paraît comme délaissé<br />
et abandonné. Comme si les Tunisiens se refermaient<br />
sur leur « sphère privée », sur leur vie, leur chez-soi, leur<br />
business, tout en délaissant une sphère « publique »<br />
jugée épuisante, dysfonctionnelle, sans espoir…<br />
En ce fin mai-début juin, tous les écrans sont<br />
occupés par le président de la République, Kaïs<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 3
Saïed. Près d’un an après avoir dissous le Parlement et pris<br />
de lui-même les pleins pouvoirs (c’était le 25 juillet 2021),<br />
le président accélère, fonce même… Il n’a pas froid aux<br />
yeux, il a un plan qu’il veut imposer, il le dit depuis des<br />
mois, voire des années. Kaïs Saïed veut transformer, refonder<br />
la Tunisie, balayer les structures héritées de l’avantrévolution<br />
et de l’après-révolution. Il veut faire naître une<br />
nouvelle république, aux contours plus ou moins définis,<br />
qui serait réellement révolutionnaire. Où le peuple et<br />
le président se partageraient la légitimité et la souveraineté,<br />
balayant au passage tous les corps intermédiaires,<br />
partis, institutions, justice… Il veut lutter contre la<br />
corruption, perçue comme systémique. Pour le huitième<br />
président de la République (après Habib Bourguiba, Zine<br />
el- Abidine Ben Ali, l’intérim de Mohamed Ghannouchi,<br />
Fouad Mebazaa, Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi, et<br />
l’intérim de Mohamed Ennaceur), le système est clairement<br />
pourri, à l’agonie. Il faut tout refaire. Et on verra plus<br />
tard pour le business, l’économie, les investissements,<br />
secteurs de toute façon hautement suspects qu’il faudra<br />
réorienter vers le développement « vrai » du pays…<br />
Le président a exclu du dialogue national,<br />
annoncé début mai, les partis politiques. La puissante<br />
centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail<br />
(UGTT), a refusé, elle, d’y participer, comme d’autres<br />
aussi. Il a modifié de lui-même la composition de l’Instance<br />
supérieure indépendante pour les élections (ISIE),<br />
qui avait pourtant assuré le déroulement relativement<br />
satisfaisant des consultations depuis 2011. Kaïs Saïed<br />
« trace » malgré les objections des partenaires historiques,<br />
États-Unis, France, Union européenne, ou les<br />
messages surprenants en forme de leçons de démocratie<br />
du voisin algérien… Il invoque la souveraineté<br />
nationale, il tance les membres de la Commission de<br />
Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe sur<br />
les questions constitutionnelles, les somme de quitter la<br />
Tunisie… Le président veut faire voter sa nouvelle constitution<br />
le 25 juillet prochain. Mais à la date où ces lignes<br />
sont écrites, tout début juin, personne ou presque n’a<br />
encore vu le projet de nouvelle loi fondamentale. Même<br />
le mode de scrutin semble mystérieux. Par ailleurs, dans<br />
la nuit du 1 er au 2 juin, le président a révoqué 57 juges<br />
pour incompétence, corruption, voire complicité avec<br />
les terroristes… 57 juges qui vont passer du prétoire au<br />
banc des accusés.<br />
Kaïs Saïed aura été sous-estimé. Lors de sa campagne<br />
électorale de 2019, au début de sa présidence,<br />
sous-estimé aussi lors de sa prise du pouvoir du 25 juillet<br />
2021. Sous-estimé depuis, dans sa marche méthodique,<br />
envers et contre tous, vers une nouvelle architecture institutionnelle.<br />
L’ancien professeur de droit au discours<br />
emphatique est devenu un « politique » qui a conquis la<br />
Tunisie sans coup férir…<br />
Une bonne partie de l’appareil d’État, des institutions<br />
sécuritaires, des forces de l’ordre appliquent ses<br />
ordres, font tourner comme ils le peuvent la machine. Il<br />
y a une cheffe du gouvernement, Najla Bouden, et des<br />
ministres. Le président bénéficie de l’onction du suffrage<br />
populaire. Il a été élu. Son discours sur « la corruption » et<br />
« la probité » a touché les plus fragiles et les plus jeunes.<br />
Il est soutenu également par tous ceux, et ils sont nombreux,<br />
dont le premier objectif était de se débarrasser<br />
des islamistes, d’Ennahdha, de Rached Ghannouchi,<br />
de cette fameuse théorie du « consensus » qui a prévalu<br />
depuis la chute de Ben Ali. Il est soutenu, même passivement,<br />
par une partie de l’opinion, épuisée par les<br />
errements, l’immobilisme et les divisions de la dernière<br />
décennie, les blocages politiques, la pandémie de<br />
Covid-19… Kaïs Saïed n’est peut-être pas aussi populaire<br />
qu’en 2019, mais il n’est pas globalement impopulaire en<br />
ce début d’été 2022.<br />
4 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
Lors de la cérémonie<br />
d’investiture du nouveau<br />
président tunisien Kaïs Saïed,<br />
le 23 octobre 2019.<br />
CHOKRI/ZUMA/REA<br />
Cela étant dit, la Tunisie, comme les autres pays,<br />
ne peut pas, ne peut plus être gouvernée par un seul<br />
homme. Le chef de l’État ne peut pas être également<br />
juge et législateur, définir les lois, les procédures et les<br />
juridictions. On ne peut pas effacer tous les acquis de la<br />
révolution, tout particulièrement en matière de démocratie.<br />
Le pays a besoin évidemment d’un pouvoir organisé,<br />
mais aussi d’institutions fédératrices pour fonctionner. Et<br />
de contre-pouvoirs pour éviter l’arbitraire. La Constitution<br />
est le reflet d’une volonté de vivre ensemble, le reflet<br />
d’un pacte national, d’une évolution longue. La Tunisie<br />
est en outre un pays fragile, modeste, endetté, qui a<br />
besoin d’alliances, de soutien, d’équilibres subtils dans<br />
sa relation au monde extérieur. Elle ne peut pas s’aliéner<br />
ses voisins, s’éloigner de l’Europe, des États-Unis, de ses<br />
marchés et de ses partenaires. Elle se doit d’être ouverte<br />
justement pour se financer, se restructurer, et donc protéger<br />
sa souveraineté.<br />
La réalité, c’est que sans économie, sans développement,<br />
sans croissance, sans marge de manœuvre<br />
financière, les « institutions » et les constitutions ne<br />
peuvent rien. La Tunisie est un pays avant tout de com-<br />
merçants, d’agriculteurs, d’entrepreneurs. Toutes les<br />
tentatives d’économie « administrée » ou « centralisée »,<br />
ou « collectiviste », ont échoué. La corruption existe, mais<br />
ce n’est pas pire (ni mieux) qu’ailleurs. Il faut d’abord<br />
de la croissance, des emplois, des opportunités, réformer,<br />
moderniser.<br />
Au fond, l’histoire de la révolution continue à<br />
s’écrire. Depuis 2011, la Tunisie est en transition, en<br />
mutation. Elle cherche à nouveau son équilibre dans<br />
un contexte particulièrement explosif, avec la guerre<br />
en Ukraine, ses conséquences, la crise qui menace<br />
[voir pp. 30-39], l’inflation, le coût des céréales et du<br />
pétrole, les risques d’éruptions sociales. Elle fait face, à<br />
nouveau, à un véritable choix de société, de modèle<br />
qui engage son avenir. Et ce choix ne peut être celui<br />
d’un seul homme. Ou d’un seul parti. De gauche, de<br />
droite, ou qui se réclame de Dieu. La Tunisie est un pays<br />
carrefour, complexe, aux identités et aux cultures multiples.<br />
C’est également un pays somme toute « gérable »,<br />
idéalement placé au cœur de la Méditerranée, avec un<br />
acquis, des citoyens, créatifs, motivés.<br />
Le crash est possible. Mais le rebond aussi. ■<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 5
Des<br />
combattants<br />
déjeunent dans<br />
leur tranchée,<br />
en 1915.<br />
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C<br />
DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />
Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0<br />
<strong>AM</strong> <strong>429</strong> COUV.indd 1 03/06/2022 17:31<br />
N°<strong>429</strong> JUIN 2022<br />
3 ÉDITO<br />
La Tunisie en transition<br />
permanente<br />
par Zyad Limam<br />
10 ON EN PARLE<br />
C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE,<br />
DE LA MODE ET DU DESIGN<br />
Africa Fashion prend<br />
ses quartiers à Londres<br />
26 PARCOURS<br />
Walid Hajar Rachedi<br />
par Astrid Krivian<br />
29 C’EST COMMENT ?<br />
Mauvaise note<br />
par Emmanuelle Pontié<br />
40 CE QUE J’AI APPRIS<br />
Imed Alibi<br />
par Astrid Krivian<br />
106 VINGT QUESTIONS À…<br />
Lucibela<br />
par Astrid Krivian<br />
TEMPS FORTS<br />
30 LA CRISE QUI VIENT<br />
par Cédric Gouverneur<br />
34 Akram Belkaïd :<br />
« La faim<br />
est une menace<br />
à moyen terme »<br />
36 Carlos Lopes :<br />
« S’organiser<br />
pour obtenir<br />
davantage »<br />
38 Données<br />
et perspectives<br />
sur une rupture<br />
multifactorielle<br />
P.10<br />
P.30<br />
42 Anthony Guyon :<br />
Des hommes<br />
considérés comme<br />
des soldats nés<br />
par Cédric Gouverneur<br />
72 L’odyssée des rois<br />
de Napata<br />
par Alexine Jelkic<br />
78 Dak’art est une fête<br />
par Luisa Nannipieri<br />
84 Ndèye Fatou Kane :<br />
« Ce monde est fait<br />
pour les hommes »<br />
par Astrid Krivian<br />
ÉDITO<br />
La Tunisie<br />
en transition<br />
permanente<br />
par Zyad Limam<br />
LA CRISE<br />
QUI VIENT<br />
Ukraine, énergie, inflation,<br />
Biennale<br />
DAK’ART EST UNE FÊTE !<br />
sécurité alimentaire, dette… L’Afrique face à la tempête.<br />
HISTOIRE<br />
L’odyssée<br />
des rois<br />
de Napata,<br />
pharaons<br />
noirs<br />
Soldats de la coloniale<br />
Le destin héroïque<br />
et tragique<br />
des tirailleurs<br />
INTERVIEW Ndèye<br />
Fatou Kane<br />
« Ce monde<br />
est fait<br />
pour ph les<br />
hommes »<br />
PHOTOS DE COUVERTURE :<br />
LUISA NANNIPIERI - COLL O. CALONGE/ADOC-PHOTOS<br />
- SHUTTERSTOCK - CHRISTIAN DÉC<strong>AM</strong>PS/GRAND<br />
PALAIS/MUSÉE DU LOUVRE - DR<br />
+<br />
Découverte<br />
DJIBOUTI<br />
CÉLÈBRE<br />
SES 45 ANS!<br />
N°<strong>429</strong> - JUIN 2022<br />
L 13888 - <strong>429</strong> S - F: 4,90 € - RD<br />
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande<br />
nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps.<br />
Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement<br />
de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com<br />
MAGANGA MWAGOGO - TOM SAATER/THE NEW YORK TIMES<br />
8 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
RÉALISÉ PAR THIBAUT CABRERA<br />
Le président<br />
Ismaïl Omar<br />
Guelleh.<br />
03/06/2022 22:37<br />
VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA (2) - MUSÉE JACQUEMARD ANDRÉ/INSTITUT DE FRANCE/STUDIO SÉBERT - DR<br />
DÉCOUVERTE<br />
47 Djibouti : 45 ans !<br />
par Thibaut Cabrera<br />
48 Le chemin vers la liberté<br />
53 La paix, seconde<br />
indépendance<br />
56 D’hier à maintenant :<br />
Les 10 chiffres<br />
60 Les enjeux de demain<br />
BUSINESS<br />
90 Le gaz africain,<br />
nouvelle alternative<br />
94 Rabia Ferroukhi :<br />
« La transition énergétique<br />
est une vaste opportunité »<br />
96 Lacina Koné :<br />
« Nous devons davantage<br />
investir en nous-mêmes »<br />
98 Gandoul et la connectivité<br />
Orange en Afrique<br />
100 Le BTP turc<br />
à l’assaut du continent<br />
101 Un étonnant modèle<br />
de coopération sud-sud<br />
par Cédric Gouverneur, Oscar<br />
Pemba et Emmanuelle Pontié<br />
VIVRE MIEUX<br />
102 L’andropause,<br />
la ménopause au masculin<br />
103 Des crampes en marchant ?<br />
104 Des plantes contre l’arthrose<br />
105 Se blanchir les dents,<br />
mais pas n’importe comment<br />
par Annick Beaucousin<br />
et Julie Gilles<br />
P.47 DOSSIER<br />
VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA<br />
DÉCOUVERTE<br />
Comprendre un pays, une ville, une région, une organisation<br />
DJIBOUTI<br />
45 ANS !<br />
Le pays fête le 21 juin 2022<br />
l’anniversaire de son indépendance.<br />
Une date fortement symbolique.<br />
Retour vers un passé si proche,<br />
aux origines de la nation.<br />
Et voyage vers le futur et<br />
le projet de développement.<br />
P.72<br />
P.78<br />
FONDÉ EN 1983 (38 e ANNÉE)<br />
31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE<br />
Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93<br />
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Zyad Limam<br />
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Jessica Binois<br />
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DE RÉDACTION<br />
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Amanda Rougier PHOTO<br />
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ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO<br />
Thibaut Cabrera, Jean-Marie Chazeau,<br />
Catherine Faye, Cédric Gouverneur,<br />
Alexine Jelkic, Dominique Jouenne, Astrid<br />
Krivian, Luisa Nannipieri, Oscar Pemba,<br />
Carine Renard, Sophie Rosemont.<br />
VIVRE MIEUX<br />
Danielle Ben Yahmed<br />
RÉDACTRICE EN CHEF<br />
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.<br />
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TÉL. : (33) 6 87 31 88 65<br />
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AFRIQUE MAGAZINE<br />
EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR<br />
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Compogravure : Open Graphic<br />
Média, Bagnolet.<br />
Imprimeur : Léonce Deprez, ZI,<br />
Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.<br />
Commission paritaire : 0224 D 85602.<br />
Dépôt légal : juin 2022.<br />
La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos<br />
reçus. Les indications de marque et les adresses figurant<br />
dans les pages rédactionnelles sont données à titre<br />
d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction,<br />
même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique<br />
Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction.<br />
© Afrique Magazine 2022.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 9
ON EN PARLE<br />
C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage<br />
AFRICA FASHION<br />
MODE<br />
prend ses quartiers<br />
à Londres<br />
Une exposition événement au Victoria and Albert Museum<br />
pour célébrer une SCÈNE ÉCLECTIQUE ET COSMOPOLITE,<br />
toujours en ébullition.<br />
MÊME AU ROYAUME-UNI, c’est une<br />
première. L’exposition « Africa Fashion »,<br />
organisée par le Victoria and Albert<br />
Museum, à Londres, qui ouvrira en<br />
juillet prochain, s’annonce comme<br />
la plus importante exhibition dédiée<br />
à la mode africaine jamais réalisée<br />
outre-Manche. Les conservateurs ont<br />
sélectionné 45 créateurs de plus de<br />
20 pays à travers le continent et ont<br />
créé un parcours avec plus de 250 objets<br />
emblématiques pour célébrer l’histoire<br />
et l’impact mondial de la mode africaine<br />
contemporaine. Croquis, reportages,<br />
photographies, films et séquences<br />
de défilés alternent avec vêtements et<br />
accessoires sortis tout droit des archives<br />
personnelles des stylistes les plus<br />
iconiques de la seconde moitié du<br />
XX e siècle. Les créations de la première<br />
fashion designeuse du Nigeria Shade<br />
Thomas-Fahm, du maître du bogolan<br />
Chris Seydou, de l’« enfant terrible »<br />
de la mode ghanéenne Kofi Ansah et<br />
du « magicien du désert » Alphadi seront<br />
La pionnière nigériane Shade Thomas<br />
Fahm, à Lagos, fin des années 1960.<br />
présentées pour la première fois dans un<br />
musée londonien. Elles seront montrées<br />
au cœur de la section « L’avant-garde »,<br />
avec les silhouettes de la pionnière<br />
marocaine Naïma Bennis.<br />
Mais l’exposition met aussi en<br />
avant les créateurs contemporains.<br />
Comme le Camerounais Imane Ayissi,<br />
dont un ensemble associant soie<br />
scintillante et couches exubérantes<br />
de raphia accueille les visiteurs,<br />
soufflant l’idée que les modes africaines<br />
sont indéfinissables et que chaque<br />
artiste choisit son propre chemin. Parmi<br />
la nouvelle génération, on retrouve<br />
le label marocain MaisonArtC avec<br />
des pièces réalisées pour l’occasion,<br />
les Sud-Africains Thebe Magugu et<br />
Sindiso Khumalo, la marque nigériane<br />
Iamisigo et la rwandaise minimaliste<br />
Moshions. Avec des sections dédiées<br />
à la Renaissance culturelle africaine et<br />
au rôle politique des garde-robes dans le<br />
contexte des indépendances, l’exposition<br />
rappelle que la mode se développe avant<br />
tout dans la société et la rue. Un concept<br />
que l’on retrouve chez la Sénégalaise<br />
Selly Raby Kane ou dans les bijoux<br />
de la Kenyane Ami Doshi Shah, qui<br />
soulignent le rapport entre mode,<br />
matière et nature. ■ Luisa Nannipieri<br />
« AFRICA FASHION », Victoria<br />
and Albert Museum, Londres<br />
(Royaume-Uni), du 2 juillet 2022<br />
au 16 avril 2023. vam.ac.uk<br />
DR<br />
10 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
Collection<br />
automne-hiver 2020<br />
de la marque<br />
kenyane Iamsigo.<br />
MAGANGA MWAGOGO<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 11
ON EN PARLE<br />
RYTHMES<br />
VIEUX FARKA<br />
TOURÉ<br />
AUX SOURCES MALIENNES<br />
Le fils d’Ali Farka Touré rend<br />
HOMMAGE À SES ORIGINES<br />
et à l’instrument transmis par<br />
son père : la guitare. Virtuose.<br />
IL SUFFIT DE FERMER LES YEUX et de monter le son sur « Ngala<br />
Kaourene ». C’est alors que tout le potentiel hypnotique de la<br />
musique de Vieux Farka Touré prend son sens. Le guitariste malien<br />
sait tirer le meilleur de son instrument comme de sa voix, fort<br />
d’un héritage paternel qu’il célèbre aujourd’hui avec le bien nommé<br />
Les Racines, qui cultive les sonorités songhaï rendues célèbres par<br />
Ali Farka Touré – dont il a su s’émanciper durant de longues années.<br />
Qu’est-ce qu’être malien ? Comment faire face aux difficultés<br />
socio-économiques d’un pays à la culture pourtant ancestrale ?<br />
C’est pendant le confinement qu’il a tenté de<br />
répondre à ces questions. « Racines »,<br />
le morceau-titre instrumental, est<br />
aussi poétique que virtuose. On<br />
retrouve en invité sur l’album,<br />
enregistré à Bamako, Amadou<br />
Bagayoko, du duo Amadou &<br />
Mariam. ■ Sophie Rosemont<br />
❶<br />
SOUNDS<br />
À écouter maintenant !<br />
Emeli Sandé<br />
Let’s Say For Instance,<br />
Chrysalis/Pias<br />
Avec plus de 6 millions<br />
d’albums écoulés à ce<br />
jour, et forte de dix ans<br />
de carrière, Emeli Sandé pourrait<br />
se reposer sur ses lauriers. Que nenni,<br />
son nouvel album Let’s Say For Instance,<br />
signé chez un label indépendant,<br />
explore les thématiques de la résilience<br />
et de l’invention de soi-même avec<br />
un sens de la pop et du groove bien<br />
trempé. Avec, toujours, son timbre<br />
épatant… Parfait pour amorcer l’été.<br />
❷ Sly Johnson<br />
55.4, BBE Music<br />
Devenu célèbre grâce<br />
au Saïan Supa Crew,<br />
le chanteur et beatboxer<br />
Silvère « Sly » Johnson<br />
s’est très vite émancipé avec son projet<br />
solo, dès le début des années 2010.<br />
Son signe distinctif ? Un mix réussi<br />
de soul, de rap et de funk, avec ce qu’il<br />
faut d’émotion et d’énergie, toutes deux<br />
contagieuses. Ce qui se retrouve dans<br />
ce quatrième album écrit, incarné et<br />
produit par Sly lui-même. Bien joué !<br />
VIEUX<br />
FARKA TOURÉ,<br />
Les Racines,<br />
World Circuit<br />
Records.<br />
❸<br />
Thaïs Lona<br />
Cube, Mister Ibé<br />
La dernière fois que l’on<br />
avait parlé ici de cette<br />
jeune chanteuse au joli<br />
potentiel, elle sortait seulement quelques<br />
titres et n’avait pas encore eu l’occasion<br />
de s’illustrer sur scène. C’est chose<br />
faite. Après des prestations remarquées<br />
en première partie de Kimberose,<br />
I<strong>AM</strong> ou encore Ibrahim Maalouf – qui<br />
l’a signée sur son label Mister Ibé –,<br />
Thaïs Lona s’affirme avec un premier<br />
album de R’n’B bien senti. ■ S.R.<br />
KISS DIOUARA - DR (4)<br />
12 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
PHÉNOMÈNE<br />
Impulsé par le très populaire<br />
comédien, Tirailleurs s’attaque<br />
à un chapitre de la colonisation<br />
française peu traité au cinéma.<br />
OMAR SY SUR TOUS LES FRONTS<br />
Entre deux tournages pour Netflix et un blockbuster à Hollywood,<br />
le héros star de Lupin REVIENT À SES SOURCES SÉNÉGALAISES<br />
dans un rôle historique en langue peule…<br />
MARIE-CLEMENCE DAVID/LIGHT MOTIV - DR<br />
« ON N’A PAS LA MÊME MÉMOIRE, mais on a la même<br />
histoire. » C’est avec ces mots qu’Omar Sy a présenté au Festival<br />
de Cannes en avant-première un long-métrage sur les tirailleurs<br />
sénégalais. Trente-quatre ans après Ousmane Sembène (Camp<br />
de Thiaroye), c’est sous la bannière de la Gaumont que cette<br />
coproduction franco-sénégalaise impulsée par le très populaire<br />
comédien s’attaque à un chapitre de l’histoire coloniale<br />
française peu traité au cinéma [voir pp. 42-46]. L’essentiel de<br />
cette immersion dans la boucherie qu’a été la Première Guerre<br />
mondiale se passe à l’écran dans les tranchées de Verdun, mais<br />
plusieurs séquences ont été tournées au Sénégal en janvier<br />
dernier. L’acteur interprète avec sobriété un éleveur du Fouta-<br />
Toro qui, en 1917, essaye en vain d’empêcher son fils de 17 ans<br />
d’être enrôlé par les Français pour aller défendre « la maman<br />
patrie », comme le dit un recruteur. Il le suivra jusque là-bas.<br />
Amour filial, sens de l’histoire et complexités des rapports<br />
raciaux, soit autant de thèmes chers au comédien qui, pour<br />
ce rôle, s’exprime uniquement en peul. Réalisé et coécrit (avec<br />
Olivier Demangel, coscénariste d’Atlantique, de Mati Diop)<br />
par Mathieu Vadepied, Tirailleurs sera en salles à l’automne en<br />
France… et les dernières images pourraient faire polémique à<br />
quelques jours de la célébration de l’armistice du 11 novembre.<br />
Omar Sy acteur et producteur, ce n’est pas qu’au cinéma :<br />
le contrat qu’il a signé avec Netflix court toujours, sur la<br />
lancée de Lupin. La troisième saison de la série française au<br />
succès planétaire vient d’être tournée, et c’est directement sur<br />
la plate-forme qu’est sortie en mai Loin du périph – la suite,<br />
dix ans après, d’un autre gros succès, De l’autre côté du périph,<br />
toujours en duo avec Laurent Lafitte. Il renoue aussi avec ses<br />
rêves d’enfants à Hollywood : après avoir joué un petit rôle<br />
dans X-Men: Days of Future Past, pour Marvel, en 2014, et dans<br />
le premier Jurassic World, le revoici en éleveur de vélociraptors<br />
dans le troisième épisode de la saga dinosauresque (Jurassic<br />
World : Le Monde d’après). Avant d’atteindre enfin le haut de<br />
l’affiche d’une production américaine dans Shadow Force, avec<br />
Kerry Washington, annoncé pour 2023… ■ Jean-Marie Chazeau<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 13
ON EN PARLE<br />
SHOW<br />
La bande emmenée<br />
par Donald Glover (au centre)<br />
part en tournée en Europe…<br />
LE REGARD NOIR<br />
Le racisme et les travers du POLITIQUEMENT<br />
CORRECT dynamités… avec subtilité par une<br />
série US toujours aussi surprenante dans sa saison 3.<br />
ATLANTA,<br />
saison 3<br />
(États-Unis),<br />
de Donald Glover.<br />
Avec Brian Tyree<br />
Henry, Lakeith<br />
Stanfield, Zazie<br />
Beetz. Sur OCS.<br />
IL AURA FALLU ATTENDRE QUATRE ANS, pour cause de<br />
pandémie, avant qu’une troisième saison de la remarquable<br />
série de Donald Glover arrive sur les écrans. Avec un ton unique<br />
pour souligner le racisme qui sous-tend les sociétés occidentales,<br />
le comédien et producteur américain poursuit les aventures<br />
du héros qu’il interprète, Earn, manager de son cousin rappeur<br />
à Atlanta. Dans ces 10 nouveaux chapitres, il part en tournée<br />
en Europe avec Alfred (dit Paper boi), le colocataire de ce<br />
dernier, Darius, et son ex, Vanessa, et c’est parfois le choc des<br />
cultures : prison trois étoiles et cérémonie pour une euthanasie<br />
à Amsterdam, soirée londonienne chez un riche mécène qui va<br />
se terminer à la tronçonneuse… Mais occasionnellement, un<br />
épisode abandonne le trio et se recentre sur les États-Unis : un<br />
employé de bureau se voit réclamer des millions de dollars par<br />
une descendante d’esclaves africains au titre des réparations<br />
pour l’esclavage pratiqué par ses ancêtres, le petit garçon d’un<br />
couple de bourgeois new-yorkais blanc assiste aux obsèques<br />
de sa nounou antillaise qui était plus maternelle que sa propre<br />
mère… Des situations au bord du malaise, un regard acéré<br />
des Noirs sur les Blancs, dans des petits bijoux de 30 minutes<br />
qui n’hésitent pas à bousculer les travers du politiquement<br />
correct, mais aussi les comportements de la communauté<br />
noire. À noter : dans la version française, Donald Glover<br />
est doublé par le comédien malien Diouc Koma. ■ J.-M.C.<br />
FRANÇOIS BEAURAIN, Cinémas<br />
du Maroc : Lumière sur les salles<br />
obscures du Maroc, La Croisée<br />
des chemins, 392 pages, 80 €.<br />
BEAU LIVRE<br />
Les derniers palais du cinéma<br />
QUAND ELLES NE SONT PAS TRANSFORMÉES EN BERGERIES ou éventrées, les<br />
salles du Maroc sont conservées dans leur splendeur d’antan. Le royaume abrite en effet<br />
une étonnante variété de ces palais dédiés au septième art, construits depuis 1913, et qui<br />
n’ont pas tous été détruits ou transformés en multiplexes comme en Europe. Témoins<br />
architecturaux mais aussi d’une époque où les Marocains se retrouvaient en masse dans<br />
les salles obscures, ces lieux racontent l’histoire d’un pays, comme le révèlent les splendides<br />
photos de François Beaurain. Ce beau livre, désormais disponible hors du royaume, nous<br />
permet d’en rencontrer les exploitants et les projectionnistes, gardiens de temples somptueux<br />
menacés de disparition. À voir également, le compte @cinemagrhib sur Instagram, où<br />
le photographe français, installé à Rabat, distille quelques-uns de ces trésors. ■ J.-M.C.<br />
FX NETWORKS - DR (2)<br />
14 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
LITTÉRATURE<br />
DJAÏLI<br />
<strong>AM</strong>ADOU <strong>AM</strong>AL<br />
La force des mots<br />
Un nouveau roman sur la condition<br />
des femmes au Sahel, par la militante<br />
que la presse camerounaise surnomme<br />
« LA VOIX DES SANS-VOIX ».<br />
CÉLINE NIESZAWER/LEEXTRA/OPALE<br />
FINALISTE DU GONCOURT, puis lauréate du prix<br />
Goncourt des lycéens 2020 pour son roman Les Impatientes,<br />
l’écrivaine camerounaise se sert de l’écriture comme<br />
d’un instrument de combat contre les violences faites aux<br />
femmes. À 47 ans, cette militante féministe n’a en effet<br />
de cesse de dénoncer les problèmes sociaux et religieux<br />
causés par les traditions dans son pays, notamment les<br />
discriminations quotidiennes. Après avoir traité de la<br />
condition des femmes de la haute société musulmane et<br />
peule, c’est maintenant les vicissitudes de la vie de leurs<br />
domestiques chrétiennes qu’elle révèle. Son nouveau roman<br />
met en scène la jeune Faydé, partie dans la ville la plus<br />
proche, au nord, pour y devenir servante d’une riche<br />
famille, et ainsi aider sa famille à vivre. Un macrocosme<br />
où deux mondes se côtoient, mais ne se mélangent jamais.<br />
Deux mondes en proie aux répercussions du changement<br />
climatique et des attaques de Boko Haram. Un texte coup<br />
de poing, renforcé par un vrai travail d’enquête et le propre<br />
parcours de l’autrice, qui a elle-même subi les affres de<br />
la polygamie et de la violence masculine. Et une histoire<br />
d’acceptation de l’autre, de tolérance et d’interculturalité,<br />
où les jeunes filles luttent pour survivre et se construire un<br />
avenir, malgré les viols, les mauvais traitements, le mépris<br />
de classe… « Dans toutes les larmes s’attarde un espoir »,<br />
écrit Simone de Beauvoir, que Djaïli Amadou Amal cite<br />
en exergue. Si son précédent roman a entraîné une prise<br />
de conscience au Cameroun – le gouvernement a décidé<br />
de l’inscrire au programme des classes de terminale –, Cœur<br />
du Sahel confirme son exhortation à résister et à restituer<br />
aux femmes le droit à disposer de leur corps. Un sujet<br />
primordial pour l’écrivaine, dans son œuvre comme dans<br />
les activités qu’elle mène en tant qu’ambassadrice de<br />
l’Unicef ou au sein de son association Femmes du Sahel,<br />
laquelle œuvre pour l’éducation des filles. Plus que jamais,<br />
les mots puisent leur force dans l’action. ■ Catherine Faye<br />
DJAÏLI <strong>AM</strong>ADOU <strong>AM</strong>AL, Cœur du Sahel,<br />
Emmanuelle Collas, 364 pages, 19 €.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 15
ON EN PARLE<br />
EXPO<br />
MUSIQUE<br />
JESHI, RAP IN UK<br />
À la fois authentique et longuement façonné, le premier album<br />
de cette NOUVELLE SENSATION fait mouche.<br />
À suivre de près.<br />
LE « UNIVERSAL CREDIT » est une prestation sociale versée par le gouvernement<br />
du Royaume-Uni pour venir en aide aux foyers aux (très) faibles revenus. C’est aussi<br />
le nom du premier album d’un rappeur de 27 ans, Londonien d’origine jamaïcaine,<br />
qui fait beaucoup parler de lui sur la scène britannique, et pas seulement. Le son est<br />
old school, sans être nostalgique, le propos militant, et l’interprète charismatique.<br />
Ses armes, il les a faites dans l’appartement partagé avec sa mère et ses sœurs,<br />
à l’aide du micro USB d’un jeu de karaoké sur Nintendo ! Depuis, ayant collaboré<br />
avec des artistes comme le Nigérian Obongjayar (sur les super efficaces « Violence »<br />
et « Protein ») ou la chanteuse soul britannique Celeste, il a construit un langage<br />
engagé mais groovy, auquel il est bien difficile de résister. ■ S.R.<br />
JESHI, Universal Credit,<br />
Because Music.<br />
DR (2)<br />
16 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
DR<br />
Plat à vanner le riz.<br />
Photographie de Jean Hurault, 1970.<br />
La guérisseuse Ma Atema,<br />
à Mana, en Guyane,<br />
Karl Joseph, 2019.<br />
REPRÉSENTATION<br />
Femmes capitaines<br />
du peuple<br />
Saramaca, au<br />
Suriname, Nicola<br />
Lo Calzo, 2014.<br />
NOUVEAUX<br />
MONDES<br />
Aujourd’hui comme hier,<br />
de l’autre côté de l’Atlantique,<br />
l’ART MARRON rend<br />
hommage à la liberté.<br />
TELS DES ÎLOTS DE RÉSISTANCE, les créations artistiques<br />
des sociétés marronnes, qu’il s’agisse de sculptures, de<br />
gravures, de broderies ou de photographies, mettent en<br />
évidence la continuité historique et l’inventivité des témoins<br />
du temps de l’esclavage et de leurs descendants. Une culture<br />
originale, issue de la transmission et du prolongement<br />
de ces nouvelles sociétés, aux Amériques, aux Antilles ou<br />
dans les Mascareignes. Une fois libérés de leurs chaînes,<br />
les « marrons », nom donné aux esclaves ayant fui la propriété<br />
de leur maître, ont en effet su sauvegarder et transmettre<br />
leurs modes de vie africains, et même partiellement<br />
leurs langues d’origine. Plus encore, ils ont déployé une<br />
fibre créative d’une grande vitalité. Un art d’émancipation,<br />
mais aussi un art social qui célèbre les rencontres et<br />
l’altruisme. Des Guyanais Wani Amoedang et Franky<br />
Amete au peintre haïtien Hervé Télémaque, parrain de<br />
l’exposition, deux générations d’artistes peuvent enfin se<br />
présenter elles-mêmes et exprimer leur propre vision des arts<br />
marrons, notamment via le catalogue d’exposition (publié<br />
aux éditions Loco), préfacé par Christiane Taubira. ■ C.F.<br />
« MARRONAGE : L’ART DE BRISER SES CHAÎNES »,<br />
Maison de l’Amérique latine, Paris (France),<br />
jusqu’au 24 septembre. mal217.org<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 17
ON EN PARLE<br />
CINÉMA<br />
Une love story<br />
inattendue entre<br />
une galeriste<br />
allemande et<br />
un diamantaire<br />
congolais.<br />
PASSI PAS<br />
SI MÂLE !<br />
Le PREMIER RÔLE sur grand<br />
écran du rappeur fondateur<br />
du collectif Bisso Na Bisso.<br />
MONIKA, quadragénaire célibataire, dirige une galerie<br />
d’art contemporain à Francfort, où elle rencontre<br />
par hasard Joseph, venu de Kinshasa, qui trafique des<br />
diamants avec les diasporas congolaises et angolaises.<br />
Une histoire d’amour naît, se heurtant à plusieurs<br />
obstacles qui révèlent surtout les caractères de l’un et<br />
de l’autre : les pressions de leurs entourages respectifs<br />
sont sous-jacentes et poussent à la méfiance, quand<br />
il ne s’agit pas d’intolérance ou de racisme. On est<br />
en Allemagne, pas d’effusions sentimentales, pas<br />
de dramatisation à outrance. Ce n’est pas non plus la<br />
description clinique d’une histoire d’amour compliquée,<br />
les personnages sont incarnés avec justesse par les<br />
deux comédiens principaux, dont Passi : à bientôt<br />
50 ans, pour son premier rôle au cinéma, le rappeur<br />
de Ministère A.M.E.R. incarne un personnage sexy,<br />
à la fois déterminé et fragile, sans jamais élever la voix<br />
mais en quête de respect : « Mon père a été colonisé.<br />
Pas moi. » Et on s’immerge avec lui dans les cafés<br />
congolais de la capitale financière de l’Europe ! ■ J.-M.C.<br />
LE PRINCE (Allemagne), de Lisa Bierwirth.<br />
Avec Ursula Strauss, Passi Balende,<br />
Nsumbo Tango Samuel. En salles.<br />
ROMAN<br />
CHASSEUR D’HISTOIRES<br />
Figure majeure de la littérature tunisienne,<br />
Habib Selmi aborde ici les questions<br />
de l’immigration, de l’acculturation,<br />
des dissemblances.<br />
IL ÉCRIT TOUJOURS sur des sujets<br />
qui l’ont marqué. Des instantanés de la<br />
vie quotidienne, auxquels il parvient à<br />
donner une densité sensible, en explorant méticuleusement<br />
la singularité de l’humain. Des extraits de tous les jours,<br />
à la fois banals et uniques, comme en écho au va-et-vient du<br />
quotidien. S’il a longtemps enseigné la langue et la littérature<br />
arabes dans un lycée parisien, cet agrégé tunisien, auteur<br />
d’une dizaine de romans, ne peut écrire que dans sa langue<br />
maternelle, car son rapport à la langue arabe est viscéral.<br />
Une langue épurée, où la simplicité donne à voir différentes<br />
strates de la société tunisienne, en quête permanente. Dans<br />
ce roman plein d’humour, nommé pour le Prix international<br />
du roman arabe, il nous narre la rencontre inattendue à Paris<br />
entre Kamal, un sexagénaire bourgeois, et Zohra, que la plupart<br />
des habitants de l’immeuble appellent « la femme de ménage »<br />
ou « la Tunisienne ». Une histoire de hasard et de cœur. ■ C.F.<br />
HABIB SELMI, La Voisine du cinquième,<br />
Actes Sud, 208 pages, 21,50 €.<br />
VOYAGE<br />
PAR-DELÀ LES CIMES<br />
Un récit à la frontière de l’Ouganda<br />
et de la République démocratique du Congo,<br />
qui interroge les motifs des hommes à<br />
se confronter aux aléas de la montagne.<br />
« NYRAGONGO, Noël 1967. Tentez d’imaginer<br />
l’Origine de l’Eau. Imaginez une eau parfaite,<br />
une eau primitive qui mouillerait le monde pour la première<br />
fois. Cette eau originelle existe. Les volcanologues l’appellent<br />
“l’eau juvénile”. » Cet extrait des carnets d’expéditions d’un<br />
ancien compagnon de cordée de l’auteur préfigure le voyage<br />
d’un jeune couple d’alpinistes explorateurs, vingt ans plus tard.<br />
Un voyage initiatique, à l’assaut de l’ascension du mont Stanley,<br />
à plus de 5 000 mètres d’altitude, dans le massif du Ruwenzori,<br />
communément appelé « montagnes de la Lune ». C’est ici que<br />
naissent les sources du Nil Blanc. Entre les glaces tourmentées et<br />
les forêts de nuages, l’ascension se fait parfois éprouvante, malgré<br />
l’intensité de l’aventure. La quête et la détermination, plus que<br />
jamais moteurs. Le périple est relaté par le cinéaste, écrivain et<br />
alpiniste français Bernard Germain. Comme s’il en avait été. ■ C.F.<br />
BERNARD GERMAIN, La Montagne de la lune,<br />
Paulsen, 272 pages, 15 €.<br />
DR (4)<br />
18 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
MOKTAR GANIA<br />
& GNAWA SOUL,<br />
Gnawa Soul, Universal.<br />
ANASS DOU<br />
CORDES<br />
MOKTAR GANIA<br />
& GNAWA SOUL<br />
Inspiration gnaouie<br />
Le JOUEUR DE GUEMBRI natif<br />
d’Essaouira revient avec 11 nouvelles<br />
chansons enregistrées entre ciel et désert.<br />
FILS DU GRAND MAÂLEM<br />
Boubker et petit-fils de Ba Massoud,<br />
icône de la musique gnaouie<br />
marocaine, le chanteur et joueur<br />
de guembri Moktar Gania revient<br />
avec un nouvel album enregistré<br />
aux côtés de ses musiciens, réunis<br />
à Essaouira sous le nom de Gnawa<br />
Soul. Et c’est vrai qu’il y a beaucoup<br />
d’âme dans ces ritournelles<br />
aux cordes entrelacées, comme<br />
en témoignent « Rabi Laafou » ou<br />
« Moussoyo ». Il y a aussi du groove<br />
audacieux sur « Lala Mulati » ou<br />
« Al Walidine ». Le son est de plus<br />
parfait, ayant bénéficié d’un mixage<br />
à Austin par Chris Shaw, lequel<br />
a travaillé avec Bob Dylan, Public<br />
Enemy ou encore Weezer, ainsi que<br />
d’un master aux studios londoniens<br />
Metropolis, signé Tony Cousins<br />
(Adele, Fatoumata Diawara, George<br />
Michael, Seal…). Oui, c’est chic,<br />
mais sans occulter la sincérité du<br />
chant de Moktar Gania. ■ S.R.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 19
ON EN PARLE<br />
An Impenetrable Shield,<br />
Khadim Haydar, 1965.<br />
La Glace au-dessus de la cheminée ?,<br />
Pablo Picasso, 1916-1917.<br />
PEINTURE<br />
EFFET MIROIR<br />
À travers quelque 70 œuvres,<br />
un dialogue quasi fraternel<br />
et une fascination mutuelle<br />
entre PICASSO et les artistes<br />
MODERNES ARABES.<br />
C’EST UN VA-ET-VIENT idéologique et créatif fascinant<br />
entre le maître espagnol et les artistes arabes que cette<br />
exposition interroge, au-delà de l’influence reconnaissable<br />
du cubisme et de l’abstraction. Un voyage au cœur de thèmes<br />
tels que l’émancipation, l’anticolonialisme et le pacifisme.<br />
Picasso n’a pourtant jamais visité le Moyen-Orient, mais<br />
il a indéniablement été influencé par l’art du monde entier,<br />
notamment du continent africain. Apollinaire, dès 1905,<br />
le décrit d’ailleurs comme « arabe rythmiquement »,<br />
offrant la promesse d’un art universel sans hiérarchie<br />
géographique (Orient/Occident), temporelle (passé/présent)<br />
ou stylistique (art naïf/art savant). Cette attraction est<br />
présente chez nombre de pères de la modernité irakienne,<br />
libanaise, syrienne, algérienne ou égyptienne, comme<br />
Jewad Selim, Aref El Rayess, Idham Ismaïl, Mohammed<br />
Khadda ou encore Samir Rafi. Parmi les 32 artistes<br />
exposés, certains d’entre eux ont même croisé la route<br />
de Pablo Picasso. L’un des principaux points focaux de<br />
ce dialogue artistique est incontestablement sa peinture<br />
épique, Guernica (1937) : une fresque universelle refusant<br />
toutes les formes de violence contre les civils, qu’aucune<br />
idéologie ni aucun régime ne peuvent justifier. ■ C.F.<br />
« PICASSO ET LES AVANT-GARDES ARABES »,<br />
Institut du monde arabe, Tourcoing (France),<br />
jusqu’au 10 juillet. ima-tourcoing.fr<br />
DR - M.D. - RACHEL PRAT<br />
20 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
DESIGN<br />
RÉVÉLATIONS, OU L’AFRIQUE<br />
CRÉATIVE EN VEDETTE<br />
La biennale internationale des métiers d’art et de la création<br />
met à l’honneur LES SAVOIR-FAIRE du continent.<br />
POUR SON RETOUR au Grand Palais éphémère,<br />
du 9 au 12 juin, la biennale « Révélations » accueille artistes<br />
et artisans du continent. Ils dévoileront leurs créations sur<br />
des stands individuels et seront au centre du programme<br />
culturel Hors les murs, notamment avec l’exposition-vente<br />
« Exceptions d’Afrique », installée dans le concept store<br />
parisien Empreintes du 19 mai au 18 juin. Réalisée sous<br />
le commissariat de Nelly Wandji, la sélection comprend<br />
L’œuvre textile<br />
M.O.M.S.002<br />
de la Marocaine<br />
Ghizlane Sahli.<br />
Un masque de<br />
la communauté<br />
Mbunda,<br />
en Zambie.<br />
des œuvres uniques d’ébénistes, de forgerons, bronziers,<br />
céramistes, vanniers et damasquineurs, issus d’une dizaine<br />
de pays comme Madagascar, le Burkina Faso ou l’Afrique<br />
du Sud. Dans les allées du salon, la dinanderie marocaine,<br />
le tissage traditionnel sénégalais revisité ou les métiers<br />
d’arts togolais offriront aux visiteurs un tour d’horizon<br />
du continent et de ses talents. Au Banquet, l’exposition<br />
internationale construite autour de 10 espaces<br />
scénographiés, on retrouvera les étonnants travaux textiles<br />
de la Marocaine Ghizlane Sahli, les sculptures en bronze<br />
et bois du Nigérian Alimi Adewale, ou encore<br />
la sélection de Claire Chan et Paula<br />
Sachar-Phiri de la Gallery 37d.<br />
Celles-ci présenteront les<br />
majestueux masques réalisés<br />
par la communauté Mbunda,<br />
à la lisière de la Zambie<br />
et de l’Angola. ■ L.N.<br />
Une sculpture<br />
du Nigérian Alimi<br />
Adewale.<br />
DR (4)<br />
« RÉVÉLATIONS », Grand Palais éphémère,<br />
Paris (France), du 9 au 12 juin. revelations-grandpalais.comndpalais.com<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 21
ON EN PARLE<br />
EXPO<br />
CRÉATION<br />
LUDIQUE<br />
Ci-contre,<br />
« Sans titre »,<br />
série La Salle<br />
de classe,<br />
Hicham<br />
Benohoud,<br />
1994-2002.<br />
Une exploration de la thématique<br />
du JEU DANS L’ART. Et plus encore…<br />
SOUVENIRS D’ENFANCE, quête d’identité, vertige, extase…<br />
Avec plus de 80 œuvres de 64 artistes contemporains, la transgression<br />
et le divertissement deviennent dans cette exposition du Musée<br />
d’art contemporain africain Al Maaden (MACAAL), à Marrakech, les<br />
instruments de la représentation, notamment picturale. Et la création,<br />
une variation entre pratiques ludique et artistique. Psychanalytique<br />
aussi. La théorie du jeu, nous la devons à Donald W. Winnicott,<br />
pédiatre et psychanalyste britannique, qui définit le jeu comme une<br />
mise en scène des tensions psychiques et un moyen thérapeutique.<br />
Quelque chose qui, dans son observation, s’apparenterait à<br />
l’interprétation des rêves. C’est ce que font, à leur manière, loin<br />
des certitudes, Mariam Abouzid Souali, Joy Labinjo, GaHee Park<br />
ou encore Mohamed El Baz. Passeurs d’idées et de désirs, ces artistes<br />
interrogent eux aussi l’inconscient, individuel et collectif. En jouant<br />
avec les signes, les significations, les matières, les techniques et les<br />
technologies, ils proposent un autre regard, libre, parfois subversif.<br />
Un autre rapport à soi. Et au monde. Un monde décomplexé, onirique,<br />
souvent joyeux et frisant l’absurde. Peut-être plus authentique. ■ C.F.<br />
Ci-dessous, « Berouita (Brouette) », série Rule Of Game,<br />
Mariam Abouzid Souali, 2017<br />
« L’ART, UN JEU SÉRIEUX », Musée d’art<br />
contemporain africain Al Maaden, Marrakech<br />
(Maroc), jusqu’au 17 juillet. macaal.org<br />
AYOUB EL BARDII - COLLECTION FONDATION ALLIANCE MACAAL (2)<br />
22 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
JUNE MACHIA<br />
SOUL<br />
IRMA<br />
ENTRE DOUALA<br />
ET PARIS<br />
Son nouvel EP fait le PONT<br />
ENTRE DEUX CONTINENTS<br />
et de multiples genres musicaux.<br />
Frais et chic à la fois.<br />
CHANSON, FOLK, afro-pop, et ce<br />
léger swing qui n’appartient qu’à elle :<br />
entourée de musiciens de Bangangté,<br />
Douala, Londres et Paris, la chanteuse<br />
camerounaise s’essaye au registre<br />
francophone. Et c’est réussi. Découverte<br />
au tout début des années 2000 avec<br />
le single « I Know », Irma est née de<br />
scientifiques mélomanes qui l’ont bercée<br />
au son d’Ella Fitzgerald ou de Fela<br />
Kuti. À l’adolescence, elle part faire<br />
de brillantes études à Paris, mais la<br />
musique l’appelle et, très vite, elle<br />
apprend à mixer et produire ses propres<br />
morceaux. Aujourd’hui, après trois<br />
albums dans la langue de Shakespeare,<br />
s’ouvre un nouveau chapitre : « Une<br />
étape qui me rapproche encore plus<br />
de moi-même, confie-t-elle, même<br />
si cette quête ne sera<br />
jamais véritablement<br />
terminée ! » En effet,<br />
les huit chansons<br />
de cet EP sont nées<br />
pendant le premier<br />
confinement, et, comme son nom<br />
l’indique, entre Douala et Paris.<br />
« C’est un moment où tout s’est arrêté<br />
d’un coup, et il a été pour moi l’occasion<br />
d’une introspection à travers mes<br />
différentes identités, mes différentes<br />
cultures, se souvient la chanteuse.<br />
Comme chez beaucoup de gens, il<br />
a éveillé la nécessité d’un retour aux<br />
racines. Je suis une Africaine d’Occident<br />
ou une Occidentale d’Afrique. Cette<br />
dualité qui, lorsque j’étais plus jeune,<br />
IRMA, Douala Paris,<br />
Irma Pany, sous licence<br />
exclusive Saraswati/<br />
Sony Music.<br />
était une source de conflit<br />
intérieur et de quête d’identité,<br />
est au fil des années devenue<br />
ma plus grande force. De<br />
là est née l’envie de parler<br />
de cette réconciliation culturelle<br />
et identitaire. » Ce qui s’entend<br />
au fil de Douala Paris, au travers<br />
de morceaux contrastés<br />
comme « Va-t’en », « Mes failles »<br />
ou encore « Danse ». Irma<br />
s’y dévoile plus que jamais auparavant,<br />
sur ses amours ou ses doutes<br />
existentiels, tout en renouant des liens<br />
forts avec sa ville natale : « Je suis fière<br />
de montrer que le Cameroun regorge de<br />
talents et d’un savoir-faire incroyables,<br />
qui résonnent dans le monde entier. Et<br />
puis, tout simplement, j’étais heureuse<br />
de tourner pour la première fois chez<br />
moi, là où j’ai grandi. Et de montrer la<br />
beauté, la richesse des paysages comme<br />
de la culture camerounaise. » ■ S.R.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 23
ON EN PARLE<br />
Le bar du Nok by Alara,<br />
à Lagos, a été décoré<br />
par le plasticien Victor<br />
Ehikhamenor.<br />
SPOTS<br />
ENTRE<br />
INNOVATION<br />
ET TRADITION<br />
Des fusions made in Lagos à<br />
l’héritage marocain mis à l’honneur<br />
à Marrakech, L’EXCELLENCE<br />
se décline de mille façons.<br />
La Maison arabe est un riad à Marrakech, qui propose<br />
une expérience gastronomique raffinée.<br />
● OUVERT PAR L’ENTREPRENEUSE Reni Folawiyo, déjà<br />
derrière le concept store Alara, le restaurant panafricain<br />
Nok by Alara est l’une des tables les plus connues de Lagos.<br />
On y vient pour dîner dans un cadre intimiste, un œil sur les<br />
œuvres d’art et de design venues de tout le continent. Ou pour<br />
se relaxer dans l’élégant jardin entouré de bambous et prendre<br />
un cocktail maison au bar décoré par l’artiste nigérian Victor<br />
Ehikhamenor. Mais surtout pour y déguster les classiques<br />
de la cuisine africaine revisités par les chefs : du misir wat<br />
de lentilles rouges éthiopien au dibi d’agneau sénégalais,<br />
en passant par le délicieux braai sud-africain ou le poulet<br />
suya, il y en a pour tous les goûts. On y trouve aussi l’un<br />
des meilleurs riz jollof de la ville, servi avec du bœuf<br />
dambu-nama, une spécialité du nord du pays.<br />
● Si à Lagos on innove, à Marrakech on fait de la tradition<br />
une force. Chez La Maison arabe, un riad de luxe au cœur<br />
de la médina, on célèbre la finesse de la cuisine marocaine<br />
depuis 1946. Ouvert seulement le soir, Le Restaurant offre<br />
une expérience gastronomique raffinée en proposant en<br />
entrées des salades, des pastillas variées ou des briouates,<br />
mais aussi des plats, comme des couscous, des tajines et<br />
d’autres recettes classiques exécutées à la perfection, tels<br />
l’épaule d’agneau aux dattes ou le poulet au citron confit et<br />
au safran de Taliouine. Certains de ces plats sont à retrouver<br />
également dans l’autre restaurant de la maison, Les Trois<br />
Saveurs, ouvert, lui, à midi et doté d’une terrasse avec vue<br />
imprenable sur la piscine et les jardins. ■ L.N.<br />
nokbyalara.com / cenizaro.com<br />
DR (2)<br />
24 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
ARCHI<br />
Sèmè One,<br />
un smart building<br />
à Cotonou<br />
Une intervention ingénieuse<br />
du CABINET COBLOC a transformé<br />
un vieux bâtiment délabré en un<br />
campus innovant et écoresponsable.<br />
MAYEUL AKPOVI<br />
LE PREMIER C<strong>AM</strong>PUS de Sèmè City, espace dédié à<br />
l’innovation et au savoir, a pris ses quartiers fin 2020 dans<br />
un bâtiment multifonctionnel baptisé « Sèmè One ». Le projet<br />
a été magistralement réalisé par le cabinet franco-béninois<br />
Cobloc, dirigé par Ola Olayimika Faladé et Clarisse Krause,<br />
qui a rénové la structure délabrée préexistante avec une série<br />
d’interventions simples et efficaces. Le corps principal, un bloc<br />
de plus de 100 mètres de long, est plein et massif. Les murs<br />
ont été doublés pour réduire les écarts thermiques et garantir<br />
un climat stable, jour et nuit. Sur les trois côtés les plus<br />
exposés au soleil, ce système a permis de créer des fenêtres<br />
en retrait, naturellement ombragées. Avec une série de<br />
lamelles colorées, elles participent à un jeu de volumes<br />
qui anime la longue façade en terre rouge, cassant son<br />
horizontalité. Côté nord en revanche, de larges encadrements<br />
captent et diffusent le maximum de lumière à l’intérieur<br />
du campus. Ici, c’est par la couleur que se dessinent les<br />
différents espaces, et les murs cachent un système d’assistance<br />
smart building à l’avant-garde : le bâtiment est équipé<br />
pour transmettre et stocker des données sur son état et<br />
son utilisation. Une innovation qui permet au gestionnaire<br />
de la structure d’adapter l’éclairage, la climatisation,<br />
le réseau informatique ainsi que d’autres paramètres en<br />
fonction des besoins réels des usagers. ■ L.N. cobloc.archi<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 25
PARCOURS<br />
Walid Hajar Rachedi<br />
L’ÉCRIVAIN D’ORIGINE ALGÉRIENNE SIGNE<br />
un premier roman sensible, en lice pour le prix Orange du livre.<br />
De Kaboul à Tanger, de Londres à Oran, il y fait le récit initiatique<br />
d’un jeune héros travaillé par des questions métaphysiques. par Astrid Krivian<br />
Le<br />
«<br />
voyage, c’est aller de soi à soi en passant par les autres. » Ce proverbe<br />
touareg résume bien le cheminement du héros de Qu’est-ce que j’irais faire<br />
au paradis ? Français d’origine algérienne, Malek, la vingtaine au début<br />
des années 2000, souffre d’être assigné à une identité « arabe, musulmane »<br />
associée à l’obscurantisme, au déclassement. « Les attentats du 11 septembre ont<br />
bouleversé les représentations et débats dans la société française. Auparavant<br />
appelés “Arabes”, “immigrés”, les Français d’origine maghrébine sont devenus<br />
des “musulmans”. Et certains pratiquants étaient soupçonnés de radicalité »,<br />
regrette Walid Hajar Rachedi. Après sa rencontre marquante avec un jeune<br />
exilé afghan, Malek se lance sur les routes du monde arabe, en vue de se libérer des carcans, de trouver du sens.<br />
Un voyage initiatique, une quête spirituelle, existentielle, pour découvrir les richesses culturelles de l’Andalousie<br />
au Caire, en passant par Tanger, Oran… Se confrontant aux autres, au réel, il crève l’écran de fantasmes posé<br />
entre lui et le monde. Avec pour boussole, sa foi en l’islam. « Mon roman est un thriller<br />
métaphysique. Souvent, les personnages issus de l’immigration sont sauvés par les lettres<br />
et la République. Le mien trouve sa force et sa transcendance autrement, incarnant<br />
une figure positive. » Malek tombe amoureux de Kathleen, jeune Londonienne dont<br />
le père, humanitaire en Afghanistan, a disparu. Dans ce portrait tout en nuances d’une<br />
génération Y mondialisée, l’auteur tisse avec finesse la toile de son intrigue haletante<br />
et entrelace les destins, entre Londres, Kaboul, Paris… Avec une puissance d’évocation,<br />
il trempe sa plume dans les drames contemporains comme dans les blessures intimes, les<br />
rêves et désillusions de ses héros. S’ils sont hantés par des questions semblables – amour,<br />
identité… –, les événements géopolitiques les affectent et les forgent différemment.<br />
Poursuivre les horizons, c’est aussi le moteur de cet écrivain. Né en 1981 à Créteil,<br />
enfant rêveur et solitaire, il s’évade à travers les livres. Il attrape le virus de l’écriture<br />
grâce à Sourires de loup, de Zadie Smith, et aux rappeurs des années 1990, maîtres<br />
du storytelling. Diplômé d’informatique puis d’une école de commerce, il est le<br />
cofondateur du média en ligne Frictions. Ses expériences professionnelles (consultant<br />
Qu’est-ce que j’irais<br />
faire au paradis ?,<br />
Emmanuelle Collas,<br />
304 pages, 18 €.<br />
digital, journaliste, enseignant…) lui font poser ses valises au Mexique, aux États-Unis, au Brésil pendant six ans.<br />
Globe-trotteur infatigable, la soif de liberté et la curiosité en bandoulière, ce polyglotte, désormais établi à Lisbonne,<br />
a traversé l’Amérique latine du Brésil à Cuba, en se demandant : l’identité latino-américaine existe-t-elle ? Le voyage<br />
l’« autorise à être ébloui », défie ses valeurs, ses perceptions sur les sociétés. Et le libère de cette double conscience,<br />
avancée par le sociologue américain W.E.B. Du Bois, ce poids des représentations raciales, ce regard de l’autre<br />
qui enferme, et que le sujet intériorise. « Pour forcer un peu le trait, à l’étranger, je suis en mode béret-baguette !<br />
J’ai réalisé à quel point j’étais français – mes goûts culturels, la conscience sociale pour l’égalité, l’esprit critique,<br />
l’intérêt pour l’actualité, la curiosité… L’identité française existe, mais elle mérite un débat apaisé. » ■<br />
DR<br />
26 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022
ANNIE GOZARD<br />
« L’identité<br />
française existe,<br />
mais elle<br />
mérite un<br />
débat apaisé. »
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C’EST COMMENT ?<br />
PAR EMMANUELLE PONTIÉ<br />
MAUVAISE NOTE<br />
DOM<br />
Le 16 juin sera célébrée la journée internationale de l’enfant africain,<br />
instaurée depuis 1991. Triste commémoration annuelle des jeunes tués lors du soulèvement<br />
estudiantin de 1976 à Soweto, en Afrique du Sud. À cette occasion, de nombreux<br />
bilans et études sont publiés, rappelant la situation précaire de l’enfance face notamment<br />
à l’éducation, première étape de la formation pour un accès à un travail et une<br />
intégration optimale dans le monde de demain. Les chiffres de l’Institut de statistique de<br />
l’UNESCO (ISU) brocardent sempiternellement l’Afrique subsaharienne. Parmi toutes les<br />
régions du monde, c’est en effet ici que l’on relève le plus fort taux d’exclusion de l’éducation<br />
: plus d’un cinquième des enfants âgés de 6 à 11 ans n’est pas scolarisé, suivi par<br />
un tiers des 12-14 ans et près de deux tiers des 15-17 ans.<br />
Bien sûr, chez les filles, les indicateurs<br />
s’aggravent. Pour des raisons bien connues de<br />
pauvreté qui pousse les familles à « investir » sur<br />
l’éducation d’un seul garçon ou à rechigner à<br />
envoyer leur fille loin du foyer, ou pour des raisons<br />
culturelles ou d’attachement au mariage précoce,<br />
qui les entraînent à ne pas voir l’intérêt de l’envoyer<br />
à l’école.<br />
D’autres soucis viennent compliquer<br />
encore l’accès à la scolarité, comme la pénurie<br />
de professeurs formés, la précarité des classes, sans<br />
eau courante ni électricité, parfois sans bancs, aux<br />
effectifs pléthoriques d’élèves… Et bien entendu,<br />
les zones de conflits génèrent année blanche sur<br />
année blanche. Alors certes, les politiques d’éducation<br />
s’améliorent, on construit des classes, on<br />
forme des profs, on lance des campagnes de<br />
sensibilisation à l’intention des parents retors, etc.<br />
Et les mentalités évoluent. Surtout en ville.<br />
Pourtant, la démographie galopante de<br />
ces régions, qui affichent un taux de natalité très élevé, inquiète les spécialistes.<br />
Comment absorber demain et après- demain le nombre exponentiel d’enfants et de<br />
jeunes en demande d’éducation avec un système déjà totalement dépassé ? Et les<br />
projections du dernier Rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’UNESCO ne sont<br />
pas très optimistes. Il en ressort, entre autres, que la proportion d’enseignants formés en<br />
Afrique subsaharienne est en baisse depuis 2000. On prévoit aussi qu’en 2030, 20 % des<br />
jeunes et 30 % des adultes ne sauront toujours pas lire… De quoi interroger les pouvoirs<br />
publics, qui doivent urgemment revoir leur copie. ■<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 29
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